Histoire

ACTE I : Ôde à la folie

Mon enfance est inexistante. Ma mère et mon père le sont encore plus. Seuls les racontars et histoires des vieux de Vanylle m'ont permis de savoir qui j'étais, et d'où je venais. Je suis une sang-mêlée. Une mère matroscienne, un père korrulien. Une bâtarde. Après leur aventure amoureuse, mes parents se sont retrouvés bannis de leurs terres respectives et par un heureux miracle, ont pu jeter l'ancre ici, dans le repaire des malfrats. Ma génitrice est morte en me donnant la vie, mon paternel dans un duel pour l'honneur. C'est un aubergiste de Vanylle qui m'a pris sous son aile, dès ma naissance. Les souvenirs de cette époque sont flous, bien trop pour que je me souvienne de tout. Je me rapelle seulement du comptoir de la taverne, sous lequel je dormais chaque nuit, à même le sol. Et les pieds qui venaient se fondre dans mon corps lorsque je n'étais pas correctement couchée.

Vers l'âge de 12 ou 13 ans, celui qui m'avait recueilli me trouva enfin une utilité. Comme si depuis toutes ces années, j'avais été un fléau pour lui. Je ne lui avais pourtant rien demandé... Quoi qu'il en soit, le bordel attenant lui convint très bien comme premier emploi pour moi et il m'y vendit sans plus de vergogne. En quelques jours, on m'enleva mon honneur, ma vertu, mon innocence. En quelques jours, je perdis le semblant de normalité qu'il me restait. J'avais toujours été une petite fille pugnace et avec du répondant. Mais l'accumulation de toutes ces années de mépris, d'abandon, de salissure durent débloquer quelque chose dans mon crâne. Quelque chose de pas normal. Si bien qu'il m'arrivait parfois de faire des choses dont je ne me souvenais pas. Comme si un autre moi les faisait à ma place. Lorsqu'un homme me prenait, je ne ressentais plus rien. Plus de dégoût. Comme si une autre personne était salie à ma place. Et dans les quelques souvenirs qu'il me restait de cet "autre", je me surpris à voir que j'aimais ça. A peine entrer dans l'adolescence, que la folie me guettait. Et il n'était pas rare que de puissantes crises de colère et de violence me prennent, alors que j'avais toujours été d'un naturel calme. Je sentais qu'un changement avait opéré en moi, et je ne pouvais lutter contre. Alors je fis avec, m'y accommodais, malgré toute la frayeur que cela me procurait de me savoir livrer à une seconde... personnalité. Car il fallait bien le dire, je n'étais plus toute seule dans ma tête.


ACTE II : La délivrance de la démence

Je venais de fêter mes 15 ans lorsque ma pathétique vie de bipolaire prit enfin une nouvelle tournure. Le bordel où je travaillais était devenu mon logis et j'y avais mes habitudes. Aussi, ce fut avec surprise qu'un soir, j'y découvris une cliente que je n'avais encore jamais aperçu. Pas bien vieille, elle jouait aux cartes, et ce fut de loin que je l'observais. Elle était belle. J'appris qu'elle était pirate. Et l'idée de m'en servir pour partir loin d'ici ne tarda pas à germer dans mon esprit. Ainsi, tous les soirs, je priais Vama lorsque j'étais moi, la Riska normale, franche et courageuse. Et lorsque j'étais l'autre, la Riska violente, sanguinaire et insatiable de pulsions, je vouais mes prières à Ryun. Ma folie ne faisait qu'empirer et si je m'y étais parfaitement adapté, et jouais même avec, cela avait tendance à effrayer de plus en plus les gens que je fréquentais au bordel. Les clients, eux, semblaient très bien s'en accommoder, trouvant ces changements de personnalité presque exotiques.  

Quoi qu'il en soit, ce que pouvait penser les clients ne m'importait plus. Mon esprit était focalisé sur la pirate, présente tous les soirs à la table de jeu. Et comme chaque soir, je la regardais jouer, discrètement, depuis un coin de l'escalier. Je l'observais tant et si bien, que je commençais même à cerner son style de jeu. Et l'avarice de mon "autre" ne tarda pas à entrer en jeu. Sans hésiter, lors d'un soir plutôt calme, je me dirigeais vers elle, une lueur de folie au fond des yeux. La mettant au défi de jouer contre moi, elle me rit au nez en me voyant, moi, petite fille. Très sérieuse, je lui glissais un pari. Si elle gagnait, elle avait droit à ce qu'elle souhaitait de ma part. Si je remportais la partie, elle m'emmenait avec elle sur son vaisseau. Je sus à son regard qu'elle ne me prenait pas au sérieux, mais accepta. Le jeu débuta. Et par un heureux tour de triche réussi, je gagnais. Je cru qu'elle me tuerait sur place pour l'avoir vaincu, mais sans un mot elle sortit de la taverne. Un sourire aux lèvres, je la suivis en courant. Et malgré toute la ferveur qu'elle mit à vouloir me faire rester sur terre, mon insistance finit par l'user et elle accepta de m'emmener.


ACTE III : La danse des damnés

Ma liberté reconquise, ce fut avec une heureuse folie que j'en profitais. Aleera, ma sauveuse, devint mon Capitaine. Elle m'apprit à me battre, à planifier des stratégies d'attaques et à me faire une place sur le vaisseau. De petite fille combative, je passais à jeune femme sanguinaire. Et si me battre avait toujours été un loisir, tuer en devint un aussi.

Le temps fit de moi une femme, et de Capitaine, Aleera passa à amant. Elle me promut Canonnier - Second Lieutenant, et je pus, dans ce rôle, exploiter toutes mes ressources en matière de tuerie. Mon autre, Riska la violente était comblée, bien plus qu'elle ne l'avait jamais été. Tuer pour Ryun était un honneur. Mes excès de folie étaient de plus en plus fréquent durant les abordages et les attaques, mais tous les membres de l'équipage s'en étaient accommodés. Il faut dire que je ne leur avais pas trop laissé le choix.. Et peu appréciaient mon autre personnalité, qui d'ailleurs, ne leur faisait pas de cadeau. Lorsque le calme régnait sur le vaisseau, Riska la normale était de retour et alors, l'ambiance était souvent détendu. Dans ces moments là, mes envie de meurtre étaient quasi-inexistantes, et je passais le plus clair de mon temps à m'occuper de mes armes, à m'amuser avec un homme ou à prier Vama.

En m'emmenant avec elle, Aleera m'avait sauvé, libéré et reconstruite. Ma folie ne dérangeait plus personne -ou presque- et je l'avais moi-même, totalement adopté. Pour cela, je lui avais donné mon âme, mon corps, ma loyauté, ma vie. Et pour une fois, Riska la violente était d'accord avec moi.


" Une histoire ne s'écrit pas en seulement 19 ans de vie. Le plus intéressant reste à vivre. "