Mowiel Solverre

Mowiel se revoit quinze ans plus tôt, penchée sur le lit où le quatrième enfant de la famille hurle énergiquement en réclamant le lait de sa mère ; puis jouant derrière la maison pour ne pas gêner, avec son frère Chakib, plus jeune qu’elle. Ildya Solverre n’a pas beaucoup de temps à leur consacrer, mais quand elle est là, tout est doux.

Elle se souvient de l’odeur du vent, du soleil et des fleurs, qu’elle ramène des terres cultivées ; de ces moments où elle tâte les poches de sa loque, pour y trouver quelques trésors : un cœur de Fahr, un scarabée égaré et parfois une vieille pierre rougeâtre avec laquelle elle espère acheter un morceau de pain. Un soir, elle mange un peu de blé grillé mêlé à du raisin sec. Cédant au regard implorant de ses frères, elle leur cède la moitié de son assiette. Ne sachant plus quelle méthode employer pour aider les membres de sa famille, elle culpabilise si elle ne répond pas à leurs attentes et culpabilise davantage de céder à leurs caprices. Se débattant de son mieux dans son rôle d’aînée, elle doute sérieusement de ses qualités de grande sœur. La mort prématurée de son frère la plonge dans le désespoir.

Le lendemain de la mort de Faeb, fauché par la faim, est célébré le « Jour du remerciement ».
L’enfant entend les cigales et leur crissement de folie. L’enfant entend le vent et les voix qu’il porte, le pas des draomas sur le sable fin et le chant des Charmeuses. Mowiel aime entendre. A vrai dire, elle aime aussi regarder, goûter le lait de l'osabrouteur et sentir le toucher du soleil sur sa peau. Mais son cœur s’inquiète de cette effusion de sourires  et des jeux des enfants. Hier, Faeb est mort dans son sommeil. Quand Ruyn reprend quelqu’un d’aimé, l’enfant voit les gens pleurer. Alors Mowiel pleure dans les longs jupons de sa mère. Son père, prénommé Somar, sent son cœur se serrer, tandis qu’Ildya caresse gentiment ses cheveux. « C’est un grand jour pour toi, Mowiel. Il ne faut pas pleurer. », murmure-t-elle à son oreille. Mowiel ne comprend pas : sa mère ne l’oblige jamais à retenir ses larmes. Somar se saisit maladroitement sa main et la tire vers l’Oasis. Un homme s’approche d’elle. Mowiel se cache dans l’abri paternel, intimidée. Il est grand et son regard aussi sombre que l’univers de ses cauchemars.

Il s’appelle Malhek. Ses paroles sont douces mais ses mains tiennent l’aiguille. Mowiel connaît la tradition. L’outil lui rappelle une histoire, celle qu’on lui raconte avant chaque nuit, celle de Ruyn. Mais elle refuse de se soumettre, apeurée par les gémissements plaintifs des enfants qui l’ont précédé. Frêle, elle échappe agilement à l’emprise de son père et se cache parmi les badauds. Indéniablement honteux, son père s’excuse auprès du jeune Chamane et part à la recherche de l’enfant. On la ramène spontanément vers l’Oasis : alors Mowiel pleure à nouveau, tente un instant de frapper son bourreau puis renonce, cernée par l’agacement des adultes. On tatoue à son épaule un type de tourbillon informe.

Malhek rejoint le prochain enfant. Elle se souvient encore de sa peau très sombre et de ses longs cheveux d’ébène ; comment oublier ce sourire, dont il la gratifie lorsqu’il achève son œuvre ? Il lui a fait mal et elle le déteste pour cela. Lorsqu’on lui rappelle que les Chamanes sont les descendants  directs de Ruyn et qu’il faut les respecter, Mowiel culpabilise et porte sa colère contre elle-même plutôt qu’envers Malhek : elle fait honte à ses parents et honte au peuple de Korrul. En fuyant, elle déshonore le nom de sa famille. Aux « Jour du remerciement » suivants, Mowiel ne se fait pas remarquer. Mais elle respecte, chaque jour durant, la foi due à Ruyn. Pour le Chamane qu’elle a bafoué ; mais surtout pour elle-même.


Lorsqu’elle atteint l’âge de travailler, Mowiel offre ses services aux familles Cultivatrices d’Arish. A travers diverses tâches, elle apprend le ménage, le jardinage et la cuisine. Les premières années se passent bien, néanmoins, à mesure du temps, ils se séparent d’elle plus précocement, forçant son départ en lui assignant les tâches les plus éprouvantes. Mowiel est malade. Fragilisée par sa petite condition, elle souffre de plus en plus régulièrement de violentes fièvres, qui lui valent le surnom de « Chétive petite chose ».

Le vol devient une option plus alléchante. Sur le marché, elle prend ce que les gens jettent : pommes pourries, viandes rongées par les vers, lait jaunâtre et vêtements troués. Ses pieds portent les brûlures du sable chaud et saignent. A l’aide de cordes et de tissu, elle confectionne des chausses. Les Korruliens ne la regardent plus : elle est fade et sans odeur.

MAJ du 10/04/2015 : Mowiel est embauchée par les Lysereän le 19 Dorror 1803. D'abord servante de Wirian Lysereän, Mowiel est rapidement repérée par Kezaël Lysereän, Représentant des Cultivateurs, qui souhaite se servir d'elle pour approcher les Anstarym, suspectés de détournement d'argent. Il lui ordonne de séduire Khalil Anstarym, le chef de la famille Anstarym, afin qu'il lui livre ses plus sombres secrets. Mais voyant Mowiel renoncer devant la difficulté de la tâche, il passe un marché avec elle : en échange de ses services, il livrera chaque mois aux Solverre une bourse de galons d'or, afin qu'ils ne vivent plus dans le besoin. Mowiel accepte, et renonce à son nom et à revoir les siens. Mais courant Shannor, la jeune femme fuit Khalil et les Lysereän et part se cacher dans les cités troglodytes de Penjoie, emportant avec elle plusieurs secrets pouvant mettre en danger la famille qui l'a employée. Elle est trouvée affamée quatre mois plus tard par Khalël Isam, un ami d'enfance, qui l'aide à se faire à sa nouvelle vie d'Ostracisée.