Sant Poseïnos, Sundas 6 Alvos 1113

-"En ce jour incertain, où le quotidien est rythmé par la spéculation sur l'avenir Matrooscien, par l'écho des voix conspiratrices dans les ombres de notre société,  par le doute du peuple vis-à-vis du bien fondé de leurs chefs … Il m'est venu à l'évidence que je devais mettre sur papier mon histoire. Là n'est pas le fait que je ne me sens pas mêlé à tout ces vrombissements incessants, mais il s'agit d'avantage de sauvegarde de mon expérience et de mon vécu, pour les générations futur, mes générations futur … Souvenez-vous de votre arrière grand-père, ou même de votre vieil ennemi, vous seul savez qui je serai par rapport à vous quand vous me lirez."-

Cette histoire commence en 1042, à une naissance. Ceci est toujours un événement particulier pour la famille, ils accueillaient un nouveau membre. La cellule s'agrandissait, et plus tard, ce même enfant donnera à son tour naissance à d'autre … Et ainsi de suite, permettant comme toujours la pérennité de la famille. Un cycle parfait. L'enfant qui naquit en ce jour de l'an 1042 fut prénommé 'Karl'. Et il avait de quoi être fier même avec un tel prénom … Naître dans une famille comme celle des Varchen représentait un avantage, à Matroos du moins. Sa mère, Lucia Varchen, avait beaucoup souffert de cette naissance. Rien que les précédents mois avaient été difficile, des complications s'étaient présentés et on lui disait qu'il était incertain de l'état de santé du nourrisson. Mais Vama décida que tout se passerait bien pour l'enfant et sa mère, qui en ressortirent tout deux vivants et bonne santé à la fin. Quant à son père, Klaüs Varchen, il fut heureux d'avoir enfin un héritier. Heureux, mais sans plus. Ce n'était pas dans la nature de cet homme d'afficher grandement ses sentiments, il en paraissait d'ailleurs toujours presque froid.

Les premières années de Karl furent sans doutes ses meilleures années dans toute sa vie. Il ne manqua de rien, ni d'affection ni de moyen. À l'époque tout était si mieux que maintenant, la vie avait un autre goût. Le petit garçon avait toutefois hérité du coté non-sentimental de son père. On croyait qu'il faisait tout le temps la tête mais en réalité ce n'était pas le cas. Lucia tenta bien de lui faire changer ceci, mais rien n'y faisait, le petit Karl n'affichait que rarement un sourire. Mais cela n'enleva rien à sa joie de vivre de l'époque. Et cela se voyait au travers une passion qui, dès cet âge-là, se manifesta en lui. À ses cinq ans il arrivait, rarement, qu'il puisse accéder au bureau de son père. Celui-ci n'acceptait en général pas que son fils aille dedans, et quelques fois quand il était de réelle bonne humeur, il le laissait. Qu'est-ce qui intéressait le garçon dans ce bureau ? Des maquettes. De simple maquettes modèle réduit d'appareil divers, n'ayant jamais vu le jour. Elles étaient toutes sorti du cerveau de Klaüs, qui n'avait jamais pu les concrétiser, pour diverses raisons. Mais cela faisait le bonheur de Karl qui jouait avec certes, mais qui étonnement s'amusait à démonter. Il était très curieux et voir comment fonctionnait ces babioles semblait beaucoup l'intéresser.

Le temps s'écoula de nouveau et voilà que le garçon était à présent âgé d'une dizaine d'années. Son éducation avait commencé depuis longtemps, et outre l'apprentissage des us et coutumes de la société, des marchands, on lui enseignait les sciences. Et on se rendit compte au fil du temps, qu'il montrait un certain enthousiasme à apprendre et comprendre tout ce qu'on lui enseignait. Ses précepteurs étaient très fiers, et certains voyaient même en lui un petit génie. Mais on ne pouvait réellement juger à son âge. On attendra encore quelques années plus tard où les sciences devenaient bien plus complexes à assimiler et où une intense réflexion devait se faire pour comprendre. Et là encore, on fut stupéfié. Le jeune Karl du haut de ses quinze ans excellait dans la mécanique, les mathématiques et tout ce qui s'en rapportait. Dès lors on su qu'il possédait un grand potentiel … Sa mère, ses précepteurs, tout le monde le félicitait, sauf son père. Celui-ci restait de marbre face à sa réussite, comme si cela lui était égal. Plusieurs fois Lucia alla lui parler à propos de ça, mais la seule chose qu'elle obtenait était alors de rapides compliments surfaits … Pourquoi Klaüs ne semblait pas apprécier que son fils réussisse autant ?

Un froid se jeta entre père et fils. Klaüs était de base distant à cause de sa condition de chef de famille, il se déplaçait toujours et n'avait pas beaucoup de temps à accorder. Mais lorsque c'était le cas, il regardait à peine Karl. Pourquoi ? Que lui avait-il fait pour mériter un tel mépris ? Il avait été un enfant modèle jusque là, il ne comprenait pas comment son père pouvait agir ainsi envers lui. Cette distance finit par créer au fil des années une rancœur chez Karl, qui rapidement commença à en vouloir à Klaüs. Mais ce dernier semblait encore et toujours indifférent vis-à-vis de son fils, comme si il s'agissait presque d'un inconnu. Les échanges verbaux se faisaient de moins en moins, ils se voyaient rarement, et le dialogue était complètement rompu. Et ce fut bel et bien son père qui fut à l'origine de cet écart, qui tout seul prenait de la distance. Karl ne comprit jamais pourquoi.

Toutefois, le jeune homme qu'il était à présent savait qu'il devait avancer pour ne pas chuter. Une grande carrière de scientifique s'offrait à lui, il avait tant de travail à faire rien que pour l'entreprise familiale. Et ce fut d'ailleurs au sein de l'académie de recherche de Sant Poseïnos qu'il trouva ancrage en tant que jeune chercheur. Sa spécialité fut l'étude des mécaniques complexes et sophistiquées. L'avènement du Sidelium provoqua un réel bond en avant en matière de technologie de pointe et plus que jamais, on avait besoin de matière grise pour exploiter au mieux toutes les nouvelles possibilités qu'il offrait. Jusqu'à ses vingt-cinq ans il effectua des recherches en tout genre au sein de l'académie. Son talent fut rapidement remarqué et on lui proposa dès lors d'étendre ses travaux et enrichir son expérience en allant découvrir de nouveaux horizons, notamment à Vuulte. La ville moderne comme on l'appelait, celle qui symbolisait le pouvoir technologique de Matroos.


Karl passa de très nombreuses années à voyager partout dans le pays, là où ses connaissances et son expertise était requise. Il accumula savoirs et méthodes de tout horizons. Mais au cours de ses voyages, il fit la rencontre d'une personne qui allait bouleverser sa vie. L'illustre mathématicienne Morgane Polarius, à l'occasion d'une grande conférence scientifique annuelle à la capitale. Elle était si jeune mais si savante, et les travaux qu'elle présenta à l'assemblée avait de quoi surprendre. Karl eut comme une révélation et le jour-même, après sa représentation, il fit tout pour voir la scientifique. Il était particulièrement intéressé par les recherches que menait la jeune femme, et ce fut un immense honneur pour lui de pouvoir partager sciences et savoirs avec un jeune prodige comme elle. Les deux savants s'entendirent très bien dès le premier instant, et comme l'on pouvait le prédire, leur sujet préféré était les sciences, en général. Mais celle dont Morgane en avait fait sa vocation, était les mathématiques complexes. Karl fut impressionné de voir comment travaillait-elle avec.

Le temps fit son effet, et bientôt cette relation entre simples homologues se transforma, petit à petit. Le jeune homme s'éprit d'un amour fou pour la mathématicienne, et réciproquement. Leur idylle commença sous les meilleures augures. Un couple de scientifiques en bonne et dû forme, où dans la science ils trouvaient leur équilibre. Quelques années passèrent, et voilà que leur union donna naissance à leur premier enfant. Rien ne pouvait à présent troubler leur bonheur, et ce fut le cas pendant de très nombreuses années à venir.

Après tout ce temps cependant, Karl décida de revenir aux sources et mettre à profit tout ce qu'il avait appris pour le compte de l'entreprise familiale. Car c'était bien là qu'il allait finir dans quelques années. Même si avec son père le climat était glaciale, c'était bel et bien Karl qui allait lui succéder. À ses trente-cinq ans, le scientifique était à présent un meneur de recherche au sein des départements de l'entreprise, mais en parallèle, il continuait ses travaux qui étaient d'ordre plus 'individuels' à l'académie. Parmi tout ces travaux, il y en avait un qui lui tenait à cœur. En effet, cela avait commencé quand Morgane s'était penchée sur un problème mathématique que les savants contemporains avaient déterrés, et qui était demeuré jusque là irrésolue. C'était son défi, son but, elle consacrait sa carrière à résoudre ce 'paradoxe' comme on les appelait dans le métier. Celui-ci se nommait le paradoxe de Wëimer, ou plus populairement, paradoxe du Grand Vent. Karl pendant ses recherches à l'académie aida son épouse, deux cerveaux en valait mieux qu'un, même si Morgane surpassait l'héritier des Varchen dans ce domaine.

Le paradoxe du Grand Vent était l'un des plus anciens problèmes scientifiques de Matroos dans son histoire. Sans entrer dans les discours et théorèmes mathématiques, ce problème était à la source de l'incapacité que connaissait tout les vaisseaux existant à dépasser le dôme du Grand Vent en altitude. Comment faire en sorte que les moteurs possèdent suffisamment de pousser pour parvenir à braver cette puissante force de la nature ? Les moyens étaient certes de plus en plus sophistiqués, mais il restait un paramètre mystérieux et qui était la clé à ce problème.

Toutefois, la route était encore longue et sinueuse. Après une dizaine d'année à vivre dans le bonheur avec sa famille et sa passion, Morgane fut emportée par la maladie. Elle était si désireuse, presque obnubilée de résoudre ce grand problème scientifique qu'elle s'en était oubliée elle-même. Chaque jour qui passait l'affaiblissait sans qu'elle s'en rendait compte … Ce tragique événement fut l'effet d'une bombe dans la vie de Karl. Sans elle, plus rien avait un sens ni un but. La science elle-même ne signifiait plus rien sans sa présence, sans son aide … Depuis ce temps, Karl devint très renfermé sur lui-même, il changea. Autrefois heureux, il n'était plus que l'ombre de lui-même dorénavant. Ayant perdu le goût de toute chose, il se jura toutefois de tenir une promesse, une dernière, qu'il fit à défunte épouse sur son lit de mort ; celle d'achever les recherches. Morgane détenait la clé du mystère, mais elle n'eut pas le temps de trouver dans quel sens fallait-elle la tourner pour l'utiliser.

Ainsi, Karl se consacra corps et âme à la résolution du paradoxe du Grand Vent, travaillant jour comme de nuit. Sa famille s'inquiéta à son sujet, il était tout le temps enfermé dans ses quartiers, il ne parlait plus beaucoup. Son but était de s'appuyer des remarquables recherches de son épouse pour terminer la résolution. Il s'y acharna pendant tant d'années, que à son tour, il s'en oublia lui-même.


Mais quelques années avant la mort de Morgane, les vieux fantômes du passé ressurgirent. Alors que son père était à présent mourant, au bord de l'agonie, Karl ne semblait s'en soucier guère. Klaüser n'avait pas été le meilleur des paternels, si ce n'est qu'il n'avait jamais fait attention à son fils héritier. Et ce ne fut qu'avant de mourir que la lumière fut apportée sur le pourquoi de cette blessure, qui était restée ouverte depuis le début … Klaüser avait cherché à forger son fils pour le préparer de la plus dure des manières à ses futurs fonctions. Ce fut en le privant de sa reconnaissance et de son affection que Karl eut autant de volonté dans sa vie, car il souhaitait au fond toujours et encore faire ses preuves auprès de son père, inconsciemment. Reconnaissance qui n'arriva jamais, sauf au moment de la mort de Klaüser. Celui-ci, pour la première fois, félicita son fils, qu'il désignait désormais en tant que tel. Sans devenir souriant, le chef de famille mourant savait qu'il ne rachèterai pas son pardon ainsi, mais il savait en revanche que Karl avait désormais les épaules assez solide pour endosser son rôle, à présent.

L'héritier venait de devenir le chef de famille, et de l'entreprise familiale. Devenir le représentant d'une famille comme celle des Varchen était monstrueusement lourd en responsabilité. Mais cela donna un nouvel élan dans la carrière de Karl, qui dès sa nomination officiel dans ses nouvelles fonctions, remit en marche l'industrie. Il décida de changer la direction que prenait les recherches en se concentrant d'avantage sur des technologies d'avenir. Plus coûteuses certes, mais résolument novatrice et porteuses d'avenir. C'était la bonne vieille marque de fabrique qui revenait au devant de la scène : la pérennité par la science. Les Varchen étaient connu pour offrir des procédés et des création utilisant toujours à la pointe de la technologie.

Après une poignée d'années, 90% de la recherche se basait sur le Sidelium. Après tout, si l'entreprise avait réaliser avant tout le monde la première barrette, ce n'était pas uniquement pour en faire profiter les autres industries. Cette ressource était capitale pour l'avancement technologique. Karl cependant était devenu plus vieux, il approchait à présent la soixantaine. La fatigue de toute une vie commençait à se faire ressentir progressivement, et ceci, tout le monde le voyait. Depuis sa nomination en tant que chef de famille, il en oublia cependant quelque chose d'important. Sa promesse. Karl était sur le point de percer le mystère il y a quelques années, et décida dès lors d'en finir. Il consacra tout le temps accordable dont il disposait à continuer les recherches sur le paradoxe du Grand Vent.

Et après tant d'efforts, la consécration arriva. Comment était-ce possible de croire en cela ? L'un des hommes des plus savants, en matière de science, venait de résoudre l'un des mystères scientifique les plus anciens de la nation. Toutefois, tout n'était pas si rose. Les temps étaient rudes, et plus que jamais on cherchait à gagner une certaine course contre la montre. Une course qui poussait à devoir innover plus vite et à devoir toujours êtres aux aguets pour ne pas se laisser marcher dessus. Bien que le vieux scientifique décida de ne pas rendre publique ses travaux, il en décida aussi de les garder sous le plus haut silence. Il était difficile pour lui de devoir cacher sa joie et sa satisfaction vis-à-vis de l'exploit scientifique qu'il venait d'accomplir, mais il n'avait pas le choix.

Mais alors qu'il plafonne les soixante-dix ans, il s’inquiète. Il savait que l'on l'observait, dans l'ombre. Certaines personnes savaient qu'il détenait un grand secret scientifique. Et tôt ou tard, on allait venir lui arracher le fruit de ses entrailles de force, car justement, lui il n'en avait plus. Vieux et fatigué, Karl décida toutefois de ne pas commettre l'erreur qui lui fera tout perdre. Si mathématiquement et statistiquement il savait ce qui allait arriver, il décida d'en tirer profit. C'est ainsi qu'une sombre affaire démarra …

Korrul était le principal intéressé par ses recherches. Après de multiples voyages à huit clos, de négociations douteuses, le chef de l'entreprise Varchen pris la terrible décision de vendre son brevet. Un choix très stratégique qu'il regretta, non pas de l'avoir fait, mais d'avoir été emmené à le faire. Jusqu'à sa mort il se sentirait coupable, notamment envers Morgane, de ce qu'il avait fait. Vama le punira pour sa traîtrise envers la nation qu'il chérissait la plus au monde. Mais d'une manière ou d'une autre, on aurait finit par lui extorquer ses travaux.

Mais il n'était pas dupe. Il craignait désormais qu'on lui fasse un coup dans le dos pour cette fois-ci s'emparer de toute son industrie. Jamais il ne laisserait une telle chose se produire, et pour défendre sa famille et ses intérêts, il dû encore se salir les mains. Le vieil homme engagea des 'spécialistes' pour éliminer toutes personnes étant directement ou indirectement liée à la transaction avec le corps scientifique de Korrul. Cette affaire ne devait pas avoir existé … Et il n'y avait pas beaucoup de solution. On pouvait dire que Karl avait plutôt mal tourné vers la fin de sa vie, mais par obligation. C'était soit cela, soit la perte des biens les plus précieux de sa propre famille, depuis des générations …

De nos jours, le chef de famille n'a toujours pas pris sa retraite. Plus que jamais il regrette tout ce qu'il a fait dernièrement, et cela l'a rendu aigri et sombre. Il sait qu'à son âge, sa vie est derrière lui et il n'a plus de moyens pour se racheter …