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Möjra la Tisse-Rêve

Invité

On m'appelle Invité

Posté dans Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:16



Je suis MÖJRA THIASGASTHORN



Prénoms : Möjra
Nom d'usage : Thiasgasthorn
Nom de naissance : //
Surnom La Tisse-Rêve, Petite Mère chez les Murmures
Age : 44 ans
Langues parlées & écrites : Erfeydien Parlé/Ecrit




Groupe : Déserteur
Métier : Ancienne Eclaireur, aujourd’hui chef des Murmures.
Clan : Elle n’a plus de clan, en dehors des Murmures de la Sylve
Famille Proche : Ses déserteurs, qu’elle considère comme ses frères, soeurs, enfants.




Nature du lien :Glace - Aquatique
Spécialisation de votre lien : La particularité du lien de Möjra est qu’il a autant d’application que l’imagination de sa détentrice en permet. Elle serait incapable de produire un simple glaçon si sa vie en dépendait, mais elle sait faire des choses bien plus spectaculaires. L’ithylium qu’elle détient se change en eau. Mais elle ne s’en sert pas pour lancer des jets à haute pression, ou pour noyer ses ennemis étrangers ou Erfeydiens (elle n’y arriverait pas). L’eau est pour elle une substance aussi vivante que vitale. Elle coule, dort quand elle gèle, s’énerve au coeur des torrents. Elle porte en son sein poissons et crustacés. Elle s’abat en larmes sur le peuple. Utiliser son lien c’est d’abord résonner à l’unisson avec l’élément inexorable qu’est l’eau. Quand elle eut appris à le faire, elle comprit également une chose. L’eau nous paraît bleue parce que la lumière la rend bleue. Elle nous paraît blanche quand elle reflète les cieux glacés des Erfeydes. Elle nous paraît noire quand la nuit étend son manteau sur l’île. L’eau nous renvoie notre reflet. Et là se trouve le coeur du lien de Möjra. L’eau ne renvoie plus un reflet classique, mais modifié. Elle ne renvoie pas les mêmes lueurs. L’eau n’a plus les mêmes “émotions”, et grâce à ça, elle peut créer un phénomène connu dans le désert : des mirages. Rien d’extrêmement poussé, ça ne servirait à rien, mais elle peut se dissimuler totalement en courbant les rayons lumineux passant au travers d’un rideau de vapeur. Concentrer la lumière dans une sphère d’eau pour s’éclairer. Elle change ce qui passe au travers. En changeant bêtement la composition de l’eau. Ou sa densité. On l’a longtemps surnommée la Tisse-Rêve à cause de ça : elle pouvait dissimuler un bosquet d’arbre en tissant un faux portrait de ce qui se trouvait derrière. Ce n’était qu’une façade et toute personne passant au travers aurait directement découvert la supercherie, mais si on ne remarquait pas les quelques rares feuilles et aiguilles au sol ou les traces d’animaux forestiers dans la neige… Le bosquet demeurait parfaitement invisible. Extrêmement utile pour dissimuler un groupe de déserteur.


Caractère : Qualités :

Compéhensive. Möjra l’est depuis qu’elle est née, mais ce trait s’est nettement renforcé après sa fuite de la Peuplade. Elle comprend les gens, leurs souhaits, leurs sentiments. Son empathie maternelle lui a valu le surnom qu’elle porte aujourd’hui, Petite Mère. Elle n’a jamais eu l’occasion d’avoir d’enfants, mais son instinct maternel est extrêmement fort. Parfois aux dépens des autres.

Droite.Elle ne flanche jamais. Aux portes de la mort, elle regarderait avec la fierté glaciale coutumière le spectre de la mort sans sourciller. Elle lui proposerait même un bras de fer si la mort avait des bras réels. Au sein des Murmures, c’est exactement la même chose. Elle entend souvent des rapports concernant le massacre de déserteurs isolés, et malgré la douleur et le désespoir que cela entraîne parfois chez quelques uns des fidèles, elle prend toujours la nouvelle avec froideur. Colère, parfois. Souvent. Mais elle ne laisse transparaître aucune petite once de faiblesse.

Rusée : C’est un de ses principaux traits. Sa silhouette laisse transparaître peu de choses, mais ses yeux reflètent un esprit aussi vif que le froid de l’hiver sur les Trois Glaciers. Son but premier est de protéger les Murmures, et d’échapper à ceux qui veulent leur mort. A savoir à peu près tout le monde ces temps-ci. Et la force n’aide en rien à survivre, quand il y a cent guerriers de la Peuplade pour un seul déserteur. Ses stratégies et réflexions ne démontrent pas la moindre pitié, mais elles sont d’une redoutable efficacité. Elle réfléchit vite et de façon efficace. Sur dix solutions à un seul problème, elle sait trouver la bonne. Systématiquement. Une intelligence couplée à un très bon instinct.

Aimante : Cela peut paraître étrange, en effet. Mais elle aime profondément les membres des Murmures, et généralise ce sentiment à la majorité des déserteurs. Elle ne pardonne pas la faute commise, et sera donc impitoyable avec les bannis pour crimes odieux, mais pour les autres, elles ne refusera jamais de tendre la main. Elle veille en permanence à ce que tout le monde aille bien, tant physiquement que moralement. Si elle est crainte, elle tient sa position de chef parce qu’elle est une femme complète. Forte, dure, sans pitié, mais gorgée d’amour. Gare à celui ou celle qui le trahira en revanche.

Forte : Mentalement. Elle n’a pas froid aux yeux, et supporte aussi bien de voir un cadavre frais que de devoir amputer un membre rongé par les engelures. Elle ne se laisse marcher sur les pieds par personne, et préfèrera un duel à mort plutôt que de subir un affront. L’esprit attendu d’un meneur, meneuse en l’occurrence, qui n’eut d’autre choix que de faire preuve d’une grande force d’esprit pour acquérir le respect de ceux qui devinrent ses hommes. Au sens générique du terme. Au point que certains préféreraient se baigner nu dans le Loch des écailles noires en plein hiver plutôt que d’encourir sa colère.

Défauts :

Intransigeante : Le fait est que les déserteurs sont a priori des morts en sursis. De fait, elle ne pardonne absolument aucune faute ni aucune erreur. Elle comprend l’imperfection et sait qu’elle-même en est à des éons, mais elle ne supporte ni la bêtise, ni la faiblesse. Et se montre d’une incroyable dureté en ce qui concerne ces deux défauts. Il en va de même pour ceux qui prennent des risques inutiles. Elle frappera aussi fort celui qui mettra un compagnon en danger que celui qui se mettra lui-même dans le pétrin. Par amour et pour son propre bien, mais ses réactions sont parfois démesurées.

Impitoyable : Elle l’est un peu trop. Elle traite tout le monde de la même façon, femmes, hommes et enfants, et sans la moindre pitié. Si elle estime qu’il faut un coup de poing pour calmer quelqu’un, peu importe l’âge ou le sexe de sa victime.

Irascible : Möjra s’emporte très vite. Cela dépend évidemment des situations, mais elle a tendance à vite s’énerver pour de petits détails, et son sang chaud la pousse souvent à réagir avec démesure. La faute aussi à sa franchise qui lui interdit de masquer son ressentiment quand elle l’éprouve, et à l’extérioriser tout de suite. Un poison ne fait que gagner en puissance quand il macère, il faut rapidement le dégorger.

Violente : Nuançons. Möjra a la baffe facile. Si elle ne blessera jamais volontairement un de ses alliés, elle ne s’empêchera pas pour autant de lui coller la fessée de sa vie si elle estime qu’il le mérite. Et elle a un peu trop tendance à penser qu’on la mérite. On raconte même qu’au repaire des Murmures on ne fabrique plus de tabouret, tant les fesses chauffent quand elle est dans ses mauvais jours. Rumeurs ou faits réels…?

Butée : Elle a beau faire preuve d’une perspicacité et d’une intelligence remarquables, elle n’en reste pas moins extrêmement têtue, au point de devoir parfois lui hurler dans les oreilles qu’elle a tort pour qu’elle le comprenne. Et encore, elle fait preuve d’une extraordinaire mauvaise foi dans ce genre de cas (rares heureusement).  
Préférences alimentaires : Möjra se fiche de ce qu’elle a dans l’assiette, tant que ça se mange. Si elle devait mastiquer une selle de Yagock pour survivre, elle ne réfléchirait même pas avant de le faire. En revanche, elle n’apprécie rien de plus que le goût de l’hydromel, et ses effets apaisants. Elle boit avec une modération austère, mais n’en savoure que plus la boisson. Et les boissons alcoolisées sont une denrée rare pour les déserteurs.
Loisirs : Tailler des flèches, aiguiser son épée, et réfléchir. Elle ne s’autorise aucun plaisir. Ou plutôt, elle s’estime heureuse d’être en vie, et d’avoir son entourage qui l’est également. En revanche, pour les quelques rares Déserteurs qui n’ont pas encore atteint la majorité, ni même la puberté parfois, faute de faire partie d’une famille bannie, elle accorde une grande partie de son temps libre à la fin de leur éducation et à s’occuper d’eux. Son surnom vient en partie de là, d’ailleurs.

Préférences relationnelles : La vie de Möjra a toujours été, à partir de son adolescence, une lutte pour sa survie. Elle n’a jamais eu le temps de se poser vraiment la question de ce qu’elle aimait ou non chez les gens, et a bien plus souvent eu la possibilité de constater ce qu’elle n’aimait pas chez eux. Ce qu’elle aime, finalement, c’est sa famille, les Murmures. Le reste étant parfaitement accessoire. Qui d’assez sain d’esprit irait s’imaginer à fonder une famille ou ne serait-ce que se marier alors que sa vie ne tient qu’à un fil, mince et vacillant ?


...FACE A UN DANGER : Si elle est seule, n’espérez pas faire mettre genou à terre à Möjra sans y laisser de nombreuses plumes. Elle se bat comme une tigresse, et tient à sa vie. Loin d’être idiote elle ne recherchera pas le danger inutilement dans le seul but de faire ses preuves, mais si le danger se présente à elle, il a plutôt intérêt d’être solidement équipé pour affronter la Tisse-Rêve.
..FACE A UNE PROVOCATION : ... Oh la la la la...
..FACE A UNE NOUVELLE RENCONTRE : Si c’est un déserteur dont on parle, alors Möjra ne le laissera pas tomber, peu importe ses actes passés. Tout du moins au début. Car si l’exil est mérité, comme le meurtre ou le viol, elle risque de ne plus répondre de ses actes. Si en revanche, il s’agit simplement d’un sans foi, elle ne s’autorisera jamais à le laisser seul, malgré son tempérament… explosif. S’il s’agit d’un membre de la Peuplade, par contre… Elle attendra son action. Car elle n’a pas oublié qu’auparavant, elle était des leurs. Et que s’ils se conduisent aussi sauvagement envers les déserteurs, c’est parce que cela fait des années que ça marche ainsi, peu importe la stupidité de la tradition. S’il ne tente rien contre elle, contre eux, elle le laissera en paix. Möjra est quelqu’un de suprêmement juste, faire du mal inutilement et gratuitement l’insupporte.
..FACE A DES SENTIMENTS NOUVEAUX : Contrairement à beaucoup, qui ont une sale tendance à s’en méfier et à les ignorer, Möjra aura plutôt tendance à y réfléchir quand elle en aura le temps, cherchant à deviner leur source, les implications, leur signification. Rien n’étant ni totalement bon ni totalement mauvais, il est bon de savoir faire preuve, de temps en temps,  d’un peu de discernement et de tirer le meilleur de toutes les expériences, émotionnelles comprises, pour avancer. Et les Murmures ont un grand besoin d’avancement s’ils veulent rester en vie. De même que leur chef a besoin d’avancer et d’évoluer s’il veut pouvoir mener des hommes et des femmes vers la liberté.
..FACE A UNE PERTE/LA TRISTESSE : Möjra n’est pas du genre à s’appitoyer ni à se lamenter. Elle pourra même se montrer très insensible, malgré la blessure interne. Elle cherchera la moindre occasion de se venger s’il y a lieu, mais sans prendre de risque inconsidérés. La vengeance doit être assouvie avec une certaine modération. Les coupables finissent toujours par payer. Et elle n’autorisera personne à verser le sang à l’excès, sans quoi elle pourra se montrer terriblement sévère avec ceux qui feront preuve d’un peu trop de zèle. Quant à la tristesse, elle la ressent comme tout le monde, et si elle la domine, elle ne cherche pas à la refouler. C’est pour elle une preuve que cette personne avait un minimum d’importance pour elle, et elle se devra d’honorer sa mémoire. Car dissimuler ses émotions pour une personne est pour elle une formidable preuve de lâcheté. Et la lâcheté, Möjra la hait.


TAILLE : 1m70
POIDS : 65kg
COULEUR DES YEUX :Les yeux de Möjra, terriblement pénétrants, sont de la même couleur que l’ithylium, en peut-être moins… mystique (encore que). Un bleu teinté de mille nuances de glace, d’eau et de ciel. Ils sont empreints d’une certaine tristesse, mais surtout, d’une profonde détermination. Il est également assez difficile de le soutenir quand c’est la fureur qui l’habite.
COULEUR & LONGUEUR DES CHEVEUX : Ses cheveux sont assez longs sans excès, ils lui descendent à peine quelques centimètres sous les épaules. Leur couleur est assez étrange. Blond clairs, ils tendent à refléter du roux en pleine lumière. Un gage d’appartenance discret à sa famille peut-être. Ces nuances particulières sont assez jolies, objectivement. Ils sont détachés en permanence, mais ornés de nombreuses tresses et lanières de cuir.
PIGMENTATION DE LA PEAU : Pas beaucoup de surprise à ce niveau, comme beaucoup, voire tous les Erfeydiens, sa peau est très pâle, ne voyant pas beaucoup le soleil, qui ne dispense de toute façon pas assez de rayons pour permettre le bronzage.
SIGNE PARTICULIER : La peau de Möjra est… marquée. Si l’âge aura eu tendance à la conserver malgré tout, les cicatrices des nombreuses escarmouches, elles, ne l’ont pas fait. Son visage comme son corps portent des stigmates de sévères luttes, qui n’ont pas toujours été en sa faveur malgré ses formidables talents de bretteur. Outre les cicatrices, on voit également des tâches de rousseur discrètes, sous ses yeux. Elle est tatouée également au visage, au cou, et un peu partout ailleurs, bien que peu aient eu l’occasion de voir ça. Ces tatouages marquent à la fois certaines pertes très douloureuses, comme des victoires, ou même des peintures, finalement tatouées, pour marquer sa fierté d’être, malgré ce que les autres peuvent en penser, une guerrière de l’île Blanche.
PILOSITÉ : Pas grand chose à dire là dessus, si elle n’est pas spécialement à cheval sur l’apparence, Möjra prend tout de même soin d’elle. Ca fait partie de ses moments de détente, et d’intimité.
VESTIMENTAIRES : Elle ne se distingue de personne par sa façon de s’habiller. Pantalons et hauts de cuir doublés de fourrure pour éviter le froid, et un lourd manteau de cuir recouvert de fourrure pour l’extérieur. Etant donné qu’elle n’a besoin de rien d’autre, elle ne porte pas autre chose. Bon elle a des sous-vêtements, quand même. En revanche, elle porte sa fiole d’Ithylium autour du cou, comme un bijou. Plus facile d’accès.


Bon hein, vous connaissez le principe, tout ce qui concerne la bio, c'est à la suite ce que ça se passe. Parce que manque de place, toussa. Gardez la pêche.


Date d'anniversaire : 27 de Shannor 272
Phobie(s) : Ses peurs ont varié avec le temps, et finalement, celle qui la marque au fer chaque jour que le Gardien fait, c’est d’échouer dans sa tâche et de ne pas réussir à mener les Murmures vers la liberté. Cette peur, elle la domine, mais elle est permanente. Ce qui explique en partie son incroyable sévérité.
Tics/manies : Elle n’a pas vraiment de tics, ni de manie d’ailleurs. Elle est comme son lien, d’une fluidité onirique, elle ne s’arrête jamais sur les détails ou rituels qui ne méritent pas de réelle attention.
Rituel quotidien : Elle ne fait qu’une seule chose qui pourrait être qualifiée de rituel. Chaque matin en se réveillant, elle prie pour leur réussite. Pas le Gardien, sûrement pas. Elle prie simplement le sort de les conduire jusqu’à leurs objectifs, et se remémore chaque jour le nom de ceux qu’elle a vus mourir sous ses yeux, pour ne jamais oublier ses échecs passés.
Autre particularité: Möjra semble incapable de se déplacer sans son épée. Celle-ci est d’ailleurs longue, très longue, et assez fine. Elle la manie avec une adresse forçant le respect. Vu sa stature, elle a du privilégier la précision mortelle à la force brute. Ce qui fait de la Tisse Rêve un adversaire redoutable, ce n’est pas sa force, mais sa fulgurance. De fait, cette épée n’est jamais loin d’elle.


Ambition : Ce que veut Möjra à tout prix, c’est réussir à obtenir la liberté des Murmures. Et des déserteurs de façon générale (ceux qui le méritent évidemment). Elle est prête à tout pour y arriver. S’il fallait en arriver à négocier avec des étrangers pour ça, elle le ferait sans problème. La vie a pour elle une valeur inestimable, la préserver est essentiel.
Secret :  Son secret, et pas des moindres, c’est probablement sa famille. Son nom est inconnu de tous, et il le restera probablement jusqu’à sa mort. Pour la simple et bonne raison qu’elle est la soeur d’un des hommes qu’elle et les murmures détestent probablement le plus : Peottre Thiasgasthorn. Même lui ne se souvient probablement pas de son existence, et c’est très bien ainsi. Quant aux déserteurs, mieux vaut leur épargner cette révélation, qui la marque au fer de la honte depuis bien trop longtemps. Car ce “frère” est celui qui laisse les Erfeydiens les massacrer et les laisser pour morts sans le moindre honneur ni respect. Le tout pour un dieu qui les a abandonnés depuis déjà bien des années.
Réputation : Au sein des murmures, elle est crainte, respectée, mais surtout aimée. Contrairement à un homme qui emploierait de façon plus ou moins systématique la force brute pour dominer, ou ferait étalage de ses capacités guerrières pour forcer le respect, elle a abandonné cette idée. Elle n’a pas la force de la majorité des hommes, même au sein des murmures. C’est son empathie, et sa forte présence qui lui ont valu cette admiration, ainsi que l’incroyable abnégation dont elle est capable de faire preuve. Son respect des valeurs les plus simples comme la vie, et plus simplement l’aide de son prochain lui ont valu le respect de beaucoup, hommes comme femmes. Si ça tendance à ne jamais laissé personne dans le besoin l’a plusieurs fois mise en danger, elle ne s’est jamais laissé soumettre par qui que ce soit. Elle a le mérite et la réputation d’assumer pleinement sa nature, forces comme faiblesses. Et de s’en servir pour le bien des Murmures. Sa ligne de conduite est parfaitement tracée, et elle n’en dévie jamais, qualité qu’on ne peut associer qu’à très peu de personnes aujourd’hui.

Quant à ceux qui traquent les Murmures et ont entendu parler de la Tisse-Rêve, elle est une sacrée épine dans leur pied. Elle disparaît aussi vite qu’elle apparaît, et son lien est un véritable cancer pour les traqueurs, qui se font encore souvent berner par ses mirages peints d’une main d’artiste. Et pour ceux qui l’ont affrontée en combat singulier… ne leur posez pas la question, les blessures sont encore vives. La honte, également.


Où as-tu trouvé le forum ? JE C PA MDR
Première impression : Faudrait vraiment VRAIMENT un modèle de fiche fait exprès pour moi, on s'en sort plus là... What a Face
Robin Hobb ça te parle ? On me tanne avec mais faute de temps XD
Tes autres pseudos habituels : Roh allez voir dans les aut' fiches.
Ton activité à prévoir : A VOTRE AVIS DDDD:
[/i]
Invité

On m'appelle Invité

Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:23

Chapitre 1 : Un petit rêve rouge



Le petit feu, dans la cahutte familiale, brûlait avec douceur. La chaleur inondait le foyer, calme, silencieux. Près de l’âtre, sur des fauteuils de bois recouverts d’épaisses couches de peaux de bêtes et de fourrure, étaient assis deux adultes, ainsi qu’une petite fille, vêtue d’une simple robe de tissu doublée d’une fine fourrure. L’hiver était froid, cette année. Même avec du feu, on arrivait pas toujours à se réchauffer correctement.

La jeune fille avait un sourire béat. Sa petite tête à la crinière ensoleillée reposait sur le ventre rebondi d’une mère en fin de grossesse. Ils attendaient effectivement un heureux événement. Sans connaître le sexe de l’enfant, la mère était intimement persuadée que cette fois, elle engendrerait un fils. Et mal convenu serait de douter de l’instinct d’une mère ayant porté un enfant aussi longtemps. La petite espérait aussi avoir un petit frère. Elle avait souvent demandé à sa mère si elle pouvait lui en offrir un. Venant de la bouche d’une enfant, cela signifiait juste qu’un deuxième petit serait le bienvenu. Son voeu avait été exaucé quelques mois seulement après qu’elle l’eut formulé. Et désormais, elle trépignait d’impatience, imaginant tous les jeux auxquels ils pourraient jouer. Courir dans la neige et s’envoyer des boules en pleine figure, bâtir de petites maisons gelées, et peut-être, plus tard, franchir ensemble le Labyrinthe, réputé pour sa difficulté et les dangers qui y régnaient. Il serait le grand guerrier, et elle serait une épéiste qui ferait tout pour le protéger. Cela semblait une vie parfaite, assurément. Sa mère n’était pas enchantée d’entendre sa fille parler de créatures et de viscères éparpillées un peu partout dans un joyeux carnage, mais son père approuvait du regard la fougue de sa fille. Elle était très fragile, pour son âge. Elle tombait souvent malade, et dès qu’elle sortait, même couverte de toutes les peaux et fourrures de la maison, elle finissait systématiquement par trembler comme une branche de saule en pleine tempête.  Mais elle avait un caractère de feu, et il compenserait bientôt cette faiblesse, il en était persuadé.

«Dis, maman… Tu sais comment il va s’appeler ? Tu as choisi ?»

L’intéressée rouvrit ses yeux, laissés clos pour lui permettre de se reposer, et sourit en voyant le regard d’azur de sa fille tourné vers elle, sa petite tête criblée de tâches de rousseur toujours posée sur son ventre, à l’écoute du moindre bruit.

«Ton père et moi avons fini par nous mettre d’accord, après quelques meubles brisés. Il s’appellera Peottre, si c’est un garçon, et Skulja, si c’est une fille. Mais je pense que ça sera Peottre. Tu en penses quoi, Möjra ?

— J’aime beaucoup. Mais je l’appellerai Frangin. Ou petit frère. Ou nabot, s’il est tout petit petit.»

Sa mère eut un regard partagé entre le reproche et l’amusement tandis que son père, lui, se mit à rire bruyamment, se tapant la cuisse comme le pilier de comptoir riant à la blague du tavernier. Möjra avait depuis qu’elle savait parler une sacrée répartie, et un don certain pour faire rire les gens qui l’entouraient. Le contraste entre sa fougue qui étonnait même les traqueurs et les chasseurs et sa constitution chétive émouvait autant qu’il amusait. Et il n’y avait pas un homme qui ne s’était pas fait remettre en place par la petite, au village. Elle n’avait que douze ans, mais défiait déjà les plus grands en duel. Elle était redoutable au lancer de boules de neige, elle arrivait systématiquement à leur mettre de la poudreuse plein la bouche quand elle lançait ses projectiles, ou à les envoyer s’écraser sur les interstices des vêtements laissant de la peau nue visible, provoquant des jurons et des sauts frénétiques à cause de l’eau gelée qui leur coulait dans le dos ou sur la poitrine. Elle ne sortait que très rarement de chez elle, à cause de sa faiblesse physique, mais tous étaient ravis de la voir montrer son petit nez plein de tâches rousses, ça annonçait généralement de longs moments de bonne humeur et de rire. Au village elle aimait tout le monde. Surtout Bjersson l’Estropié, qui n’avait plus qu’un bras. Il racontait à qui voulait l’entendre qu’il avait été à moitié bouffé par un Shaas, mais qu’il lui avait mis sa misère à une seule main, mais elle savait très bien qu’il avait été pillé par des déserteurs, et qu’il avait laissé son bras dans la bataille. Dont il était sorti victorieux. Il le lui avait dit, pour vrai, au coin du feu de la maison du Hänek, alors qu’il avait consommé un peu trop de bière nouvelle. Il était très très vieux désormais, plus de soixante ans, mais il restait proprement impressionnant avec une épée. Il la maniait comme un grand maître. Sa lame était toute droite, toute fine et ne pesait presque rien. On aurait dit une grande aiguille à percer le cuir. Mais elle n’osait pas s’en approcher. L’Estropié le lui avait dit, pour vrai : «Elle n’est peut-être pas aussi impressionnante que les haches de guerre, mais elle perce une panse aussi sûrement qu’une aiguille perce le cuir. L’idée, c’est de savoir où frapper, et pas avec quelle force le faire.»

Et quand elle l’avait vu enfoncer jusqu’à la garde sa petite lame ridicule dans le crâne d’un Jölgalt aussi facilement que dans la neige, elle avait cessé de voir cette épée comme un jouet. Elle respectait beaucoup l’Estropié. Tous les jours ou presque, il venait prendre des nouvelles de la petite Möjra et de la grossesse de sa mère. Et à chaque fois, il ramenait un peu de bière qu’il brassait lui-même, et beaucoup de viande de Jölgalt. Parce qu’il était infirme, il ne combattait plus, et s’occupait de l’élevage des bestiaux.

Elle adorait également Bertha, la femme du Hänek. C’était probablement la femme la plus imposante et la plus terrifiante qu’elle ait jamais vu. Elle dépassait son mari - pourtant le chef du clan ! - d’une bonne tête et demie, et la plupart des hommes n’osaient même pas la regarder en face. Même si elle savait que ça n’arriverait pas, elle voulait devenir comme elle. Grande, forte, maniant aussi aisément la poêle à frire que le marteau. «La poêle pour nourrir mes fils, le marteau pour calmer mon mari», disait elle. Le Hänek était un homme juste, chaleureux, et très fort. Personne n’avait rien à dire de mal sur lui. Ils vivaient isolés au pied de la chaîne d’Igranel. Ils avaient peu de visiteurs, et les rares qu’ils voyaient passer étaient des troupes de guerriers se rendant dans le nord ou le sud pour se fracasser le crâne pour des histoires de factions et de guerres d’influence. Keiþ, le chef de clan, avait toujours refusé d’appartenir à une faction. Ils faisaient du troc avec les plus proches villages, qui se situaient près  de la  lisère de la forêt entourant les Cimes Hérissées, mais depuis près de dix ans, pas un seul conflit n’avait éclaté, réclamant la présence des guerriers du village plus loin que le sud de Landeyris. Ceux qui vivaient là depuis longtemps ne contestaient certainement pas ce choix. Beaucoup avaient perdu de la famille pendant le règne du précédent Hänek, Tÿldrøn. Ce fou pensait régner en monarque sur les Erfeydes et avait plusieurs fois envoyé des hommes et femmes au suicide, affrontant des hordes entières avec une simple poignée d’hommes. Keiþ s’était soulevé dix ans plus tôt, et on racontait encore lors des Nuits des Souvenirs ou des banquets organisés pour les anniversaires du Hänek son combat contre Tÿldrøn. On disait même que la bataille avait été si violente que la Maison commune avait été complètement détruite. Certains, après quelques tonneaux de bière, hurlaient sur un ton mélodramatique (à mourir de rire, notez), que Keiþ avait dévoré le coeur de son rival, et avait utilisé ses os pour poser les fondations de la nouvelle maison du clan. A ce moment de la soirée, Bertha cognait sans vergogne celui qui avait prononcé cette légende idiote, et annonçait à la cantonade : «Si j’avais pas botté le cul de la cervelle de Koun qui me sert de mari pour qu’il fracasse la gueule de Tÿldrøn, il en serait encore à compter les Lulubiales dans la forêt, arrêtez de le faire passer pour un héros, c’est qu’une pauvre fiotte !» Ce qui provoquait l’hilarité générale, celle de Keiþ compris. S’il n’avait pas dévoré le coeur de l’ancien tyran, il s’était cependant battu en héros pour que ses frères et soeurs cessent d’être sacrifiés en vain. Sa femme le savait également, et si elle ne ratait jamais une occasion de mettre son mari plus bas que terre, elle l’aimait profondément, et réciproquement.

Quoi qu’il en soit, si les Erfeydiens avaient pour beaucoup un tempérament belliqueux en temps de conquête, nombreux seraient ceux qui envieraient la vie tranquille au village. Les anciens accueillaient les nouveaux habitants chaleureusement, et jamais le Hänek n’avait refusé une seule famille dans le clan à partir du moment où il avait accédé à la direction du clan. L’élevage de Jölgalt et d’Aurions leur rapportait assez de monnaie d’échange pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins, et on trouvait de merveilleux orfèvres qui travaillaient à la perfection la pierre et la corne d’animaux rares pour en faire des bijoux, que les Erfeydiennes de Landeyris, des Cimes Hérissées et de Fendrevent s’arrachaient. Aucun des habitants du village n’allait cependant jusqu’à Hautépine ou Argenlac. Outre la distance, qui pouvait cependant être couverte en Yagock, c’était surtout le douloureux souvenir des origines de Tÿldrøn, qui était né en tant que Wédo des Cimes, qui les rebutaient. Les habitants étant en plus extrêmement soudés (on eut dit une vraie famille tant les liens entre habitants étaient étroits), ils n’aimaient pas rester hors du village trop longtemps.

A priori, ce village, cette vie… tout était absolument parfait. Parfois quelques voyageurs cherchaient les ennuis, et quelques déserteurs étaient aperçus non loin des fortifications de bois du village, mais il suffisait que Bertha sorte de la Maison et se poste à l’entrée pour que tous détalent comme des Chevrins. Qu’elle tienne un marteau ou une poêle, elle restait proprement effrayante quand elle le souhaitait. A elle seule, elle pouvait probablement défendre le village mieux que dix hommes armés. Il n’y avait pas une seule personne au village qui n’aimait pas Bertha, des jeunes à qui elle offrait régulièrement de pleins bols de ragoût de Jölgalt aux vieux qui la connaissaient depuis qu’elle était jeune et qui savaient que sans elle, ce village ne serait pas ce qu’il était.

On a coutume de dire que la perfection n’est pas de ce monde. Et si le village avait très longtemps résisté à la dureté de cette loi et ce qu’elle impliquait, cela ne pouvait malheureusement pas durer. Le sort, la vie, le destin, nommez cela comme vous voulez, mais un tel pied de nez ne pouvait rester aussi longtemps tendu vers les cieux. Ils décidèrent donc de rééquilibrer la balance. Cela prendrait du temps, certes, mais il fallait juste le petit élément déclencheur. Le petit bruit, le pas de trop, qui craquait violemment et déclenchait ensuite l’avalanche, peu importe la distance qu’elle avait à parcourir avant de vous engloutir, vous et tous vos idéaux de perfection. On ne rêve pas béatement sans en subir les conséquences. Surtout pas aux Erfeydes.

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Jour de fête ! Jölgalt, des baies, du ragoût, la bière coulant à flots, et même quelques Khan del Orio. Peottre, le nouveau né des Thiasgasthorn, avait suscité beaucoup de joie parmi les habitants. Et on peut dire qu’ils avaient un sacré sens de la fête (et Keiþ ne ratait jamais une occasion de célébrer tout et n’importe quoi par un banquet à rendre jalouses les plus grandes Factions). Le petit était né depuis une semaine environ, par une journée magnifique. C’était une des rares fois où l’on avait pu apercevoir un coin de ciel bleu-blanc, et quelques rayons qui avaient fait fondre la neige devant l’entrée de certaines maisons. Möjra avait voulu passer la journée avec sa mère et son frère, mais devant son besoin de repos, avait préféré jouer dehors pendant des heures, profitant de la clémence du temps pour s’amuser tout son saoul, et notamment crier sur tous les toits que son petit frère était né. L’enthousiasme de la petite était sacrément contagieux - d’autant plus que ces dernières semaines, ses phases de faiblesse où elle ne pouvait même pas sortir de son lit étaient de plus en plus fréquentes - et tout le monde applaudissait quand elle balançait de la neige dans les maisons ou sur les jeunes Jölgalts. Parce que oui, elle est même allée jusqu’aux enclos pour leur annoncer la bonne nouvelle. Ce à quoi ils ont répondu par une extrême placidité, et de vagues mouvements de mâchoires en grignotant quelques brins d’herbe grasse fournis par Bjersson.

Ainsi, pendant la soirée, le petit avait été le centre de l’attention, comme le reste de la famille, d’ailleurs. Il avait de grands yeux qui commençaient à prendre leur couleur définitive, le noisette, et avait quelques poils d’un roux foncé, éparpillés sur son petit crâne encore tendre. Möjra le trouvait proprement magnifique, et trépignait littéralement d’impatience. Elle avait toujours rêvé d’un frère, et voilà qu’il était là. Tous ses rêves héroïques allaient devenir réalité (surtout les petites maisons de neige, ça il n’y couperait pas !). Personne depuis qu’elle était né ne lui avait vu une telle énergie, à tel point que son père se demandait si elle n’était pas définitivement guérie de sa faiblesse. Et au passage, la réflexion qu’elle aurait peut-être du rester malade lui effleura brièvement l’esprit. Elle avait les joues rouges d’excitation, les yeux brillant tellement fort qu’on l’aurait crue fiévreuse, et ne pouvait plus tenir en place.  Tout le monde éclata de rire quand la petite annonça qu’en vertu de la naissance de son frère, on pouvait d’ores et déjà annoncer le début d’une nouvelle Ere !

Trente ans plus tard, cette soirée sera encore gravée dans l’esprit de Möjra. Mais au lieu de provoquer la joie, elle provoquera une intense douleur dans sa poitrine, et une colère sourde, difficile à réprimer.

Il est des choses que l’on ne reçoit que dans le but de se les faire violemment retirer. Coup du sort,  ou simple élan de cruauté du Gardien ? Qu’importe, la souffrance de l’instant rend sourd à toutes ces questions. Et quelle ne fut la douleur de Möjra quand un matin, elle se leva… Pour constater que plus personne n’était à la maison. Elle avait veillé un peu trop tardivement, observant son frère, alors âgé de trois ans, dormir comme un bienheureux, baragouinant des bribes de paroles sans aucun sens, comme seuls les enfants de cet âge savent le faire, pendant son sommeil. Elle ne se lassait pas de voir sa peau toute lisse remuer à chaque mouvement, ses petites lèvres roses s’entrouvrir pour laisser échapper un souffle plus profond que les autres, ou encore voir ses tous petits doigts se fermer en un poing minuscule, au rythme des tribulations fantastiques de ses rêves, probablement fantaisistes et insensées vu son âge. Un enfant pouvait il réellement avoir des doigts aussi petits ?

Du coup, elle s’était endormie très tard, et ne s’était levée que bien après ses horaires habituels. Ses parents - son père surtout - qui se montraient d’ordinaire excessivement bruyants, n’étaient plus là. Elle s’habilla aussi chaudement qu’elle le put, revêtant autant de  peaux, fourrures et tissus que possible, et s’aventura à l’extérieur. Le temps était loin d’être clément, et elle sut aussitôt qu’elle mit le nez dehors qu’elle tomberait malade, pour ces quelques minutes passées à l’extérieur. Mais cette absence générale l’inquiétait. Et elle n’avait pas peur. Elle avait quinze ans, désormais, et avait déjà saigné deux fois. Elle était une femme. Bien que les excroissances poussant sur sa poitrine ne ressemblaient guère à des attributs féminins… Pas encore !

En revanche, si sa constitution restait assez fragile, elle avait bien grandi. Elle devait faire un bon mètre cinquante maintenant. Ca restait encore “petit”, mais sa croissance n’était pas terminée - et elle n’aurait pas supporté d’avoir deux punaises en guise de seins, sa croissance DEVAIT se poursuivre, dusse-t-elle en appeler au Gardien pour ça !

Et justement… Quelques retardataires se dirigeaient avec empressement vers la maison du Hänek. L’air avait le goût des événements importants. Aidé de sa canne, Bjersson l’Estropié avait du mal à rallier la maison, et Möjra accourut pour l’aider. Elle maudit intérieurement les imbéciles qui n’avaient pas pensé à lui apporter leur aide, alors qu’il faisait tellement pour le village.

Elle avait tissé un lien particulier avec Bjersson, au fil des années. Il était comme son grand père - ses grands parents ne vivaient pas au village, les parents de son père étaient d’Ystenheim, et ceux de sa mère vivaient au nord-ouest de Landeyris, tout au nord du Labyrinthe. Du coup, c’était devenu un vrai parent pour elle. Quand le temps était assez clément pour qu’elle sorte, la première chose qu’elle faisait était de se pointer chez lui, et s’il n’y était pas, d’aller l’aider aux enclos à Jölgalt. Si elle l’aidait bien, il lui donnait des leçons d’escrime. Et lui-même avait avoué qu’elle se débrouillait plutôt bien. Elle arrivait à impressionner un bon nombre de chasseurs et guerriers, au village. Elle aimait tout particulièrement recevoir des compliments de la part des chasseurs : ils tuaient des animaux, mais aussi des déserteurs, quand ils leur tombaient dessus. Savoir que ses talents leur plaisaient c’était pour elle l’espoir de partir peut-être en chasse avec eux, un de ces jours. Ramener du gibier rare et goûtu, ça serait une preuve faite à elle-même qu’elle n’était pas si faible que ça. Elle n’osait même pas caresser l’idée de franchir le labyrinthe. Elle était loin d’être idiote, et savait qu’elle y mourrait quelques heures seulement après y être entrée. C’était terriblement frustrant, mais il y avait bien d’autres choses à faire.

«Dis Bjersson, pourquoi tout le monde va chez Keiþ ?

Tes parents ne t’ont rien dit ? Aghazar, l’Oracle, est arrivé aux aurores. Il vient chercher Peottre. Tu peux êt’ fière ma fille, cet événement est signe que le Gardien nous voit et reconnaît notre foi. »

Elle ne sut que répondre. Si ce… Gagazar ? venait chercher son frère, cela ne pouvait pas signifier trente-six choses différentes. Il possédait le mäluinne, le don des Oracles. Elle peinait à y croire. Aucun oracle ne s’était jamais montré chez eux, ils faisaient plus souvent figure de légende - même si la plupart des anciens du village en avaient croisé un au moins une fois - que de personnes vraiment existantes. Alors entendre que la naissance de l’un d’eux avait eu lieu dans sa propre famille… C’était impossible. Il n’y avait probablement pas plus grand honneur, mais pourtant, ce qui brûlait les yeux de l’adolescente, ça n’était pas la fierté, mais une âpre déception. Elle avait beau être une jeune femme, elle n’avait pas renoncé à ses rêves de jeu et d’héroïsme avec son frère. Bien au contraire, elle s’entraînait dur pour qu’un jour, malgré leur différence d’âge, ils franchissent le labyrinthe. Elle voulait être une soeur exemplaire, dont son frère pourrait être fier. Aussi fier que Keiþ pouvait l’être de Bertha. Bon, elle n’aspirait pas à un caractère aussi bourru, et de toute façon, elle n’avait pas un quart de la carrure de Bertha. Elle sentait souvent sa nuque craquer quand elle levait la tête pour la regarder en face.

Son frère allait-il lui être enlevé ? Elle pressa le pas, forçant l’Estropié à faire de même. Ce dernier maugréa légèrement, ses jambes n’étaient plus aussi solides qu’avant, et son bras fantôme le faisait régulièrement souffrir. Comme maintenant, le froid et la pluie battante n’arrangeaient rien.

La maison du Hänek, bien que bondée à en faire craquer le sol et les murs, était silencieuse comme… Eh bien Möjra n’avait pas de mots pour décrire un silence pareil. C’était oppressant. Elle ménagea un chemin à coups de coudes parmi la foule, qui s’écarta légèrement en voyant qu’il s’agissait de la fille des élus du Gardien. Elle traîna Bjersson à sa suite. Il était son papi, il avait le droit d’assister à tout ça autant si ce n’est plus que n’importe qui dans l’assemblée. Ses parents étaient là, serrés l’un contre l’autre. Sa mère était en larmes, et Möjra vit sur son visage la tristesse de la mère qui perdait quelqu’un, mais également la joie de l’Erfeydienne, fière d’avoir reçu du Gardien le plus beau présent qui soit. Son père, quand à lui, était tout aussi ému que sa femme, mais dissimulait mieux ses émotions. Sous sa barbe, on devinait des mâchoires serrées, et sa main était un peu trop serrée autour de l’épaule de son épouse pour que cela soit tout à fait naturel, partant d’un sentiment de simple compassion. Lui aussi ressentait ce mélange de tristesse et d’immense fierté. Ils n’auraient aucune influence sur la vie de leur petit garçon, et celui-ci ne se souviendrait peut-être même pas d’eux. Mais il deviendrait une des personnes les plus importantes de cette île, et guiderait leur peuple vers des jours meilleurs. Ceci dit, ils étaient des adultes, et si personne n’était préparé à ce genre d’événements, leur expérience, leur éducation, en faisaient des personnes capables de surmonter cette épreuve pour n’y voir que le bon côté. L’Oracle, jeune et bien portant, semblait compatir à leur sort, mais focalisé sur le petit qu’il avait à ses côtés, se tenant debout en le fixant d’un air ahuri. Möjra, qui connaissait bien cette expression idiote que savait prendre son frère, voulut se précipiter vers lui, mais la main valide de Bjersson, plus solide qu’un étau, retint son geste. L’Oracle ne s’aperçut même pas de sa présence, et ses parents refusaient de quitter l’enfant des yeux.

L’Oracle invectiva Peottre, et la foule s’écarta respectueusement pour les laisser passer. Leur escorte attendait non loin de l’entrée, et ils formèrent un cercle protecteur et silencieux autour des deux réceptacles du Gardien qu’ils étaient. Möjra, elle, ne pouvait toujours pas bouger. L’Estropié comprenait parfaitement ce qu’elle ressentait, mais tenir tête à  un Oracle ou lui manquer de respect comme elle s’apprêtait à le faire… Même si l’amour fraternel guidait ses actes, son geste jetterait l’opprobre sur son nom et sur tout le clan. Et Möjra ne le comprendrait que bien plus tard.

Des années après, elle garderait encore la mémoire de ce cercle de guerriers, emportant avec eux le jeune Aghazar et le petit Peottre, qui ne comprenait rien à ce qu’il lui arrivait. Son dernier souvenir de lui fut sa minuscule silhouette disparaître, avec sa touffe de cheveux roux balayés par le vent. Et elle ne devait jamais plus le revoir.
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:29

Chapitre 2 : Pour toi je serai forte.



Trois ans. Le fer claqua sèchement contre le bois, et une volée d’échardes s’envola. Un claquement de langue approbateur résonna plus loin. Elle recommença. Trois ans. Un coup d’estoc manqua de briser la lame, pourtant solide, mais infligea d’énormes dégâts au poteau de bois molletonné planté devant elle. Möjra sentit plusieurs centimètres de fer s’enfoncer dans le bois vieilli et à moitié pourri par les intempéries, et le retira aussitôt avant de se rompre le poignet. Elle recula de quelques pas, et glissa la lame à sa ceinture. La cible sur laquelle elle s’entraînait était massacrée. Elle lança un regard narquois au vieux débris qui l’observait en dodelinant la tête.

«’Me r’garde pas comme ça couillonne, si j’avais encore vingt ans je te ferais mordre la poussière. Ton poignet est trop rigide, ta garde est misérable, et on dirait que tu danses la gigue quand tu assènes un coup ! Allez, r’commence, et pas de spectacle, j’veux de l’escrime, de la taillade, de la tripaille qui vole et des entrailles qui débordent ! Au boulot !»

L’Estropié frappa de ses deux cannes sur le sol, impatient. En réalité, Möjra était devenue un bretteur exceptionnel. Réellement. Elle arrivait à désarmer la plupart des épéistes du village, et sans trop forcer. Mais Bjersson et elle avaient passé un accord. Tant qu’elle ne serait pas parfaite, il ne lui ferait aucun compliment. Il la rabrouerait et la forcerait à travailler encore et encore jusqu’à l’épuisement, pour faire d’elle la femme guerrière la plus redoutable de l’île. Ses rêves avaient changé, et celui qu’elle considérait comme son grand père avait accédé avec joie et fierté à sa requête quand elle la lui avait soumise. Trois ans depuis que l’Oracle Gagazar comme elle l’appelait autrefois, avait enlevé Peottre à sa famille. Il y a deux ans et demi, après avoir surmonté sa douleur personnelle, elle n’avait pas perdu le nord, et s’était fixé un objectif des plus fous. Elle serait la protectrice de son petit frère et du Gardien, envers et contre tout. Au lieu de s’entraîner pour le Labyrinthe (quel intérêt aurait-elle eu à le franchir si son frère n’était pas là ?), elle s’entraînerait pour devenir la fervente défenseur du Gardien et de son réceptacle encore tout jeune, le sang de son sang et la chair de sa chair. Le Gardien avait peut-être choisi son âme, mais c’est les Thiasgasthorn qui l’avaient élevé durant sa courte enfance au village, c’était sa défunte mère, emportée par la maladie, deux ans plus tôt, qui l’avait porté et chéri. Mais elle se montrerait digne du choix de leur dieu. Et Peottre aurait une soeur protectrice et indéfectible, comme elle l’avait toujours voulu.

Curieusement, même si ces années n’avaient pas porté chance à sa famille, le corps et l’esprit de Möjra s’étaient renforcés remarquablement. Elle n’était plus la gamine frêle qu’elle était il y a peu de temps. Elle pouvait sortir sans souci, et son entraînement intensif aux lames fines de l’Estropié avait sculpté son corps, dessinant des courbes nerveuses et musculeuses sous une peau de femme. Möjra ne pouvait s’empêcher de sourire, amusée, en baissant les yeux. Le Gardien avait entendu sa prière, et les deux bourgeons qui lui servaient auparavant de poitrine étaient devenus des demi-sphères galbées. Sans excès, mais on voyait nettement la protubérance sous le cuir et les fourrures. C’était grâce à son frère, elle en était sûre. Il avait du passer un accord avec le Gardien.

Son esprit était aiguisé, acéré, autant voire plus que sa lame, que Bjersson lui avait offerte pour son anniversaire. Exceptionnellement longue, elle était d’une finesse et d’une dureté remarquable. Le vieil infirme, ce fou, était parti un mois avant le jour de son anniversaire pour un village des Jumelles, où il connaissait un forgeron au lien de Terre Minérale, qui utilisait parfois de l’Ithylium dans sa forge, pour des commandes spéciales. Et l’anniversaire de Möjra était une commande spéciale. Elle allait bientôt partir avec les hommes du village en expédition de chasse. Bertha avait pourri son mari pour qu’il organise un banquet. C’était le troisième anniversaire du départ de Peottre, le jour où le village avait appris de la bouche d’une des voix du Gardien qu’il était un Oracle. Un événement pareil se fêtait, et si le Hänek refusait, il prendrait autant de coups de marteau que sa barbe comportait de poils. Et Bertha pariait sa vie que son mari tomberait raide mort avant qu’elle n’ait terminé le décompte de ses poils de nez. Autant dire que Keiþ n’avait pas réfléchi longtemps avant de valider la suggestion polie et respectueuse de sa femme, et s’était empressé de dépêcher quelques hommes pour la chasse. Si le repas n’était pas de qualité, il souffrirait jusqu’à la fin de ses jours, il le savait. Il avait encore la marque sur les côtes d’un puissant coup de marteau de sa femme, le jour de l’arrivée de l’Oracle, quand une fois parti, il lui avait dit qu’il n’avait pas pensé à fêter sa venue par un peu de nourriture. Et pour cause, la venue d’une telle personne était tellement rare qu’il en avait perdu tous ses moyens. Et ses côtes en avaient perdu leur cohésion quelques heures plus tard. Et quand décidée, butée et déterminée, la petite Thiasgasthorn, devenue une belle et solide jeune femme, s’était présentée à lui en exigeant de faire partie de l’expédition, il n’eut pas le coeur de refuser. C’était presque effrayant, mais certaines de ses expressions et intonations de voix lui faisaient penser à sa femme. Ce qui jouait en sa faveur, c’est aussi que pratiquement tous les jeunes hommes de l’âge de Möjra la craignaient ou l’admiraient, et que les plus anciens félicitaient leur village de leur avoir fait don non seulement d’un Oracle, mais également d’une telle perle de vie et de vigueur. La vivacité dont elle faisait preuve pour une fille ayant perdu son frère et sa mère à un an d’intervalle était exemplaire, et nombreux étaient ceux qui la respectaient pour ça. Son père y compris. Sa relation avec sa fille s’en était trouvé nettement renforcée.

Quand Bjersson était revenu, il portait avec lui le plus beau présent qu’elle ait jamais reçu. La garde de la lame était nue, sans fourreau, et s’attachait dans le dos par de solides lanières de cuir, entourée d’anneaux d’acier pour les renforcer. La garde était entourée d’un cuir noir, que Bjersson décrivit comme étant du cuir de Lupien. La lame quant à elle, était excessivement large à sa base. La raison en était simple : si la lame était faite pour des coups d’estoc aussi rapides que meurtriers, il fallait pouvoir parer les coups sans pour autant risquer de la briser. Et l’art du forgeron, bien que très habile tant avec son lien qu’avec son métier, ne pouvait garantir une telle sécurité. La lame avait donc était élargie d’une dizaine de centimètres à la garde pour absorber les chocs, et s’amincissait rapidement pour finir aussi fine que les épées de l’Estropié. Le métal, qui paraissait terne de prime abord, était en fait parcouru de nombreux reflets irisés, discrets mais bien présents, surtout en pleine lumière. Bjersson lui raconta que pendant que l’acier était fondu dans le moule qui définirait la forme de sa lame, le forgeron utilisait de l’ithylium pour le changer en un métal qui se fondait parfaitement avec l’acier, pour le renforcer et rendre les lames bien plus belles et résistantes. Il n’avait pas donné de nom à ce minerai (nous, on l’appelle le tungstène). Mais quoi qu’il puisse en être, Möjra était ravie et honorée d’un tel cadeau, surtout vu le trajet qu’il avait fallu pour aller le chercher, et le nombre de Jölgalt qu’il avait fallu offrir en échange d’une seule lame. Encore aujourd’hui, la lame a conservé son éclat malgré les quelques rayures et meurtrissures infligées au métal.

Ainsi, elle était prête à goûter au frisson de la chasse. Son père était tout de même un peu inquiet. Les rares fois où elle avait quitté le village, ça n’était que pour les nuits des Souvenirs et pour les fêtes du Tümwallah. Mais elle suivait la moitié du village, ce qui limitait largement les risques. Autrement, elle avait toujours pris garde à ne jamais franchir les fortifications de bois qui le protégeait. Mais le temps passant, elle grandissait, et le village finit par être un peu trop petit pour une jeune femme aussi énergique. Devant la répartie corrosive et l’entêtement de sa fille, son père eut tôt fait de s’écraser. Il aimait profondément Möjra, mais mine de rien, la perte de son fils et de sa femme l’avaient… amoindri. Il ne riait plus aux éclats comme avant, et n’avait plus la verve qui le caractérisait, dont avait hérité la seule parente vivante qui lui restait.

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Avec un soupir satisfait, Möjra retira du corps sans vie gisant à ses pieds sa lame adorée. La meute de Lupiens venait de succomber aux assauts des Erfeydiens. Et une chose était sûre, elle adorait la chasse. La traque, surtout. Tuer ne l’amusait pas plus que cela, sauf quand, comme dans le cas présent, c’était face à une bande de prédateurs défendant leur territoire. A la base, c’était le chevrin qu’ils chassaient, mais ils étaient malencontreusement tombés sur une meute de Lupiens, qui avaient visiblement eu la même idée que les Erfeydiens. Et ils n’avaient pas reculé quand on les avait menacés, bien au contraire. Les Aurions avaient rapidement paniqué, mais les guerriers s’étaient prestement chargés d’exterminer la menace.

Möjra s’était illustrée dans ce rapide combat par son agilité. De tout le petit groupe, elle était la seule à n’avoir subi ni morsure, ni blessure. Quand les hommes lui demandèrent par quel prodige elle avait réussi à ne céder aucun morceau de sa charmante anatomie aux fauves, elle leur avait répondu avec un sourire mesquin qu’une bonne guerrière ne révélait jamais ses secrets intimes. L’intensité de son regard et son sourire avaient suffi à en mettre mal à l’aise plus d’un, clôturant du même coup la discussion.

Elle allait charger le cadavre du fauve sur sa monture, quand une flèche passa à deux doigts de son visage, lui arrachant une mèche de cheveux au passage, pour se ficher avec un bruit sec dans un arbre près d’elle. La flèche était grossièrement taillée, et l’empennage avait était fait rapidement, avec des feuilles d’arbre découpées pour correspondre à la taille du projectile. Pourtant, malgré la médiocrité de l’artisan, le tireur avait failli lui percer une troisième oreille. Quand elle se retourna, elle aperçut une silhouette se fondre dans les sous bois. Elle alerta donc immédiatement les autres. Des déserteurs. Les Kouns, ou les autres  clans savaient tailler des flèches, ils n’auraient jamais utilisé des branches mal dégrossies pour les tuer, et surtout, ne se seraient pas battus en fourbes dans les ombres de la forêt. Seuls les Vedskygge se servaient de la fourberie et de l’obscurité comme d’une arme.

Sa longue rapière prête à répondre à la moindre agression, elle s’enfonça silencieusement dans les ombres, traquant du regard leurs agresseurs. Malheureusement, elle n’avait pas l’habitude des bois. Elle évoluait dans la neige, qui étouffait naturellement les pas. Ici, elle ne cessait de faire craquer des branches mortes, des brindilles, ou de faire siffler quelques feuilles en piétinant en buisson. Alors que leurs adversaires, eux, savaient ce qu’ils faisaient.

Trois traits fusèrent, les trois la manquèrent de peu. Elle sentait distinctement chaque battement de coeur. Alors c’était ça, d’être pris en chasse, et en danger de mort. Elle mit un peu de temps, mais finit par réussir à se concentrer. Elle n’avait peut-être que dix-huit ans, n’était peut-être qu’une jeune femme, mais elle était la soeur de l’Oracle Peottre Thiasgasthorn. Enfin, futur Oracle, à cet instant il devait encore mouiller son lit la nuit.

Rapidement, elle trouva une certaine… joie, à se glisser parmi les arbres, à suivre les bruissements inévitables des déserteurs qui fuyaient un peu plus loin, en essayant néanmoins de l’abattre. Ces mêmes personne que le Gardien et les Erfeydiens condamnaient. La partie de chasse prenait un tournant bien plus sérieux désormais. Et elle se devait de rentrer victorieuse, pour son père, pour Bjersson, et pour faire honneur à son nom. Une idée traversa son esprit, avec une fulgurance telle qu’elle stoppa net tout mouvement pour reprendre ses esprits.

L’escrime n’était pas pour elle le seul moyen de parvenir à ses fins. Le Gardien lui avait fait un don, à elle aussi. C’était peut-être moins impressionnant que le mäluinne, mais ça l’aiderait peut-être à concrétiser ses objectifs. Elle tira sur la cordelette de cuir qui était accrochée à son cou, révélant une fiole sphérique remplie d’ithylium. On lui avait bien assez tôt appris que tout erfeydien digne de ce nom se devait d’en avoir un minimum sur lui. Les combats étaient rares au village, mais les occasions de s’en servir ne manquaient jamais. Son don à elle était particulier. Elle n’avait jamais réussi à transformer l’ithylium en glace, et trouvait ça particulièrement stupide. De la glace, ils en avaient partout sur l’île. L’Estropié avait bien tenté de lui expliquer que la glace pouvait aussi servir d’arme quand on savait l’utiliser, mais elle avait chassé cette idée d’un mouvement nonchalant de la main, prétextant qu’elle était bien assez habile au lancer de boules de neige pour ne pas avoir à se servir du sang de la terre pour ça. Son domaine à elle, c’était l’eau. C’était assez difficile de s’en servir en hiver, car si elle relâchait sa concentration, l’eau gelait, et elle n’avait plus qu’à la faire réchauffer pour récupérer l’ithylium coincé dedans. Cela lui était arrivé plusieurs fois, et la situation était systématiquement ridicule. L’ithylium se mit à luire doucement contre sa poitrine, et le volume diminua doucement, presque d’un quart. Mais rien ne se passa. Toutefois, Möjra parut se concentrer encore plus.


Le souvenir de sa première création passa furtivement en elle. La première, et selon elle, la plus belle.

***

Elle se rendait à l’enclos des Jölgalts, pour aider Bjersson à s’occuper des bêtes, et recevoir son énième leçon d’escrime. Elle attendait toujours ces moments avec joie, car Bjersson était le seul qui l’écoutait. Ses peurs, ses angoisses, ses regrets amers, ou même ses espoirs et ses rêves. Son père était de plus en plus atteint par le malheur, et passait énormément de temps avec Keiþ, qui était devenu, à n’en pas douter, son meilleur ami. Si le Hänek portait le clan sur ses épaules, Bertha et son propre père étaient derrière et devant lui pour le rattraper s’il tombait.

Cependant, sur le chemin, elle avait vu Erin, une femme du clan qu’elle ne connaissait pas très bien, graver avec un fin burin et un martel à peine plus gros que son pouce des formes régulières, sur une plaque de pierre épaisse comme la tranche de sa main, et large d’une trentaine de centimètres environ. Intriguée, elle s’était rapprochée, oubliant totalement les Jölgalts et l’art de l’épée, pour constater qu’elle gravait une scène de chasse sur une roche noire (la discussion qui s’ensuivit lui apprit qu’il s’agissait d’ardoise).

Erin lui expliqua le principe. Les blocs d’ardoise, communs dans les montagnes, étaient trop énormes pour être transportés. Son mari, qui partait fréquemment commercer aux Jumelles, en profitait pour faire un arrêt par la chaîne d’Igranel, au retour de son voyage. Il prenait les débris les plus gros, et les ramenait à sa femme. On l’appelait femme de pierre au village, pour ça. Derrière leur maison, il y avait un entrepôt impressionnant d’ardoise, dans tous les états possibles. Les plus petits fragments étaient déjà plus gros que ses deux mains mises côte à côte. Une fois que les blocs mal dégrossis étaient arrivé à bon port, Erin envoyait cordialement (mais amoureusement) valdinguer son mari en lui promettant mille tourments s’il la dérangeait.

Venait en premier l’étape de polissage. Il fallait donner la taille que l’on voulait au bloc, par exemple la taille d’une plaque d’armure de torse (ça n’est qu’un exemple), et polir la roche. Beaucoup de moyens étaient à disposition, mais il ne fallait ni la rayer, ni la fissurer (certaines plaques de roche étaient très fines), tout en gommant les aspérités et les arêtes tranchantes. Erin avait sa recette personnelle, pour parvenir à ce résultat propret. Les montagnes étaient riches en minerai, et certains avaient de fantastiques propriétés. Notamment un, qui avait la couleur du granit. Rien de particulier, jusqu’à ce qu’il soit broyé, réduit en poudre. Elle le mélangeait ensuite dans un grand bol de terre cuite avec de la neige, qu’elle réchauffait au dessus d’un feu. Si un lien de feu était là il pouvait l’aider en réchauffant directement la terre cuite du bol, car les vapeurs qui s’échappaient rendaient la fumée très toxique. La commissure des lèvres et le bord des narines de la femme de pierre étaient d’ailleurs piquetés de tâches rosâtres et de crevasses à cause de cela, d’ailleurs. Une fois que le mélange avait suffisamment chauffé et que le minerai broyé s’était parfaitement mélangé à l’eau, elle laissait refroidir, et mariner pendant un moment. Cela pouvait prendre quelques heures, mais parfois, la qualité des grains minéraux était telle qu’il fallait attendre plusieurs jours. Erin reconnaissait quand le mélange était prêt : l’eau grisâtre à cause de la poudre prenait une teinte gris-jaune, assez laide. Cependant il manquait une dernière étape. Elle ajoutait au mélange une grande quantité de sels minéraux, qu’on reconnaissait à leur teinte bleutée sur les roches qui entouraient le village. On réchauffait encore quelques heures, mais tout doucement, il fallait éviter toute perte en eau. Puis, quand l’eau était encore chaude, on versait à rythme lent et constant la mixture sur une toile tendue au dessus d’un autre récipient. La substance qui permettrait de polir l’ardoise et de lui donner ses propriétés absorbantes, c’était l’espèce de pâte qui restait sur la toile tendue quand on avait entièrement filtré l’eau. On la remettait donc dans le bol, et surtout, on conservait l’eau.

A l’aide d’un morceau de tissu, on prélevait un peu de pâte (il ne fallait surtout pas que la peau soit touchée attention !), qu’on étalait sur toute la surface à polir. Une fois que tout était recouvert, on utilisait une brosse spéciale, à savoir un morceau de bois dans lequel on fichait des poils de Jölgalts coupés à mi-longueur. On la trempait dans le liquide récupéré du mélange, et l’on effectuait avec douceur de petits mouvements circulaires sur toute la surface de l’ardoise. La pâte était très corrosive, mais réagissait presque exclusivement avec la roche et le métal. Un tissu vierge pour essuyer le tout, et on recommençait, jusqu’à obtenir la finesse que l’on voulait. C’était un procédé fastidieux, expliquait Erin à Möjra, qui buvait ses explications comme de l’hydromel, mais il permettait d’obtenir une roche de qualité. Car en plus de gommer les aspérités, la corrosion rendait la roche légèrement poreuse, détail important pour la suite.

Comme le lui montra Erin, une fois qu’elle eut finit de rayer la surface de la roche pour obtenir les détails qu’elle voulait, elle prit dans un bol à côté des pigments, pour le coup d’une blancheur calcaire. Elle lui montra le récipient rempli du liquide de filtrage, et en mit dans un bol plus petit, dans lequel elle laissa se mélanger les pigments. Et à l’aide d’un morceau de bois (probablement du pin) dont le bout avait été taillé pour être plat comme une tête de pelle, elle déposa les pigments sur la plaque, qu’elle étala ensuite.

L’étape de coloration était longue, expliquait-elle, mais c’était probablement le plus simple, si on était créatif. Le plus difficile étant de faire des pigments. Pour sa part, elle utilisait généralement la résine comme composant de base, car cela accrochait bien. Diluée dans l’eau, évidemment. Ensuite, en fonction des couleurs dont elle avait besoin, elle utilisait divers composants, qu’on pouvait trouver un peu partout. Les roches calcaires fournissaient un excellent pigment blanc, quant au bleu, les mêmes sels minéraux qu’elle utilisaient pouvait lui donner une jolie teinte. De l’ardoise broyée donnait des teintes entre le gris clair et l’anthracite - le noir était exclus, le support étant déjà presque noir. Pour le rouge, plusieurs solutions. Le sang animal était bien sûr le plus facile à obtenir, et probablement le plus utilisé. Mais Erin n’aimait pas trop user de cette matière, elle préférait broyer des baies rouges jusqu’à obtenir un liquide concentré, qu’elle filtrait pour évacuer les impuretés, avant de le mélanger à la mixture fixatrice.

Les pigments prenaient toute leur beauté une fois qu’ils avaient gelé, expliqua Erin. Car en effet, une fois qu’on avait peint à proprement parler, il fallait faire geler l’ardoise dans le froid vif pour que les pigments cristallisent. C’est là que la porosité créée par le polissage devenait cruciale. Les couleurs infiltrées dans les pores prenaient un peu plus de place, et se solidifiaient une bonne fois pour toutes pour ne faire qu’un avec la roche. Elle fit remarquer à Möjra avec un sourire amusé que cette méthode était peut-être un “truc de bonne femme” comme le faisait remarquer son mari, mais qu’elle au moins n’avait pas besoin de refaire ses peintures au visage tous les jours parce qu’elle partait au moindre petit coup d’humidité. Ses peintures étaient éternelles (en fait pas vraiment, mais on pouvait conserver une de ces roches peintes pendant plusieurs décennies avant que les cristaux pigmentés ne commencent à se dégrader). D’autant plus que la cristallisation des pigments sur l’ardoise leur donnait des propriétés réfractrices uniques. Elle ne le dit pas comme ça évidemment, plutôt quelque chose du genre “la lumière change la façon qu’on a de voir les couleurs”.

C’est là que Möjra eut son idée. Elle savait que l’eau et la lumière avaient beaucoup de propriétés en commun, elle arrivait même, quand il faisait un peu de soleil, à rendre une sphère d’eau aussi lumineuse qu’un feu de la nuit des souvenirs. Elle posa alors la question : était-il possible d’utiliser l’ithylium pour faire apparaître des choses ? Erin ne savait pas. Elle était de lien terre végétal, l’idée ne lui avait jamais effleuré l’esprit.

Möjra lui expliqua alors qu’elle voyait beaucoup de couleurs dans l’eau. Qu’elles les entendait presque, qu’elle entendait les mouvements dans l’eau, même si celle-ci était totalement immobile. Cela Erin le comprenait, elle-même avait une affinité toute particulière avec les plantes de son potager. Elle savait systématiquement laquelle était malade, et quelles baies étaient comestibles ou empoisonnées.

Préférant la pratique à la théorie, comme toujours, Möjra lui demanda si elle avait un morceau d’ardoise poli à lui prêter. Elle avait bien une idée en tête, et ne peindrait pas. Pas au sens strict du terme, en tout cas. Erin se leva pour aller lui chercher une plaque de la taille d’une main. Pour un essai cela devrait suffire. La jeune femme déboucha sa fiole d’ithylium, et en préleva un peu de l’index. Elle n’osait pas le mélanger avec la fixation, de peur d’abîmer la substance sacrée. En revanche, elle l’étala sur un maximum de surface. Elle se concentra un moment, en pensant très, très fort à quelque chose de précis. Un souvenir très fort. L’ithylium se mit à luire faiblement, et toute fière, elle montra le résultat à une femme de pierre surprise, et émue en même temps. L’histoire de Peottre était connue de tout le village, et l’amour que ressentait Möjra pour son frère n’était un secret pour personne. Et au lieu de la couche bleutée du sang de la terre qui recouvrait la roche, se retrouvait fixée l’image - un peu floue, certes - d’une petite bouille endormie, avec une touffe de cheveux rouges plantée sur le sommet du crâne, ses petits poings fermés durant un profond sommeil. Quand Erin demanda des explications, Möjra récupéra l’ithylium qu’elle renvoya dans sa fiole, avant de réfléchir. La réponse n’était pas si simple, surtout quand la personne en face d’elle possédait un lien aussi radicalement différent que le sien.

«C’est comme de tisser un rêve. On voit d’abord les contours, puis on colore doucement en fonction de nos souvenirs. Plus on s’enfonce dans la toile du rêve, et plus c’est net. Le jour sert juste à mettre en lumière ce que j’imagine, en se servant de l’eau comme d’un miroir.»

D’un point de vue plus pragmatique, l’ithylium changé en eau, une fois glissé dans les pores de l’ardoise polie, reflétait la lumière de différentes manières en fonction de la façon dont Möjra résonnait avec lui. Les souvenirs étaient importants dans ce procédé, mais il fallait sentir avec précision chacun des “fils” qui tissait ce qu’elle projetait. C’était comme une toile dont il fallait faire vibrer les cordes avec une intensité différente. Et selon leur fréquence de vibration, la lumière reflétait différentes couleurs. Ce qui donnait une image, comme le prouvait la plaque d’ardoise. Evidemment, cela demandait une forte concentration, et ça ne durait pas, car l’ithylium récupérait sa forme originelle. Son épée était différente car le forgeron avait mélangé le métal à l’ithylium transformé, qui s’était retrouvé lié par le feu à l’acier naturel. Mais pour ces projections, une simple erreur de concentration et c’en était fini, le rêve volait en éclats aussi sûrement que lors d’un réveil brutal.

Möjra apprit quelque chose de précieux d’Erin ce jour là, et cette petite séance avec la femme de pierre valurent largement les remontrances acides de l’Estropié qui l’attendait depuis bien trop longtemps.

***

Depuis ce jour, elle s’était beaucoup entraîné à tisser des rêves, souvenirs, et même des choses qu’elle avait sous son nez. Elle tissait bien, et pouvait faire apparaître des rêves sans les fixer sur un support. Il fallait juste que sa toile virtuelle ait les bonnes proportions, et qu’elle soit très concentrée autant qu’imaginative.

Alors elle tissa. L’ithylium qui quitta sa fiole se retrouva une dizaine de mètres plus loin, à faire apparaître son propre reflet un peu plus loin, volontairement mal dissimulé et immobile.Möjra entendit avec satisfaction trois traits de plus fuser vers la fausse traqueuse. Elle put ainsi en déduire la position du tireur, et doucement, à pas de loups en s’efforçant de maintenir son rêve éveillé le plus longtemps possible, elle se dirigea vers lui. Il n’était pas si loin, en fait. L’archer était un homme mince, de grande taille, d’une dizaine d’années son aîné. Son visage était mangé par une barbe volumineuse, mais on devinait la haine qui déformait sa bouche, et ses yeux porcins étaient fixés sur la jeune femme. Elle avait tiré son épée, et était préparée au combat. Lui en revanche, était préparé à tuer. Vif comme le blizzard, il dégaina une épée aussi massive que celle de Möjra était fine. La tisseuse de rêve se rendit compte de quelque chose à ce moment précis. Cet homme était un criminel, probablement, et il avait déjà tué. Sa proie la plus impressionnante à elle était un lupien qui gisait quelques centaines de mètres plus loin. Elle n’avait jamais fait couler le sang d’un homme, et n’y était pas préparée. Lui, il était prêt à tout pour défendre sa vie. Le fait que Möjra soit une jeune femme d’à peine dix huit ans ne le gênerait en rien.

Elle sentait le froid mordre ses doigts. Du sang perlait de son visage. De sévères entailles le parcouraient, entailles qui auraient pu être fatales si elle n’avait pas été aussi agile que son adversaire était fort. Son souffle exhalait d’épais panaches de vapeur, souffle court, saccadé. Son adversaire était dans le même état. Quoi qu’un peu plus fatigué. Ils n’avaient pas du tout le même style de vie, et son énergie en pâtissait plus facilement que celle de Möjra.

Le combat fut long, âpre, et difficile. Elle entendait parfois les cris des hommes qu’elle avait accompagné. Ils la cherchaient. Eux étaient de vrais combattants, ils en avaient sûrement fini rapidement. Elle repoussa d’une main leste la lame qui fonçait vers elle, et bondit en avant pour porter un coup d’estoc aussi vif qu’elle pouvait le faire. Cette simple passe parut durer une éternité. Elle ne voyait plus les arbres autour d’eux, n’entendait plus les appels de ses compagnons de chasse. Elle voyait juste l’éclat vif, meurtrier de sa lame, qu’elle chérissait pourtant, se fendant vers l’avant dans un seul but : prendre la vie. Les yeux du déserteur s’écarquillèrent lentement, au ralenti même, tant sa perception des choses était altérée. Au bout d’un long moment, elle sentit un choc sec dans son bras, puis un crissement insupportable, abject, tandis que la lame assassine raclait la cage thoracique de sa victime à la recherche de son centre vital. Son bras perçut une vague résistance, comme si elle plongeait sa lame dans de la boue, puis plus rien. Quelques secousses agitèrent son poignet; les battements d’un coeur agonisant. Comme pour le lupien, elle retira prestement sa lame, éclaboussant sa tenue et son visage de quelques gouttes brûlantes expulsées par la pression accumulée. Le corps s’effondra mollement en avant.

Lasse, elle se laissa guider par les voix des autres chasseurs, et leur raconta en détail ce qui s’était passé. Sans oublier le moindre détail. Elle vit les regards fiers, approbateurs, et leur répondit par des sourires gênés. Elle avait fait honneur à son clan. Mais en elle, quelque chose s’était brisé. Elle avait fait couler du sang humain. Elle avait ôté la vie à un homme. Apparemment il s’agissait d’un groupe de criminels en fuite depuis longtemps. Un des chasseurs avait reconnu le meneur du groupe. Malgré cela… La victoire avait un goût qui la dégoûtait. Amer, acide, vomitif. Ces déserteurs étaient la lie de l’Île. Ils mettaient les Erfeydiens en danger. Ils avaient trahi leur famille, leur foi et leur sang. Mais sur le moment, elle avait du mal à se voir autrement que comme une meurtrière.
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:37

Chapitre 3 : Petit rêve rouge, tu t'es brisé.



Quand le ragoût fut prêt, elle servit deux bols conséquents, et les posa sur la table. Son père la remercia d’un signe de tête. Un silence lourd s’installa pendant qu’ils mangeaient, et ni l’un ni l’autre ne souhaitaient le briser. La situation était tendue, depuis quelques mois. L’atmosphère paisible qui régnait autrefois au village s’était muée en un voile de sévérité militaire. Les guerres claniques avaient fini par toucher leur région isolée, mais pire encore, certains déserteurs profitaient de cette agitation pour faire leurs “amplettes” après les combats. Möjra était âgée de seulement vingt-deux ans, mais elle fut tout de même réquisitionnée par Keiþ pour servir d’éclaireur. Ses capacités pour tromper les sens de l’ennemi, sa discrétion naturelle en avaient fait une candidate parfaite. Quant à ses exploits quatre ans plus tôt dans la forêt… Ses compagnons de route avaient un peu trop enjolivé le récit, elle était passé pour une héroïne. Ca n’avait rien fait pour arranger le mépris qu’elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver pour elle-même. Elle comprenait les choix du Hänek, ceci étant. Et avait passé tout son temps depuis leur retour d’expédition à se dire qu’elle avait fait ça pour son clan, pour Peottre aussi. Ca atténuait un peu l’amertume qui s’était installée en elle. Un petit peu. Depuis ce jour, elle avait changé. Tout le monde l’aimait beaucoup au village, et réciproquement d’ailleurs, mais elle n’avait plus été la petite fille bondissante à la répartie assassine qu’elle connaissait. Oh, sa répartie, elle l’avait gardé, certes. Par contre le côté petite fille s’était nettement amoindri pour laisser place à une femme, une vraie, beaucoup plus dure que la plupart des hommes du village. Elle s’emportait vite, allait beaucoup moins voir les autres villageois (à part Bjersson évidemment), et passait son temps soit à s’entraîner, soit à écouter les nouvelles désastreuses rapportées par les quelques Erfeydiens venant commercer au village, ou par les éclaireurs des nouvelles unités militaires créées par le Hänek. Son père n’osait rien dire. Il était sur le déclin, et étant très proche de Keiþ, savait tout ce qu’il y avait à savoir sur le comportement de sa fille. Le fait qu’il l’ait choisi pour participer aux expéditions de reconnaissance ne l’enchantait guère. Il n’avait jamais pensé voir sa fille devenir guerrière un jour. Il avait perdu sa femme, son fils, et maintenant, on mettait également sa fille en danger. La même fille qu’il avait bordé pendant des années, dont il avait supporté la faiblesse maladive, les crises de fièvres et l’anémie, tout ça pour qu’elle se retrouve en première ligne, durant ces temps de guerre. Sa loyauté envers le clan était indéfectible, d’où son silence de mort sur ce sujet, mais son coeur de père se révoltait contre les choix de son ami.

Bjersson, quant à lui, n’avait pas changé. De prime abord, en tout cas. Car s’il était toujours le même, râleur, avare en compliments, et rébarbatif, il se savait proche de la mort (il avait fêté son soixante dixième anniversaire l’année précédente), et enseignait tout ce qu’il pouvait à Möjra avant de ne plus pouvoir sortir de son lit. Mais son attitude avec la petite avait changé. Il ne formait plus une charmante jeune fille à l’art de l’épée, il entraînait une femme qu’il aimait profondément à tuer sans se faire elle-même massacrer. Les passes qu’il lui enseignait étaient assassines, vicieuses et meurtrières. Elle ne devait laisser aucune chance à son ennemi de lui porter un coup potentiellement létal. Elle devait éviter les blessures profondes. Les engelures tuaient aussi sûrement qu’une flèche en plein coeur, répétait-il, et en combat, on n’avait pas le temps d’enduire les blessures de graisse d’Howok ou de Koun pour isoler la plaie. Une entaille trop profonde loin de chez soi, et c’était la mort. Le froid ne les affectait peut-être pas tant que ça quand ils étaient bien couverts, mais la maladie n’attendait qu’une chose : que le corps se réchauffe au combat, puis que le froid les saisisse. De même que si l’on pensait avoir une blessure sans gravité, le gel venait faire pourrir les chairs et les nerfs, provoquant à terme la mort, ou au minimum l’amputation du membre touché.

Möjra était très loin d’être idiote (elle avait même conquis le respect de Bertha, qui malgré son âge avançant restait la femme la plus crainte et admirée du clan), et savait pertinemment ce que faisait Bjersson. Elle le remerciait de l’aider à se protéger, mais le lui reprochait aussi. Elle considérait les déserteurs, à l’instar de la peuplade dans sa globalité, comme la pire engeance du territoire. Malheureusement, tuer était presque au dessus de ses forces. Elle n’avait plus rien tué, pas même un animal, depuis ce jour. Et elle savait qu’à moins d’y être contrainte, elle éviterait de toute façon de tuer. Le Gardien offrait la vie. Ils n’étaient pas des juges de droit divin pour s’autoriser à retirer ce don par le fil de l’épée.

Ce fut elle, qui pendant le repas, brisa ce silence de glace.

«Je pars demain. On remonte le fleuve jusqu’à Hautépine, puis on passera dans la forêt, sans passer à proximité des villages. Les précédents éclaireurs ont perdu la trace de la dernière harde de déserteurs à la lisière de la sylve.

— Je sais, Keiþ m’a tout dit, ma fille. Combien de temps tu seras absente ?

— … Un mois, peut-être deux si le climat joue contre nous. L’hiver est rude, et à l’est plusieurs tempêtes ont éclaté. Les villages ont subi de gros dégâts, c’est une aubaine pour les déserteurs.

— C’est… conséquent. Soyez prudents.»

Möjra n’ajouta rien. Le sujet n’avait pas été abordé lors de cette conversation, mais ça n’était pas juste une filature, c’était une véritable expédition punitive qui se préparait. Un cortège d’artisans rentrant au village avait été attaqué près de la frontière entre Landeyris et Hautépine. Il y avait des femmes, des enfants. Et sur les quelques survivants de l’attaque, tous racontèrent qu’ils s’agissait d’une embuscade de déserteurs, qui avait pillé la caravane, puis commencé à exécuter tout le monde. Ils avaient commencé par des tirs de barrage, fauchant un maximum de cavaliers sur leurs aurions, puis avaient conclu le massacre directement sur place. Malgré son manque de soif de sang, la colère qui avait soulevé le coeur de Möjra à ce moment l’avait rendue plus froide que la glace. Si son frère n’avait pas eu comme destin de servir d’hôte au Gardien, ils auraient pu se retrouver là-bas, elle et lui, dans cette caravane. Ce genre de faute était totalement impardonnable. Son frère avait onze ans. Elle n’avait pas oublié le jour de sa naissance, et priait la moitié de la journée pendant ce jour. Elle avait même dressé un petit autel à quelques pas du village, où elle venait déposer des offrandes au Gardien.

La nourriture avait décidément un goût de cendres. Le village était entré en guerre, subissait trop de pertes, et les déserteurs profitaient de cette pagaille pour semer encore plus de morts dans leur sillage. Ses prières étaient-elles si futiles ? Elle bénissait le Gardien d’avoir fait de son frère un Oracle. La vie qu’ils menaient ici était à des éons de ce qu’elle s’était imaginée. Ses objectifs restaient les mêmes, cependant : protéger son frère et son clan, quoi qu’il arrive. Et devenir le meilleur bretteur de l’île. Elle s’entraînait cependant pour tuer désormais. Et se rendait notamment compte d’à quel point la vie était différente de ses rêves d’enfant. Protéger signifiait forcément faire couler le sang. Il n’y avait pas d’alternatives. Car si vous pensiez pouvoir le faire en étant un pacifiste, le bellicisme de tous les autres Erfeydiens vous contraignait bien vite à changer de position. Elle s’était donc résolue à protéger son frère d’où elle était. Keiþ songeait à intégrer les Bois de Koun, ce qui leur offrirait un avantage stratégique et militaire. Mais ses rêves innocents avaient pratiquement tous volés en éclat. Comment aurait-elle pu offrir ce qu’elle voulait à son frère en ayant autant de sang sur les mains, de toute façon ?

Elle ne put terminer son assiette. Le voyage serait terriblement difficile, elle le savait. Avec le temps, elle était devenue forte, respectée. On voyait en elle la digne soeur de l’Oracle Peottre, et même Bertha ne cessait de répéter à qui voulait l’entendre qu’elle se voyait quelques années plus tôt en cette gamine. Un rictus amer déforma ses traits. Elle remit ce qui restait de ragoût dans le plat, embrassa son père sur le front, affectueusement, puis alla s’allonger sans un mot. Elle n’arriverait probablement pas à dormir, mais elle voulait s’isoler, et ne penser à rien d’autre qu’au souvenir de son frère. Son petit rêve rouge commençait déjà à s’ébrécher.

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La petite troupe avançait difficilement dans le blizzard. Très difficilement. Le fleuve avait littéralement gelé sur les berges, et la neige fouettait les cavaliers si fort qu’ils avaient l’impression de subir une pluie de pierres. Möjra peinait à respirer. Son capuchon était raide de glace, et dès qu’elle ouvrait la bouche pour prendre son souffle, des gerbes de neige s’y glissaient, manquant de l’étouffer. Tout son visage était enduit de graisse de koun pour l’isoler des vents hurlants. Ses mains également, enfouies dans d’épais gants. Si elle avait pu se retourner, elle aurait eu peine à reconnaître son épée, recouverte d’une épaisse couche de givre, où des stalactites de glace pendaient sur la garde. Ils avaient déjà perdu deux guerriers. Le premier avait refusé d’écouter les ordres du chef de la troupe, et était descendu de son aurion pour aller se soulager. Deux jours plus tard, les engelures et l’infection eurent raison de lui. Le second était mort de froid, tout simplement. Il avait tenu à participer à l’expédition, alors qu’il avait déjà passé la cinquantaine d’années. Son esprit était vaillant, mais son corps défaillant. Une semaine après avoir quitté le village, il était mort. Enterrer les deux hommes avait été un vrai supplice. Il avait fallu creuser le permafrost, complètement gelé et aussi dur que la roche. Les morsures du froid étaient particulièrement abominables. Elle avait l’impression que de véritables canines se plantaient sur chaque parcelle de peau nue, et cisaillaient ensuite la chair pour laisser le gel dévorer ses chairs et sa chaleur vitale. “Hiver rude” qu’elle avait dit, mais c’était nettement au delà de toutes les prévisions. Et la tempête avait éclaté bien après leur départ. Pas question de faire marche arrière donc.

Ölof, le commandant de l’unité, profita d’une brève accalmie du vent pour ordonner à tout le monde de s’abriter sous un affleurement rocheux, à peine visible sous l’épaisse couche de neige. Ils avaient voyagé pendant plus de douze heures aujourd’hui, ils n’arriveraient jamais aux Cimes Hérissées s’ils continuaient ainsi. Ölof avait un lien de feu, qui était pour le coup le bienvenue.

Ils mangèrent tous des lanières de jölgalt séché, et firent fondre de la neige pour se désaltérer. La nuit n’allait pas être drôle. Pendant qu’Olöf répartissait les tours de garde, Möjra sortit un cadeau de la part d’Erin. Une plaque d’ardoise, la même qu’elle lui avait prêté quelques années plus tôt, en moins grossière, en mieux polie. Elle sortit la fiole d’ithylium toujours accrochée autour de son cou, et projeta le souvenir qu’elle chérissait depuis maintenant dix ans, avec une netteté bien supérieure à la première fois. C’était, en cette époque troublée, le seul moyen qu’elle avait de se réchauffer.

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L’assaut fut lancé aux premières lueurs de l’aube. A vrai dire, on n’y voyait goutte, mais Möjra avait repéré des traces de pas à la lisière des arbres, et vit se mouvoir plusieurs silhouettes parmi les arbres. La réaction d’Ölof, que la jeune femme en était venue à haïr au fil des jours passés en sa compagnie, fut immédiate et sans détour : la poursuite et l’extermination systématique. Il était l’heure de venger les frères et soeurs massacrés par ces monstres exilés. Le frisson de la traque la surprit et la galvanisa quand il fit irruption sur son échine et au creux de son ventre. Elle aussi, avait soif de vengeance. Elle songea une dernière fois à son frère avant de partir à l’assaut, gagnée par la fièvre vengeresse qui avait contaminé tout le groupe. Sa lame réclamait le prix du sang.

Le fracas des lames était assourdissant. Möjra ne faisait attention à rien d’autre qu’à son adversaire, qui s’il se battait bien, n’avait aucune chance contre l’aiguille mortelle de la jeune Thiasgasthorn. Une fois de plus, elle faisait l’honneur et la fierté de son nom et de son clan. Chaque fois que sa lame perçait les chairs d’un homme, elle songeait à ce qu’ils avaient faits. Elle repensait à ce que son frère et elle auraient pu subir si leurs destins avaient été différents. Et la fièvre s’aggravait, abattant plus de barrières en elle, gagnant chaque recoin de son esprit. Elle les voulait tous morts, afin que jamais un drame de la sorte ne se reproduise. Il fallait les punir. Les lois étaient claires à ce sujet : les déserteurs n’étaient plus des Erfeydiens, ils valaient moins que du bétail. Ils vivaient, puis mouraient sans honneur. Ils n’avaient pas plus de droits qu’une chiure de koun.

Il y avait une dizaine de déserteurs, en tout. Ils remontaient du sud vers le nord à cause des guerres claniques qui faisaient rage un peu partout, risquant de dévoiler les emplacements de leurs campements. Bien cachés, ils n’étaient cependant plus en sécurité : les hommes de la peuplade s’aventuraient de plus en plus loin dans les terres pour traquer leurs ennemis. Ils devaient prendre des risques et  sortir de leurs ombres pour trouver de meilleures cachettes. Ce que ni Ölof ni même Möjra ne savaient, c’est que ces déserteurs là n’était clairement pas les mêmes que ceux qui avaient agressé leurs amis. Ceux là remontaient certes vers le nord, mais les hommes qui se battaient actuellement le faisaient parce qu’on venait de leur sauter dessus, et qu’ils avaient des biens très précieux à défendre : une femme et ses deux enfants. Möjra ne le remarqua qu’après les combats, quand la fièvre commença à retomber. Elle ne comprit pas ce qu’elle vit. Il n’était pas question de femmes ni d’enfants dans les rapports des hommes qui avaient survécu à l’attaque auparavant. Quelque chose clochait. Cependant, tous les hommes semblaient partager la même idée : ils devaient mourir.

«Ölof, s’exprima Möjra d’une voix blanche, tu comptes vraiment tuer des gamins ? Regarde-les, ils n’ont même pas encore la force de tenir une épée.

— Des gamins ? Où vois-tu des gamins, Tisse-Rêve ? Je ne vois que des pourceaux, accompagnant leurs porcs de parents, pour se jeter sur les erfeydiens quand ils en ont l’occasion. Pire que des lupiens, plus nuisibles que des duniig. Non non, il n’y a pas d’enfants, ici. Vous voyez des enfants, les gars ?!»

Des cris sauvages tels qu’elle n’en avait jamais entendus résonnèrent à ses oreilles. Elle en frissonna d’effroi, sentit son sang se glacer dans ses veines. Le regard d’Ölof, malsain et rempli de haine, fixait le trio terrifié. Möjra ne pouvait pas les quitter des yeux. Tout ceci n’était qu’un cauchemar, c’était aussi simple que ça. Elle ne pouvait imaginer une seule seconde que le Gardien était du genre à tolérer ce genre de choses. Et intimement, en son for intérieur, elle savait que depuis que la peuplade et les déserteurs existaient, cela fonctionnait ainsi. Que vous soyez homme, femme, enfant, si vous étiez bannis, vous perdiez le droit d’être Erfeydien autant que celui d’exister. Leur sort était scellé. Si elle empêchait Ölof de rendre “justice”, elle les rejoindrait. La pensée de son frère fusa en elle. Pour lui, elle était obligée de garder le silence. Et cela la rendait malade. Quand le marteau de son chef s’éleva, elle se jeta en avant pour l’empêcher de commettre cette infamie, mais s’y prit beaucoup trop tard. Elle vit sous ses yeux la tête de fer et de plomb s’abattre avec violence sur le poitrail du plus jeune. Elle entendit distinctement les os se briser un à un pendant que giclait le sang et que les côtes perçaient la chair. Elle vit parfaitement les yeux se révulser et la bouche s’ouvrir dans un cri muet. Il était mort avant même d’avoir touché le sol. Elle constata avec un profond dégoût que ce “pourceau” qu’Ölof venait de broyer devait probablement avoir l’âge de Peottre. A peine plus d’une dizaine d’années. Le deuxième enfant, âgé d’au moins quinze ans, fut décapité d’un geste sec d’un autre homme, et la femme fut violée à plusieurs reprises par les hommes d’Ölof avant d’être exécutée. A genoux, Möjra ne pouvait que constater l’horreur de leur geste. Et elle en était directement responsable. C’est elle qui les avait repéré. Elle qui avait signalé leur direction à Ölof, déclenchant le terrible assaut. Elle avait tué les enfants aussi sûrement que le marteau du chef.

«Ölof ! Tu n’avais pas...»

L’arête de la tête du marteau s’abattit sans douceur contre sa joue, la faisant retomber au sol, violemment sonnée, et la faisant taire du même coup. Leurs regards étaient emplis de la joie malsaine de la vengeance accomplie, mais également de cette étrange déception de ne pas en avoir eu plus. Elle ne dit plus rien, et soigna sa plaie du mieux qu’elle put un peu plus tard. Keiþ allait l’entendre. Ce n’est pas ainsi qu’elle voulait protéger son frère. Il allait devenir un de ceux qui cautionneraient ces actes de barbarie. Actes qui provoquaient la mort d’enfants de son âge. Sa loyauté aveugle venait d’en prendre un sacré coup. L’île Blanche lui paraissait de moins en moins paradisiaque. Elle voulait châtier les criminels, les impies, les assassins. Parce qu’ils mettaient son clan et ses frères d’armes en danger. Parce qu’ils nuisaient à la foi qu’ils avaient tous en leur Gardien. Mais en son nom, ils avaient commis des actes innommables. Et il avait été presque insupportable d’entendre ceux qu’elle considérait comme des frères le citer dans leurs prières et leurs injures à l’adresse des trois cadavres. On ne l’avait pas élevée dans la joie de massacrer femmes et enfants. Dans les traditions ancestrales, oui, mais elle n’avait jamais entendu un émissaire lui réclamer le sang d’un enfant de dix ans, ni même celui d’une mère effrayée. Les hommes laissèrent les cadavres là, et repartirent vers la lisière de la forêt, où attendaient leurs montures.

Elle attendit qu’ils soient suffisamment loin, et se pencha dans un fourré pour vomir tripes et boyaux. C’était insupportable.

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La porte de la maison du Hänek trembla. Une fois, deux fois, trois fois. A la quatrième, elle s’ouvrit violemment, le bois gémissant contre le traitement qu’on lui infligeait. Une Möjra tremblante de colère passa l’entrebâillement, d’un pas vif animé par la fureur. Son père et Keiþ étaient en pleine discussion, qui de fait s’interrompit net  avec l’arrivée fracassante de la Tisse Rêve. Son père avait une tête ahurie, pour autant que sa barbe laissait voir, mais le regard sombre du Hänek indiquait qu’il savait pourquoi elle était là. L’incident avec Ölof avait du faire le tour du village. Elle avait pu le constater en sortant de chez elle le matin même, à part ceux dont elle était le plus proche, personne n’avait voulu la regarder dans les yeux. Bjersson avait tenté de la dissuader d’aller voir le Hänek, mais une Möjra furieuse était pire qu’un Wedo en colère. Keiþ leva la main et la coupa avant qu’elle ne parle d’une voix  sèche :

«On m’a déjà raconté. Je ne veux pas entendre parler de ce qu’il s’est passé aux Cimes Hérissées. La mission est un succès, point. Retourne aider Bjersson, il ne peut plus rien faire seul, pas même pisser.

— Je ne quitterai pas cette foutue baraque avant d’avoir eu une explication, Hänek ! Des gamins ! L’un d’entre eux avait l’âge de mon frère ! Qui sommes-nous pour massacrer des gosses sans défense ?! Donne-moi une réponse !»

Bertha avait beau régulièrement faire passer son époux pour un abruti dénué de bon sens doublé d’une pucelle, il n’en restait pas moins le Hänek, et il n’était pas à ce poste pour rien. Toisant Möjra de toute sa hauteur, sa voix s’éleva comme le tonnerre d’un orage en pleine préparation, au loin.

«Déjà, Möjra Thiasgasthorn, en tant que fille du clan et soeur d’un Oracle, tu dois le respect et à tes aînés, et à tes supérieurs. Tu fais partie de ce clan et tu lui dois la loyauté ! Et étant soeur d’un Oracle, tu devrais plus que quiconque te souvenir des enseignements ancestraux ! Ils n’avaient aucun droit d’exister, ils ont renié leur dieu pour leur propre survie ! Qui es-tu, TOI, pour remettre en cause le Gardien ? Donne moi une réponse, Möjra Thiasgasthorn !

— Je croirais entendre ce porc d’Ölof… Quel gamin de dix ans pourrait commettre un crime suffisamment odieux pour mériter l’exil ? Comment sa simple naissance peut-elle le condamner à mort ? Tu crois avoir fait payer les déserteurs pour nous avoir volé des membres de nos familles ? Ölof t’a t il seulement dit que ces assassins, comme tu te plais à les nommer, n’étaient qu’une bande de déserteurs apeurés sachant à peine se battre, fuyant les guerres du sud pour un meilleur abri ?! Tu es tel que ta femme se plait à te décrire, Keiþ. Sans cervelle et lâche au point de ne pas vouloir assumer ses actes. Tu me dégoûtes.»

Elle avait volontairement omis d’appeler Keiþ comme elle aurait du le faire : par son titre. Actuellement, elle ne le respectait en aucune manière. Son père lui, qui ne pouvait pas prendre parti, jugea que sa fille avait largement dépassé les bornes, et se leva brusquement. Keiþ était grand, presque deux mètres. Son père l’était bien plus, et bien plus large que son ami. Un colosse. Il frappa du poing sur la table, la barbe agités de tics nerveux. Il pouvait tout supporter, mais là c’en était trop, et sa fille allait se faire bannir si elle continuait.

«SUFFIT ! Möjra, tu rentres à la maison TOUT DE SUITE et tu n’en sors sous AUCUN PUTAIN DE PRETEXTE. Keiþ, excuse sa conduite. Elle n’est plus elle-même et cette expédition n’était pas la meilleure idée du monde pour elle. Je vais m’occuper de son cas, oublie cette scène idiote.»

Méprisante, dégoûtée, la jeune femme quitta la pièce encore plus furieuse qu’en y entrant quelques minutes plus tôt, et au lieu de rentrer chez elle, alla s’occuper des Jölgalt. Bjersson était là. Il faisait le vieux con à moitié fou depuis quelques temps, mais savait pertinemment où allait la petite chaque fois qu’elle était contrariée. Et généralement il était là pour l’attendre, et l’entendre déverser sa bile. Elle était le seul à qui elle parlait ouvertement, et il l’aimait trop pour l’en priver. Bjersson n’avait jamais eu d’enfant, sa femme était morte depuis bien longtemps, et il n’avait jamais souhaité se remarier. «Avoir un gamin ? Pourquoi, pour qu’il passe sa vie comme moi, à ramasser des merdes de Jölgalt ? Que dalle, j’suis assez grand pour nettoyer leur cul tout seul. Va m’chercher une bière petit con, et arrête tes questions débiles.» Cette phrase gueulée littéralement dans la salle commune de la maison du chef de clan avait définitivement clos la discussion sur la descendance de l’Estropié. Il vivait très bien en s’occupant des autres au village, et s’occupait d’ailleurs de Möjra mieux qu’aucun grand père ne l’aurait fait.

«T’aurais pas du te comporter comme ça p’tite, tu l’sais ? Se foutre Keiþ et ton père à dos… T’as assez eu d’emmerdes comme ça tu crois pas ?

— … T’as entendu ? Et si c’est pour me sermonner toi aussi, j’ai pas b’soin de ça.

— Ma grande, tout l’village et la moitié de l’île t’a entendue. Et je compte pas te sermonner. Sur l’principe, j’suis assez d’accord avec toi. Y’a rien de plus lâche que de tuer un enfant. Ölof est un sale con, et tout le village le sait. Mais il connaît la région mieux que personne, et sans lui nombreux sont les villageois qui auraient perdu la vie. Il est loyal au clan.

— Loyal… Grand père, merde ! Tu n’étais pas là ! Il a abattu son marteau sur un gamin de dix ans comme s’il s’était agi d’un Wédo ! Un autre a décapité un type qui avait même pas seize ans, et ils sont tous passés sur sa mère avant de lui arracher la tête des épaules ! Quelle loyauté tu perçois là dedans ? A moi toute seule j’ai éliminé la moitié des hommes qui étaient là, et sans forcer. Ils n’étaient pas préparés à se battre. Reniés ou non, nous avons abattus sans la moindre pitié des gens qui n’avaient rien demandé à personne.

— Ecoute moi bien ma petite. Ce qu’ont fait Ölof et les autres est impardonnable. C’est un fait. Mais les lois qui gouvernent notre île sont aussi figées que la roche et aussi froides que la glace. Ceux qui renient leur clan ou le Gardien perdent leur dignité, et le droit d’exister. Si on pouvait quitter l’île, on botterait leur cul outre le mur, et ils ne pourraient pas revenir. La Muraille nous protège de l’extérieur, mais nous devons traiter sans pitié les menaces intérieures. Sinon autant abattre ce foutu tas de caillasses par la même occasion. Tu es loyale au clan, mais tu es également loyale à ce que le Gardien nous a offert de plus précieux : la vie. Continue, peu de personnes sont capables de faire attention à la vie des adversaires qu’ils ont en face. Mais n’oublie pas que face au Gardien, tu n’es rien. Si tu le contraries, il n’a qu’à lever le petit doigt pour te faire disparaître. Et n’oublie pas ton nom. En le salissant, tu salis aussi celui de ton frère. Et je sais très bien que cette colère, c’est aussi pour lui que tu la ressens.»

Elle ne savait pas quoi dire. Bjersson avait raison sur toute la ligne, elle le savait. Si elle était furieuse à ce point, c’était aussi parce que cet enfant aurait pu être son frère. Et elle n’était pas préparée du tout à la démonstration de cruauté à laquelle elle avait assisté. Personne n’y était préparé. Les larmes lui piquaient les yeux. Elle s’apprêtait à répondre à Bjersson mais des pas frénétiques dans la neige derrière elle lui apprirent que son père savait où elle était, et qu’il n’était pas spécialement ravi.

«Bjersson, laisse-nous deux minutes.»

Le vieux quitta sa place et posa dans un geste compatissant sa main sur l’épaule de Möjra, avant d’aller s’enfermer dans sa cahutte.

«Möjra…

— Cherche pas, papa. Je m’excuserai pas. Frappe moi si tu veux j’en ai rien à foutre. Ölof m’a déjà foutu un coup de marteau, j’pense que je peux en encaisser encore pas mal.

— Tu crois quoi ? Que j’veux te pourrir ? J’crois que malgré ton caractère à la con t’as très bien compris ce qu’a dit Keiþ. Et j’ose espérer que la prochaine fois tu n’agiras pas comme tu l’as fait. Il doit gérer tout un clan, avec les bévues qui arrivent nécessairement. La mort de ces gamins, il l’aura sur la conscience toute sa vie. N’oublie pas qu’il a des fils. Il sait ce que c’est.

— … J’étais furieuse. Mais Ölof est en train de se pinter la gueule en fêtant ses exploits, et tout le monde le couvre de gloire. Il mérite d’être couvert de merde, point barre.

— Je crois que l’Estropié t’a déjà expliqué qui était Ölof. Nous lui devons tous la vie ou celle d’un proche. Tu es tout ce qu’il me reste, Möjra. Alors, s’il te plaît, fais attention à toi. Si tu te retrouvais dans une sale situation et que la mort d’une centaine d’enfants pouvait te sauver, je tendrais moi-même ma hache à Ölof pour qu’il les extermine. Et je n’aurais pas le moindre regret. Aimer et servir son clan implique des sacrifices. Ta mère a sacrifié son fils pour le Gardien, et si tu souhaites vraiment lui offrir ta vie et ta protection, sois prête à sacrifier plus qu’un peu de temps. Le chemin que tu prends se noie dans le sang.

— … Je te rejoindrai à la maison. Je vais m’occuper de l’enclos un moment. Va t-en s’il te plait.»

La fureur de son père n’avait pas duré longtemps. Il en était  incapable quand il était seul avec sa fille. Il esquissa un sourire contrit, et rentra lui aussi chez lui. Quand Möjra refusait de répondre comme elle le faisait, c’était sa façon d’admettre que la personne avait raison. Elle s’emportait plus vite que ne soufflait le blizzard, mais elle réfléchissait vite et droit. Ca, il en était convaincu, et savait que ça jouerait également en sa faveur dans l’opinion de Keiþ qui l’aimait comme sa fille. Comme à peu près tout le monde.

Elle s’occupa encore quelques heures de l’enclos, nettoyant les déjections, leur donnant à manger et surveillant les quelques femelles qui étaient enceintes, puis quand Bjersson sortit en lui hurlant de se tirer de là et d’aller se reposer, elle s’exécuta. Simplement, elle ne rentra pas directement chez elle. Elle contourna d’abord la maison, et se rendit près du petit tas de pierre qu’elle avait entassé là et qui lui servait d’autel, sur lequel elle priait pour son frère. Elle avait beaucoup de choses à lui dire. Probablement ses derniers mots. Le discours de Bjersson et celui de son père conjugués avaient eu l’effet escompté : la faire réfléchir. Les conséquences cependant allaient bien au delà de tout ce qu’ils auraient imaginé.

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«J’irai avec eux, Hänek.»

La voix de Möjra, forte et décidée, surprit toute l’assemblée. Le froid était vif, mais contrairement à la dernière fois, le temps était clair, le vent, bien que violent, galvanisait les sens. Il ne fallait pas moins se protéger, mais au moins la tempête ne tuerait personne, cette fois ci. La jeune femme ignorait superbement les regards qui la dévisageaient. Elle avait pris une décision, et même si le Hänek semblait en douter, Bjersson et son père lui adressèrent un regard approbateur.

«Tu es sûre, jeune Thiasgasthorn ?»

Elle hocha vivement la tête. L’incident aux Cimes Hérissées datait de plus de deux mois, déjà. Depuis soixante jours, les conflits avaient empiré. Keiþ avait choisi de s’allier aux Bois de Koun, comme il l’avait dit, et de ce fait, beaucoup de têtes inconnues foulaient maintenant la neige du village. Möjra, elle, après avoir subi les sermons de Keiþ, Bjersson, puis de son paternel, avait décidé de se prendre en main et avait redoublé d’efforts pour s’entraîner, mais également pour maîtriser son lien, qui s’il avait une orientation créative, pouvait maintenant servir à dissimuler une personne, voire tout un groupe immobile aux yeux de tous. C’était très, très important pour elle d’en arriver là.

La surprise générale venait du fait que les éclaireurs (Möjra avait été “mise aux arrêts” pendant un petit moment), avaient rapporté des traces de campement, trop brouillons pour être ceux d’hommes des autres clans ou factions. Le fait qu’ils aient essayé au mieux de dissimuler leurs traces était encore plus suspect. Ils se situaient à quelques lieues du village, sur la face nord du plus haut pic d’Igranel, à plus ou moins trois ou quatre milles des contreforts. Möjra connaissait bien ce coin là, car depuis qu’Erin lui avait montré comment polir l’ardoise et dessiner dessus, elle accompagnait parfois le mari de la femme de pierre dans les montagnes pour récupérer des blocs et des sels minéraux, ou y allait seul, le pauvre homme étant défaillant. Mais l’expédition montée pour aller les déloger de là… son commandant, sans surprise, était Ölof. Et la haine que Möjra éprouvait vis à vis de lui était un fait connu de tous les habitants à l’année du petit village. Les autres, qui n’étaient là que de passage pour transmettre des ordres venant de Pleyrion, n’avaient rien à faire de ces querelles. Ils venaient, restaient quelques jours pour se rétablir du voyage, souvent difficile et parsemé d’embûches, puis retournaient à leur village. Ölof vouait à la Tisse Rêve à peu près autant de haine. Elle lui tenait systématiquement tête, contrecarrait chacun de ses plans dès qu’elle en avait l’occasion, et soupçonnait que c’était elle qui avait soufflé l’idée à ces fichus enfants de verser de la pisse de Jölgalt dans ses bottes et de les mettre à l’extérieur pour que ça gèle. Il avait eu les orteils paralysés pendant des semaines et la moitié du pied infecté pendant deux fois plus de temps. Ölof possédait des dizaines de qualités militaires hautement précieuses en temps de conflit. Mais il était imbu de lui-même, méprisant, violent et terriblement agressif. Que ce soit envers des déserteurs (cela se laissait pardonner par les autres), mais aussi envers les villageois ou les visiteurs temporaires qui venaient simplement mener de petites affaires avec les commerçants ou artisans du village. De fait, personne ou presque ne pouvait supporter cet affreux type, sa barbe brouillonne d’un blond si pâle qu’elle en paraissait blanche, ses cheveux de la même couleur, filasse, ses petits yeux injectés de sang, d’un vert de vase. Ses joues gonflées par l’arrogance, aux vaisseaux éclatés par le froid et la surconsommation d’alcool. Ses dents rongées par l’âge et la maladie, son sourire vicieux et le barrage de postillons qui s’échappait systématiquement de ses lèvres gercées quand il ouvrait la bouche, la plupart du temps pour proférer des insanités. Les villageois, ainsi, savaient qui avait fomenté le sale coup des bottes. Mais personne n’irait le dire à qui que ce soit, voir Ölof immobilisé à hurler de douleur dans sa maison pendant que le guérisseur raclait les champignons que l’urine avait permis de faire germer avait été un trop grand plaisir. Silencieusement, ils approuvaient totalement les impulsions fourbes de la petite Möjra. Car oui, elle restait pour beaucoup “la petite Möjra”, cette blondinette incapable de tenir en place, à la répartie corrosive qui n’avait jamais froid aux yeux, et qui ne sortait de chez elle que pendant les jours les plus cléments de l’année, faute de quoi elle tombait méchamment malade. Si Keiþ n’avait pas eu de fils, Bertha aurait sûrement invectivé son mari pour en faire la prochaine chef de clan, malgré les traditions. Elle s’était donné une ligne de conduite d’une droiture incroyable, et en vingt-deux ans, n’en avait jamais dévié. Elle n’avait plus rien d’une enfant, certes. Si son sens de la répartie et l’amour qu’elle éprouvait pour chacun des villageois, qui finalement l’avaient élevée autant que son père, n’avait pas changé et s’était même renforcé avec le temps, son regard était dur, tranchant comme la glace dont il avait la couleur, et une tristesse permanente semblait l’habiter. Elle ne souriait que très rarement, et quand elle n’était pas avec Bjersson chez lui (il ne pouvait plus sortir du tout), elle était enfermée chez elle, ou chez Erin, à peaufiner sa maîtrise du lien. Elle apprenait parfois aux enfants du village à peindre, avec la femme de pierre, mais en présence d’adultes était nettement plus froide et renfermée. On l’aimait, c’est certain, mais on la craignait également. Et avec raison.

Ölof tenta bien de protester, évidemment. Mais on manquait d’effectif, et les capacités de Möjra était d’une utilité dont Keiþ ne pouvait pas se passer. Elle portait toujours la plaque d’ardoise offerte par Erin, mais ne s’en servait plus pour projeter son frère. Ou tout du moins, pas que. Vu que ses souvenirs et ses émotions étaient un des moteurs principaux de son lien, elle pouvait, en mémorisant soigneusement les lieux par lesquels elle passait, les projeter sur la plaque enduite d’ithylium, ce qui donnait des rapports imagés nettement plus précis que de simples paroles agrémentées de dessins. Bien entendu, elle s’était gardée de dire à tout le monde que ce qu’elle projetait dépendait de son imagination. Donc les images que renvoyait l’ithylium changé en eau ne montraient pas nécessairement la vérité.

L’expédition partait dans deux semaines. Keiþ voulait attendre le contingent d’hommes qui allait arriver de Fendrevent.

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Parfaitement silencieuse, le visage plus sombre et froid que l’ardoise, Möjra faisait face au petit tertre sous lequel était enterré celui qu’elle avait chéri durant des années, le doyen du village. Bjersson l’Estropié, un des plus grands bretteurs de son temps, le plus acide des hommes qu’elle ait connu, et pourtant, le parent le plus digne. Elle ne pleurait pas. Il l’aurait assommée sous une volée interminable de noms d’oiseaux si elle l’avait fait. Il lui aurait probablement jeté des déjections de Jölgalt au visage, en lui criant de sa voix éraillée qu’elle n’avait pas à chialer comme une gamine qui faisait encore dans son lit à son âge. Il lui aurait mis un coup dans le tibia à l’aide de sa canne, et lui aurait ordonné d’une voix gutturale d’aller lui chercher un tonnelet d’hydromel. Puis, une fois qu’elle se serait mise à bouder et maugréer, il aurait éclaté de rire, leur aurait servi à tous les deux une grande chope, et il lui aurait rappelé un grand nombre de souvenirs, dans la plupart desquels elle mettait sa pâtée aux guerriers du village, ou bien avant, elle les défiait en duel de boules de neige. Dont elle sortait victorieuse. Elle aurait alors arrêter de faire sa tête de koun, aurait ri avec lui, l’aurait serré dans ses bras, et lui aurait dit à quel point elle était heureuse qu’il s’occupe d’elle comme il le faisait.

Il était mort le soir même. Son coeur, avait dit le guérisseur, bien qu’à son âge c’était probablement le temps qui faisait son oeuvre. Il avait vécu longtemps, dignement, et pas une seule personne au village ne pouvait se targuer d’avoir été un homme ou une femme meilleur que lui. Möjra aurait de toute façon égorgé séance tenante le premier qui aurait prétendu le contraire. Il râlait, pestait, marmonnait, contestait, mais il avait toujours été un homme de bien. S’il avait refusé d’avoir une famille c’était pour servir son clan, sa vraie famille, de la façon dont il le souhaitait. Tous les gosses du village pouvaient et se devaient de dire que Bjersson avait contribué d’une manière ou d’une autre à leur éducation.

Elle n’arrivait pas à chanter. Bjersson s’en foutait, de là où il était. «Peottre, fais en sorte de veiller sur lui maintenant. Tu l’aurais beaucoup aimé, frangin.» fut la seule pensée qui perça au milieu de la vague de souvenirs qui l’assaillait. Les autres villageois en revanche faisaient jouer de leurs cordes vocales, couvrant le hurlement du vent d’un son grave et lancinant, annonçant la mort d’un de leurs frères, et la rétribution du don du Gardien. Vêtue de pied en cap, elle était censée partir dans quelques heures seulement, à l’aube. La mort d’un homme avant le départ d’une partie de son clan était mauvais signe, mais Keiþ avait peur que les déserteurs ne quittent Igranel s’ils arrivaient trop tard.

Jusqu’à l’heure du départ, elle ne bougea pas d’un pouce. Agenouillée devant le petit tas de terre, elle ne prononçait pas le moindre mot, c’était tout juste si elle clignait des yeux et respirait. Le froid, elle s’en moquait. Les derniers instants qu’elle passait ici, elle voulait les passer avec son grand-père. De substitution certes, mais même si elle ressemblait à son père physiquement, n’importe qui au village pouvait certifier que Möjra et Bjersson avaient plus de points communs que n’importe quelle autre famille pouvait en avoir en son sein. Ils étaient les mêmes, à cinquante ans près. Et Möjra avait toujours protesté ouvertement quand on disait ça. Mais à l’intérieur, c’était avec une immense fierté qu’elle acueillait ces paroles. Elle ne priait pas. Elle s’excusait, promettait, puis soupirait et se murait dans un épais silence mental. Les souvenirs défilaient, et elle les laissait faire. Son père vint la voir, mais vu la statue de pierre qu’était sa fille, il n’insista pas, et lui laissa simplement quelques lanières de Jölgalt en lui recommandant de les manger rapidement avant qu’elles ne se changent en sorbet saveur viande. Erin vint. Elle avait apporté avec elle une plaque d’ardoise, qui faillit faire fondre en larmes Möjra quand elle vit ce qu’elle avait peint dessus. La Tisse Rêve avec dix ans de moins, quand elle était encore une fillette fragile, sur les épaules d’un Bjersson déjà estropié mais en bonne santé, qui semblait agiter sa canne dans tous les sens pour faire descendre l’effrontée. Möjra se souvenait de cette scène comme si c’était hier. Le vieil homme arrêtait toutes ses boules de neige avant qu’elles n’atteignent leur cible, de sa main valide. C’était très énervant. Elle avait essayé longtemps, pendant plus d’une heure, puis en désespoir de cause, s’était servie de l’agilité fébrile propre aux enfants pour passer derrière lui et grimper rapidement sur son dos, puis sur ses épaules, en criant «Huuu ! Huuu Pépé Jölgalt ! Allons massacrer de l’impiiiie !». Möjra ne savait pas qu’Erin se souvenait si bien de cette scène. La netteté des pigments était impressionnante, et malgré la nuit tombée, elle savait qu’aux lueurs du jour, la cristallisation rendrait le tout encore plus beau. Elle ne prononça pas le moindre mot,  la gorge bien trop serrée pour ça. Elle saisit simplement la main de la vieille femme, et la tint contre elle un moment. Aucun présent qu’on ne lui avait fait dépassait ce qu’elle venait de poser sur le tertre.

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Ils avaient perdu les trois quarts de leurs hommes. Le vent et le froid mordant faisaient geler le sang sur la peau et autour des plaies. Sur la vingtaine d’hommes qui étaient partis, il n’en restait même pas une demi-douzaine. Ölof et Möjra comptaient parmi les survivants. Ainsi que trois autres hommes, des amis proches de leur chef d’expédition, aussi abjects que lui. Ils étaient là il y a deux mois, dans la forêt. Elle avait soigneusement mémorisé leurs visages, leurs traits immondes et l’odeur putride de vice qu’ils dégageaient.

Il y avait trois enfants et deux femmes, rassemblés au centre de ce qui leur servait de camp avant que le corps punitif ne les attaquent. Ils ne s’y attendaient pas, ça, la Tisse Rêve l’avait noté. Dans sa foi aveugle envers leur Dieu, Keiþ les avait encore envoyé massacrer des familles sans défense. Les hommes avaient été vaillants, l’affrontement avait long et âpre. Les femmes et enfants avaient tenté de s’enfuir, mais ils étaient à pieds, alors qu’eux possédaient des aurions. Ils n’avaient eu aucune chance. Cependant, la jeune femme refusait qu’une nouvelle scène horrible se produise. S’ils avaient été rassemblés, c’est à nouveau pour être abattus comme du bétail. Elle le savait. Ses lèvres remuaient silencieusement, à toute vitesse, en une longue prière, muette. Elle ne laisserait pas de nouvelles atrocités arriver. C’était au dessus de ses forces.

Durant toute la bataille, elle avait blessé les hommes, sans les tuer. Sitôt qu’elle en mettait un à terre, elle lui intimait silencieusement de se taire et de ne plus bouger. De faire le mort, oui. Elle avait taillé dans les chairs de façon à étaler un maximum de sang sur le corps et au sol, mais n’avait pas mis leur vie en danger immédiat. Communiquer avec eux avait été difficile, il fallait parler vite, bas, et surtout, ne pas se faire repérer. Elle n’était pas comme les hommes qui hurlaient au combat, en abattant leur arme, Möjra se battait froidement, méthodiquement. «Ma lame perce la panse aussi sûrement que l’aiguille perce le cuir.» Cette phrase revenait toujours, et elle s’appliquait à en faire une véritable loi. Elle perçait et tranchait, sans tuer.

Marteau en main, Ölof allait de nouveau massacrer les enfants. Et ses amis salivaient d’avance à l’idée de ce qu’ils allaient faire subir aux femmes qui restaient. Leurs pulsions immondes rendaient leur peau tellement brûlante, suante et leurs yeux tellement fiévreux que le froid ne semblait même plus les atteindre. C’était une vision insupportable. Elle avait pris sa décision il y a deux mois de cela, et la mort de Bjersson avait de toute façon scellé son destin. Elle savait à quel point il la défendait face à Keiþ et son père. Elle ne pouvait plus commettre la moindre faute maintenant qu’il était mort, plus personne ne servirait de barrière entre elle et les lois du clan et du Gardien. Son père était trop proche du Hänek, lui était trop fidèle. Son fils était un Oracle. Si sa fille commettait l’irréparable, il aurait pieds et poings liés. Ce qu’elle fit. Elle se jeta sur les compagnons d’Ölof en premier lieu, et sans la moindre pitié, profita de la stupeur générale pour leur sectionner d’un geste sec l’artère du cou, les laissant se vider de leur sang. Venait ensuite Ölof. Pas de combat épique entre les deux représentants d’une idéologie, pas d’âpre combat entre la femme frêle mais agile et la force brute incarnée dans cette pourriture. Il y avait trop de haine, trop de soif de vengeance. Sa lame fusa tel un Thorkötka en plein orage, et lui traversa toute la gorge. Il émit des borborygmes immondes, gargouillant, crachant du sang, le vomissant, même. Il s’effondra, les deux mains serrées autour de son cou dans l’espoir vain de contenir le flot rouge qui en sortait, et qui commençait déjà à geler une fois au sol. Elle ne lui accorda pas le moindre regard après avoir retiré sa lame. Elle remit les presque deux mètres d’acier dans son dos après avoir soigneusement lavé le métal précieux de la substance infecte de ces monstres, et appela les hommes encore en vie. Ils étaient méfiants, et cela se comprenait. Mais aucun n’avait de blessure grave, et elle avait fait très attention à ne pas en provoquer. Elle était pour sa part couverte d’entailles, mais ça n’était pas l’important. Elle dépouilla ses anciens camarades de leurs fontes, récupérant les provisions comme la viande, les quelques onguents et bandages, et donna tout aux femmes.

«Dépêchez vous de fuir. Une autre unité sera envoyé quand ils verront que nous ne revenons pas. Je vais vous aider à enterrer vos morts. Ensuite, tirez-vous le plus loin et le plus vite possible d’ici. Je vous en prie.»

Ils ne demandèrent pas leur reste, bandèrent sommairement les blessés, et bâtirent des cairns rapidement pour enterrer les morts (uniquement les déserteurs, elle leur avait interdit de toucher aux corps des villageois tombés au combat). Elle tenait tout particulièrement à les laisser tels qu’ils avaient laissé les autres auparavant. Sans sépultures, dépouillés de leur vie, de leurs affaires et de leur dignité. Ils pourriraient ici et ne nourriraient rien d’autre que les charognards. La seule chose qu’elle n’avait pas donné aux déserteurs, c’était les fioles d’ithylium. Elle en aurait peut-être besoin.

La nuit tombait quand les morts furent enterrés dignement et que tout le monde fut prêt au départ. Elle refusa de les accompagner. Et attendit qu’ils soient partis avant de s’autoriser à souffler un peu. Le camp qu’ils avaient détruit était dans une caverne. La majorité des combats avaient eu lieu à l’extérieur de celle-ci. Elle entra, ramassa quelques provisions qui trainaient, puis s’assit devant un vieux tas de bois qui avait probablement servi à faire flamber un peu. Le discours qu’elle avait prononcé devant l’autel de son frère résonnait puissamment à ses oreilles. Elle n’arrivait pas à s’en débarrasser. Elle pleura, longuement. Ses nerfs, après tout ce temps, craquaient enfin. Elle voulait mourir pour ce qu’elle avait fait, mais savait qu’elle n’avait pas eu le choix. Laissez Ölof faire aurait été encore pire. Elle voulait demander conseil à Bjersson, mais le pauvre homme avait terminé sa route sur l’île. Là, elle était seule, et elle se laissa aller, les paroles qu’elle-même avait prononcé tournant en boucle dans sa tête. Sa vie et ses rêves venaient de franchir un point de non retour. Brisés et laissés à geler dans le froid, ses rêves n’avaient plus le moindre sens.
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:42

Chapitre 4 : Je ne peux pas t'aimer.



Devant l’autel, Möjra prit son souffle. Elle posa la petite plaque d’ardoise, et croisant les bras sur la poitrine en signe de prière, elle projeta l’image de son petit frère endormi sur la roche, qu’elle avait enduite d’ithylium au préalable. Elle avait des choses à dire, beaucoup. Et peinait à croire qu’elle allait réellement le faire. Une larme perla, et gela presque instantanément sur son visage.

«Peottre, je… Je crois que nous ne jouerons jamais aux boules de neige ensemble. Aujourd’hui, on doit probablement t’enseigner les valeurs sacrées Erfeydiennes, et tu partages ton âme avec notre dieu protecteur. Tu ne te souviens probablement pas de moi, ni même de nos parents. Si tu savais à quel point ils étaient fiers, le jour où Aghazar décida de t’emmener avec lui… Le Gardien nous avait fait le plus grand honneur qu’il était possible de recevoir pour une petite famille de la peuplade comme nous. Moi, j’étais triste, mais finalement, je me suis dit que j’aurais juste à attendre un peu plus avant de te remplir la tronche de boules de neiges. Je suis la meilleure lanceuse de l’île, nabot.

Elle reprit son souffle, puis continua, bien plus sérieuse.

Celui que nous servons laisse faire des choses en son nom que je n’aurais pas cru possible. Pas de la part d’hommes que je pensais connaître, avec qui j’ai partagé des centaines de chopes d’hydromel, et pour un ou deux d’entre eux, la couche. J’ai vu chez eux un aspect si monstrueux, que je ne peux même plus les regarder en face sans avoir envie de les tuer. Ils ont massacré des enfants aussi jeunes que toi, et… je ne préfère pas te raconter le reste. J’ai fait serment de te défendre, car tu es également notre protecteur, toi l’Oracle. Enfin, tu le seras officiellement bientôt j’imagine… Je sais pas comment ce foutoir fonctionne chez vous, tant que tu es heureux ça me convient. Je devais être celle qui conduirait des hommes en ton honneur, qui défendrait l’île contre quiconque menaçait ses habitants ou le Gardien lui-même. La foi que j’avais était ma ligne de conduite, l’espoir qu’un jour, je serais à nouveau près de toi, à te défendre contre tous les dangers. Les Thiasgasthorn auraient été connus sur toute l’île. Peottre Thiasgasthorn, Oracle le plus fort des Erfeydes, et Möjra Thiasgasthorn, meilleur bretteur de son temps et fervente défenseur des traditions millénaires.

Ca ne sera pas possible, petit frère. Je sais que les déserteurs sont des criminels, qui ont renié le Gardien, et toi aussi par conséquent. Mais ces hommes et femmes que j’ai vu, ils n’avaient rien demandé à personne. On les avait condamné à l’exil, mais je ne peux pas dire pourquoi. Personne ne le pourrait à part ceux qui ont prononcé l’horrible sentence. Ces enfants n’avaient aucune raison d’être considéré comme des animaux. Rassure-toi petit, je ne défends pas les criminels. Que le Gardien m’en soit témoin, jamais je ne tendrai la main à l’assassin ou au violeur. Les fautes doivent être punies. Mais comment reprocher à ces gamins et à leur mère d’avoir renoncé à leur dieu, quand on voit ce qu’on peut commettre pour lui ? Je n’ai pas été éduquée dans la sauvagerie. Je remercie chaque jour le Gardien de me permettre de vivre une journée de plus. Je respecte les émissaires, ne manque jamais de leur apporter des offrandes. Mais c’est terminé. Je suis incapable de te protéger, petit frère.

Ne t’en fais pas, ta soeur ne changera pas. Je deviendrai le meilleur bretteur de l’île, et je tisserai toujours mes rêves comme il se doit. Toi, tu seras protégé par une armée d’hommes, de femmes, d’enfants, qui donneront gracieusement leur vie à l’Oracle et au Gardien qui l’habite. Tu garderas ta place dans mon coeur, mais je serais indigne de l’éducation de papa et de Bjersson si je me comportais comme des monstres de la trempe d’Ölof. Je ne suis qu’une femme, il ne m’appartient pas de juger de la vie ou de la mort de qui que ce soit. Tu ne te souviendras pas de moi, et cela vaut mieux ainsi. Avec un peu de chances, on me croira morte, au village, d’ici peu. Notre nom ne résonnera que dans les bouches qui parleront de toi. Moi je ne peux pas rester, je ne suis pas assez forte pour te protéger comme il faudrait que je le fasse.

Beaucoup des hommes que ton hôte a estimé indigne de le servir sont dans le besoin, ou ont à peine l’âge de marcher. Si ma lame et mon lien peuvent être d’une quelconque utilité, alors je les aiderai. Il est hors de question que de pareilles tueries continuent. Que les guerres claniques fassent des milliers de morts, je m’en moque bien, cela fait des siècles que c’est ainsi, et à moins d’une catastrophe il en sera toujours ainsi. Mais je ne peux pas tolérer le sacrifice brutal d’enfants et de femmes sans défense en guise de châtiment divin. Et ils ne font pas que les tuer, petit frère, ils leur retirent jusqu’à l’humanité.

Quand tu seras grand j’espère que tu ne seras pas comme eux. Nous seront ennemis, Peottre, et je crois que jamais je n’aurais imaginé en arriver là. On ne me laisse que très peu de choix, et bientôt Bjersson ne sera plus là pour prendre ma défense. Je me connais, et je sais que j’finirai par faire une connerie. Avant que cela arrive, je tiens à te dire ces derniers mots. Une fois que j’aurai définitivement quitté le village, je ne penserai plus à toi. Je ne prononcerai ton nom ni en paroles ni en pensées. Pour que ceux qui le prononcent ne soient que ceux qui te servent avec honneur. Moi, j’estime que mon honneur est bien ailleurs. Ma vraie famille c’est Bjersson. Et il n’en a plus pour longtemps. Erin aussi. Quand ils seront partis, plus rien ne me retiendra ici.

Le visage de Möjra devint dur comme le roc quand elle prononça sa dernière tirade. Elle la savait irrévocable.

Oracle Peottre, né Thiasgasthorn, que le Gardien te protège. Je t’annonce dès maintenant que moi, Möjra la Tisse-Rêve, meilleur lanceuse de boule de neige de l’île, bretteur hors pair, éleveuse de Jölgalt puis éclaireur, née Thiasgasthorn, me fait aujourd’hui, devant la pierre et la glace, renégate. Le prix de la vengeance sera réclamé bientôt, et une fois que le sang aura coulé, je n’existerai plus. Je te trahis, Oracle Peottre Thiasgasthorn, et je le fais pour empêcher d’autres petits frères de succomber aux infâmes coups de marteau des fanatiques aveugles. Si mon dieu laisse faire ça sans même réagir, et si tu dois lui servir d’hôte, je préfère vous renier l’un comme l’autre.

Elle sentit un poids considérable quitter son corps, comme si elle portait un tas de roches depuis plusieurs jours. Elle souffla, puis reposa les mains sur ses genoux, et récupéra l’ithylium sur la plaque.

Adieu.»

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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:45

Chapitre 5 : Je ne respecte qu'une chose : la Vie.



Elle nettoya ses mains à l’aide de l’eau qu’elle créa à partir des quatre fioles qu’elle possédait. Dont celle dépouillée sur Ölof. Elle avait la peau tâchée de sang et de terre. La terre parce qu’elle avait passé des heures à creuser, à l’épée et à l’aide de ses doigts, le sol tendre, et de sang parce qu’elle n’avait cessé de le faire que lorsque les trois petites fosses avaient atteint la taille et la profondeur qu’elle souhaitait.

Elle était revenue dans la forêt, à l’endroit où ils avaient laissé pourrir les corps des déserteurs lors de la tuerie. Les corps avaient déjà été nettoyé par les charognards et les insectes, mais les os, eux, étaient toujours présents. Et ils méritaient une sépulture. Pas de drap blanc ni de prières pour eux. A quoi cela aurait-il servi ? Ils avaient de toute façon perdu la bénédiction du Gardien. Elle chanta, cependant, un long moment.

Elle ne savait pas ce qu’elle allait faire, désormais. S’installer quelque part, dissimulée, et accueillir les déserteurs, comme elle désormais, et les protéger comme un garde du corps ? Ou parcourir l’île et apporter son aide à ceux qui en avaient besoin ? Elle ne savait pas. Il n’était pas si simple de débusquer les renégats, ils faisaient tout pour être et rester invisibles. Quand on voyait ce qui leur arrivait quand ils se faisaient pincer… On ne pouvait que les comprendre.

Un bruit droit devant elle, sous le couvert des arbres, l’alerta. Elle se releva prestement pour aller voir ce que c’était, mais un choc violent à l’arrière du crâne la sonna au point qu’elle en perdit conscience. Quand elle reprit conscience, elle et ses agresseurs étaient profondément enfoncés dans les sous-bois. Le soleil était au zénith, et pourtant il faisait incroyablement sombre. Son épée et son ithylium lui avaient été retirés, tout comme son manteau, posé un peu plus loin. Elle était attachée à un arbre, en simple tenue de cuir. Il faisait vraiment très froid. Son réveil n’échappa pas à celui qui était le plus proche d’elle. Elle ouvrit la bouche pour demander pourquoi ils l’avaient assommée et ligotée alors qu’elle était seule, mais un coup de poing en travers de la mâchoire la dissuada de continuer. Visiblement, ils la prenaient pour une femme de la peuplade. Elle laissa retomber son menton contre sa poitrine et resta muette. S’ils avaient l’intention de la tuer, qu’ils le fassent vite.

***


Cela faisait déjà deux jours et deux nuits qu’elle était ligotée là. Elle avait pu voir chacun des visages des déserteurs qui composaient le groupe. Un ou deux enfants, deux femmes, et cinq hommes. C’étaient ces hommes là qui l’avaient assommée dans la forêt un peu plus tôt. Ils n’avaient pas vraiment l’air de durs à cuire, avait constaté Möjra. Celui qui la battait régulièrement (environ toutes les deux heures) avait une sacrée surcharge pondérale malgré ses mains comme des battoirs, et les autres avaient plus l’air d’éleveurs de bestiaux que de soldats. Par les enfers, songea Möjra, combien étaient-ils, simples hommes obligés de parcourir le pays pour sauver leur peau ?

Quand on la battait, elle ne disait rien, n’essayait pas de résister. Leur colère était logique après tout. Elle même avait le sang de plusieurs déserteurs sur les mains. Mains qu’elle ne sentait plus. Tout comme ses jambes, le froid les engourdissait. Le sang formait des croûtes noirâtres au coin de ses lèvres et sur sa poitrine, là où il avait coulé. Ses cheveux blond-roux étaient si sales qu’on les eut crus bruns, et ses yeux d’azur avaient perdu tout éclat. Elle était très mal en point, mais gardait tout de même l’espoir que l’un d’entre eux finisse par lui adresser la parole. On ne l’avait pas nourrie, ni donné à boire. Elle profitait du dégel du givre au petit matin pour capter d’un coup de langue les quelques gouttes qui tombaient des branches au dessus d’elle.

«Ton nom.»

Sa nuque émit un craquement sinistre quand elle releva une tête trop souvent baissée vers celui qui lui adressait la parole. Elle l’avait identifié comme le chef du petit groupe. Ils l’appelaient tous “Vol”, ou peut-être “Wol”, elle n’avait pas saisi les nuances. Elle essaya de parler, un oeil clos (il était tellement boursouflé qu’ouvert ou fermé, cela ne faisait aucune différence), mais aucun son ne sortit de  sa bouche. Elle avait l’impression que sa gorge s’était changée en sable. Vol fit signe à l’une des femmes de lui donner un peu d’eau. Elle reçut ainsi quelques gorgées d’une outre, et le regard acéré de Möjra comprit vite qu’elle avait peut-être une chance de s’en tirer. Si les hommes ne rataient jamais une occasion de la passer à tabac, les femmes ne semblaient pas d’accord avec le traitement qu’elle subissait. Son regard était très clair à ce sujet, de même que la délicatesse dont elle faisait preuve, pour éviter que Möjra ne s’étouffe.

«… Je… Möjra. M-Möjra la Tisse-Rêve.

— Qu’est-ce qu’une femme des villages faisait dans la forêt ? Seule, en plus. Réponds moi sans mentir, Möjra la Tisse-Rêve.

— J’étais venue réparer une inj… une injustice.»

Un signe de tête de Vol, et elle reçut un puissant coup de pied dans les côtes. La douleur lui coupa le souffle. Ils avaient du en fêler quelques unes ces dernieres heures, et cette fois, l’une d’entre elle avait du se rompre. Elle grimaça et gémit de douleur, mais ne quitta pas Vol des yeux.

— Je ne mens pas.

Elle reprit son souffle, saccadé et rauque, puis explicita :

— Il y a deux mois et demi, environ… Une expédition a été envoyée, à la poursuite de criminels en fuite, qui avaient pillé une caravane, et massacré des villageois. N-Nous avons trouvé des déserteurs à l”endroit où vous m’avez capturée. Je ne savais pas qu’il y avait une femme et des enfants… »

Vol s’accroupit face à elle, les yeux plissés et l’iris irradiant littéralement la fureur.

«Oh que oui. Une femme, et deux enfants. Ma femme, Nÿlsund, et mes deux fils. Daeþ avait neuf ans et demi. Elrik avait fêté son seizième anniversaire la veille. Et nos éclaireurs, qui les pistaient pendant qu’ils cueillaient des herbes, ont distinctement vu cet immonde porc abattre le sang de mon sang. Ensuite, m’a t il raconté, le gros Porc et chacun des hommes présents se sont faits plaisir avec ma femme, juste avant de lui trancher la tête. Mes éclaireurs ont bonne mémoire, Möjra. Excellente, même. Ils ont retenu le visage de chacun des villageois présents. De chacun d’eux.»

L’oeil valide de Möjra s’écarquilla, et la douleur lui serra l’estomac. Elle le savait, il s’agissait juste d’une famille. Vu leur nombre, ils n’auraient pas tenu tête aux Erfeydiens qui étaient venus les massacrer, c’était une évidence. Leurs armes étaient tâchées de rouilles, il n’avaient aucune armure, et la privation les avait affaibli. Ils avaient été contraint d’assister au massacre des quelques hommes qui accompagnaient la femme et ses enfants. Et si elle se retrouvait là, battue et entravée, c’est parce qu’ils l’avaient vue là bas. Ils savaient qui elle était. Ses espoirs de survie partirent en fumée. Ils ne la laisseraient pas repartir du camp vivante. Elle l’avait appris au cours de sa vie : le prix du sang devait toujours être payé, et il l’était toujours.

La honte lui réchauffa les joues et lui pinça le coeur. Elle baissa la tête en signe de rémission.

«Je n’ai pas d’excuse. Faites ce que vous voulez, j’accepte mon châtiment. Je n’ai pas été capable de les défendre.

— De les défendre ? Toi et ton peuple nous traitez comme moins que rien. Nous exécuter comme du bétail c’est de la routine pour vous, qu’est-ce qu’une femme vivant bien au chaud dans sa maison gagnerait à sauver le moindre d’entre nous ?»

Blessée, en colère, elle releva la tête, et grogna d’une voix sifflante :

«Je déteste peut-être les criminels, j’en ai peut-être abattus certains d’entre vous, mais je ne tolérerais jamais que l’on fasse du mal à des gosses ou à une femme sans armes. Je préférerais cent fois mourir.

Vol se releva, lâchant un soupir bref de colère, et se détourna d’elle.

— Que tu le tolères ou non, tu étais là et c’est pourtant arrivé.»

Elle s’attendait à ce qu’il prononce la sentence de mort, mais au lieu de ça, tous s’éloignèrent. Ils avaient tous des tâches à accomplir. Elle les observait attentivement, et voyait que plusieurs d’entre eux l’observaient. Oh, pas directement, bien sûr. Mais quand un brindille craquait dans la forêt, leur regard glissait vers la source du bruit en s’attardant un peu trop longtemps sur l’endroit où elle était attaché. Quelqu’un croyait bon de ramasser des branches pour faire du feu tout près d’elle. Même si lesdites branches étaient complètement vertes et gorgées d’humidité. Elle avait été totalement sincère en racontant ce qu’il s’était passé à Vol. Tous l’avaient entendue. Il n’y avait aucune trace de mépris dans sa voix quand elle s’adressait à eux, et on sentait la honte poindre à chaque mot comme un poignard.

***

Les coups s’étaient espacés. Comme s’ils se lassaient de la battre comme un vulgaire fétu de paille. Elle ne répondait pas aux coups et ne protestait jamais. Ne demandait pas à ce qu’on la nourrisse, ni à ce qu’on la fasse boire. Cinq jours qu’elle était là, et depuis que Vol s’était adressée à elle, plus un seul son n’était sorti de sa bouche. Elle sentait ses plaies les plus anciennes commencer à cicatriser, lentement mais sûrement. Elle priait pour qu’il n’y ait pas d’infections. Car quitte à mourir, elle préférait que ce soit Vol ou un autre qui la tue. Mais pas une stupide maladie.

Contre toute attente, elle eut l’occasion de prouver sa bonne volonté pendant l’après midi. Vol et trois des hommes qui l’accompagnaient étaient partis en reconnaissance, afin de surveiller les alentours en cas de présence d’erfeydiens non désirée. Cela faisait un peu plus d’une heure qu’ils étaient partis. Ils avaient laissé un homme au camp pour surveiller Möjra. Il ne disait rien, lui jetait de temps à autres un regard indéchiffrable, puis observait les enfants tailler des flèches,  trier les fruits qu’ils avaient cueillis, ou simplement discuter avec les deux femmes.

Un hurlement retentit. Puis un deuxième. Et encore d’autres. Chacun venait d’une direction différente, et les bruits dans les fourrés autour du campement se rapprochèrent peu à peu. Möjra pesta mentalement. Une meute de Lupiens des forêts ! Elle avait plusieurs fois eu l’occasion d’en chasser, ces sales bêtes étaient vicieuses, et cette partie de la forêt devait être leur territoire s’ils se montraient aussi téméraires. L’homme qui la surveillait ramassa ses armes, une hachette et une targe en bois, et essaya de deviner leur position. Quand ils se révélèrent, Möjra comprit qu’ils n’étaient pas du tout téméraires. Ils étaient plus d’une dizaine. Ils n’avaient aucune chance. Elle faillit s’étrangler en essayant de parler.

«Libère-moi ! Ils sont trop nombreux et t’es le seul armé, libère moi et je vous filerai un coup de main ! Je t’en prie !»

Hébété et tournant sur lui-même en essayant de tous les avoir dans son champ de vision, l’homme ne répondit pas. Elle le savait, il n’était pas un combattant. La panique gagnait son regard, et il perdait tous ses moyens. Les femmes avaient été réactives : les gamins étaient dans une petite tente en peau de chevrin, et elles gardaient l’entrée. Constatant la difficulté de la situation, et le manque cruel d’initiative du seul homme présent, l’une d’elle courut au travers du camp, droit vers Möjra. Elle prit l’épée de Möjra, qu’elle eut d’ailleurs du mal à soulever vu la taille, et sectionna prestement les liens de la Tisse-Rêve. Elle lui taillada involontairement le poignet, mais malgré l’abondance de sang, ça n’était pas profond.

Elle dut s’y prendre à trois fois pour tenir sur ses jambes, et le manque de nourriture fit tourner sa tête. Cependant, elle ne se laissa pas faire par les tourments de sa chair, et fonça aussi vite qu’elle le put aux côtés de l’homme qui tentait déjà de repousser les lupiens. Très maladroitement.

«Femmes ! Dans mon manteau, il y a des couteaux. Prenez-les et défendez vous avec le temps qu’on en finisse avec ceux-là. Attendez qu’ils sautent, ils sont vulnérables en l’air. Plantez leur sous le menton ! Toi, prends ceux-là, je m’occupe des autres.»

Quand Vol revint, il découvrit un camp en désordre, une prisonnière libérée en train de nettoyer son épée, couverte de griffures, et tout le monde assis en train de reprendre son souffle. A part quelques égratignures, traces de dents et de griffe, ils étaient tous saufs. La Tisse-Rêve se leva, et épée en main se dirigea vers le chef de camp. Ses hommes levèrent leurs armes pour rien. Elle planta sèchement son épée dans le sol, et le fixa, ses yeux perçants fixés sur ceux de Vol.

«Tiens. Tu peux me rattacher, je ne résisterai pas.»

Vol l’observa un long moment, puis fit le tour du camp. Il parla à voix basse avec l’homme avec qui elle s’était battu, il parla aux femmes et réconforta les enfants. Ses hommes restaient méfiants, leurs armes en main, mais ne savaient plus trop quoi en faire. Möjra ne les lâcha pas des yeux, et aucun d’entre eux n’arriva à soutenir son regard plus d’une dizaine de secondes.

Finalement, Vol reprit la parole :

«Möjra la Tisse-Rêve, mes hommes et moi n’avons vu personne pendant notre ronde, mais avons distinctement entendu les hurlements des Lupiens. Ces hurlements ont fait fuir quelques chevrins, nous avons un peu trop de viande pour nous seuls. Viens manger.»

Möjra apprit quelque chose de très important ce jour-là. Que peu importe ce qu’on disait d’un homme, ce qu’il avait fait ou ce qu’il avait ou non mérité, sa qualité ne dépendait pas du tout de la faction, du camp, de ses idées. Un homme pouvait être un héros de guerre et être la pire engeance qui soit. Alors que d’autres, privés de leur humanité aux yeux de tous, étaient fondamentalement bons. La colère pouvait provoquer des comportements haineux, sauvages, et la vengeance était un chemin direct et rapide vers la folie. Mais ça n’était pas la nature de l’homme qui venait de la remercier par son invitation, et de lui rendre sa liberté. Il était profondément blessé, et devant le danger potentiel que représentait une femme de la peuplade, avait fait la première chose qui lui était passé par la tête. Il savait cependant reconnaître la sincérité, la bonté, lui-même étant aussi juste et bon qu’Ölof avait été monstrueux. Ces qualités là étaient celles des Hänek. Möjra songea avec un sourire qu’il était particulièrement cocasse de retrouver ces qualités chez un déserteur.  
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:48

Chapitre 6 : Sens-tu cette épine dans ton pied ?



La vie d’un déserteur, Möjra le constata rapidement, est jonchée de pertes, de rencontres, de terreur et de mouvements. Ne pas pouvoir rester trop longtemps au même endroit, apprendre des semaines après la mort d’un de leurs compagnons… La mort de Vol avait été particulièrement difficile à encaisser. Après sa libération, Möjra s’était faite la promesse de rester avec eux aussi longtemps que possible. Les hommes et les femmes avaient besoin d’apprendre à se battre mieux qu’en agitant des branches pourries. Vol la comprenait, et approuvait l’initiative.

Elle jouait également son rôle d’éclaireur avec une redoutable efficacité. Grâce à son expérience à la chasse et en reconnaissance, couplée à son lien, elle pouvait faire éviter de sacrés ennuis au petit groupe. Au bout de quelques mois, elle faisait presque partie de la famille. Les liens qui soudaient un groupe comme celui là étaient, finalement, les mêmes que ceux qu’elle avait pu avoir avec Erin, Bertha, Keiþ, ou même Bjersson. Ils s’aimaient et se protégeaient les uns les autres. Cela renforça sa colère envers le Gardien, les Erfeydiens.

Vol et elle étaient justement partis en éclaireur au moment du drame. Ils n’avaient pas été assez vigilants, et un groupe de chasseurs leur étaient tombés dessus. A ce moment là, ils étaient basés sur les contreforts des Monts Encerclés. Le groupe les avait surpris. Et la fuite était la seule option. Ca n’allait pas être facile : eux avaient des montures, pas Möjra et Vol. Ils cavalèrent un moment aussi vite qu’ils le purent, zigzaguant entre les buissons, les bosquets de pins nains, pour semer leurs poursuivants. La course stoppa net quand Vol eut la cuisse transpercé par une flèche à pointe d’acier. Ils essayèrent de courir encore, Möjra supportant le poids de Vol pour l’aider à avancer, mais c’était peine perdue. Ils arrivaient. Et arrivaient vite. Vol repoussa sèchement la jeune femme, et lui ordonna de retourner au camp, et de filer avec tout le monde. S’ils avançaient suffisamment vite, ils pourraient atteindre les Cimes Hérissées. Peut-être durant la nuit ou au petit matin. Dans la forêt, malgré le nombre de villages en lisière de celle-ci, ils avaient leurs chances. La Tisse Rêve devait y retourner, pour protéger les hommes et femmes du clan. Un bébé était né trois jours auparavant, le groupe grandissait (ils étaient dix maintenant). Ces fuites incessantes, ces patrouilles, ces vols de nuit, tout ça ne devait pas être vain. Et Möjra était celle qui se battait le mieux, et dont l’esprit était le plus vif. Qu’elle file avant qu’il lui foute son pied au cul.

***

Elle eut maintes fois l’occasion de constater la bêtise suprême de ses semblables. Anciens semblables, plutôt. Elle adorait son pays. La neige et le froid mordant, tout ceci faisait partie d’un patrimoine trop précieux pour qu’elle le dénigre. En revanche, ceux qui y vivaient…

Âgée de vingt-huit ans (année 300), Möjra était une femme vigoureuse, qui n’avait rien perdu de la verve de ses jeunes années. Désormais, cette verve se teintait peu à peu de la sagesse et de l’attitude posée qu’avaient les parents avec leurs enfants. Le petit groupe qu’elle dirigeait avait bien changé. Certains étaient partis, et la plupart des enfants étaient allés tenter l’épreuve du  Labyrinthe. La vie de fugitif ne leur allait pas, et Möjra, malgré ses réticences, pensait avant tout à leur bien être. C’était déchirant de se séparer d’eux, mais elle ne pouvait que les encourager à vouloir le meilleur pour eux-mêmes. Ils n’étaient plus que cinq. Deux de ses anciens geôliers, elle, et les deux femmes qui étaient là le jour de sa capture. Ils l’appelaient la Petite Mère. Parce que tous étaient plus grands qu’elle, et parce qu’elle agissait exactement comme telle avec ses quatres compagnons. Sûrement pas comme une mère poule, ça non. Mais ils avaient toute son affection, et elle faisait attention au moindre détail pour qu’ils se sentent au mieux. Ils avaient tous subi bien trop de pertes, ces petits instants de conforts et de bonheur étaient pour eux des trésors sans prix. Et “Petite Mère” car elle était probablement la plus jeune du groupe.

Quelques jours plus tôt, ils avaient rejoint un groupe un peu plus massif que le leur, lui aussi voué à l’errance. Mais on sentait dans leurs actions une volonté qui allait au delà de la simple survie. Ils voulaient plus. Et ça n’était pas que la vengeance qui guidait leurs gestes. Elle s’entendit immédiatement avec le meneur. Droit, brave, soucieux de ses semblables, ils partageaient un grand nombre de points communs. Elle eut, en le rencontrant, la vision fugitive de Bjersson, qui aurait probablement adoré cet homme s’il n’avait pas été un renégat. Car Bjersson était un homme sage, mais les enseignements ancestraux étaient profondément ancrés en lui.

Elle fit de cet homme un modèle. Son premier exemple avait été Bjersson l’Estropié, râleur et incontrôlable, qui était pourtant adoré par tous ceux qui le connaissaient. Bien après sa mort, ce fut au tour de Vol, un homme d’une incroyable bonté et d’un courage sans limite, qui lui servit d’exemple. Aujourd’hui, elle trouvait en un homme les véritables qualités d’un leader, et les compétences militaires qui allaient avec. Quant aux autres membres de ce groupe… Ils paraissaient tous motivés. Certains avaient renié le Gardien, d’autres étaient là par pure injustice, mais tous étaient soudés. Finalement, c’était pas si éloigné d’un clan, constata-t’elle. A la différence près qu’il ne massacrait pas les Erfeydiens par pur plaisir. Ils n’étaient pas tendre quand il s’agissait de se défendre, et Möjra approuvait cette qualité. En six ans, elle en avait vu défiler sur le fil de son épée. Elle détestait ça, mais la survie avant tout. S’il fallait tuer pour rester en vie… soit. Elle s’arrangeait juste pour épargner la vue du sang aux plus jeunes, et essayait dans la mesure du possible d’être la seul à avoir la tâche ingrate d’ôter la vie. Elle l’avait dit clairement. Que le Gardien les ait abandonnés ou non, il y avait une chose à retenir : peu importe la personne, la vie était à respecter avant tout. L’ôter ne devait être que le dernier recours.

***

Ce nouveau groupe nés de la fusion de deux plus anciens évolua, s’organisa, voyant arriver de nouveaux déserteurs autant qu’il en voyait partir pour tenter de réintégrer la vie Erfeydienne. Möjra gagnait de plus en plus d’importance. Elle n’était pas si grande, et restait svelte pour sa taille. Elle ne surpassait clairement pas les hommes sur le point de la force. Mais sa présence était si forte qu’on l’écoutait toujours quand elle parlait. Ses réflexions étaient pertinentes, et son esprit acéré s’étoffait avec le temps. Elle devint belle femme, malgré les cicatrices nombreuses qui ornaient corps et visage, mais ne cherchait pas à les dissimuler. Pas par fierté, mais par droiture. Ces marques faisaient qui elle était autant que son nom. Elle restait une Thiasgasthorn. Et si elle n’employait plus ce nom depuis bien des années, elle n’avait pas oublié ce qu’elle devait à son père et à Bjersson. Quelques fois encore, il lui arrivait de penser à son frère. Il devait être devenu un sacré jeune homme, maintenant. Mais c’étaient des pensées de reproche qu’elle lui adressait. Car pas une fois elle vit le comportement des Erfeydiens changer à l’égard des renégats qu’ils étaient. Et encore, toujours, c’est par le sang que se réglaient les différends entre les hommes de la peuplade et les “impies”, les “déchets”. Plus le temps passait, et plus elle constatait qu’ils n’avaient plus leur place ici. Cette seule pensée était douloureuse, et pourtant, elle était tellement réaliste ! Ils n’avaient aucune terre d’accueil, nulle autre refuge que l’ombre et le silence. Le meneur du groupe semblait lui aussi gagné par cette idée. Que pouvaient-ils espérer d’autre qu’une survie tout à fait aléatoire ? Outre les animaux sauvages qui étaient une menace en soi, ils avaient au dessus de la tête une épée de damoclès qui ne les quittait pas un seul instant. Si par malheur une cohorte leur tombait dessus, c’était la fin. Ils savaient certes se battre, pour la plupart, mais ils avaient femmes et enfants parmi eux, alors que ceux qui se mouvaient en dehors des murs de leurs villages étaient généralement des hommes en armes partis chasser ou combattre les factions et clans adverses. Le rapport de forces était bien trop déséquilibré.

***

Le groupe qu’elle avait pratiquement vu naître évolua, se modifia. L’homme qu’elle admirait fut tué au combat, marquant le début d’une nouvelle ère. Elle le pleura longtemps. Il avait été aussi bon que Vol, et aussi malin et perspicace que l’était Bjersson dans ses bonnes années. Ce fut un de ses proches, Zötmadar, qui prit le commandement des murmures. Möjra lui avait expressément interdit de la nommer chef de quoi que ce soit. Elle s’occupait des déserteurs, surtout des enfants, servait d’éclaireur, et les défendait en cas d’embuscade. C’était déjà bien assez pour elle.

Et elle ne changea absolument pas d’attitude, servant avec la même droiture Zötmadar et Elijah. A l’instar d’un clan, ils possédaient un nom. Qu’elle aimait beaucoup. Il la renvoyait toujours au même souvenir : Les longues soirées passer à discuter, sous le couvert des arbres, avec sa nouvelle famille. Surtout avec Vol. Des rêves chuchotés, des espoirs murmurés. Oui, des murmures dans la sylve qui les protégeait et les cachait. Möjra approuvait totalement.

Elle était cependant nettement moins proche de Zötmadar qu’elle l’avait été du premier chef de ceux qui étaient désormais connus sous le nom des Murmures de la Sylve. Ainsi, quand elle ne s’occupait pas des autres, apprendre aux plus jeunes à se battre, leur apprendre à peindre aussi, ou à effacer leurs traces quand ils partaient cueillir des fruits ou chasser, elle devenait le pire cancer qu’un Erfeydien puisse avoir sous les yeux. La créativité de son lien servait très bien pour se défendre. Car quand ils commençaient à perdre l’avantage en combat, les rêves tissés par Möjra faisaient des merveilles. Des arbres poussaient entre eux et leurs agresseurs, des flammes surgissaient de nulle part… S’ils avaient continué à avancer, ils auraient remarqué que ces mirages n’étaient que de l’eau reflétant la lumière du jour à leur manière, mais se retrouver face à un Wédo furieux, même silencieux, pouvait faire son effet. Et quand le rêve disparaissait, ils avaient tous disparus. La Tisse-Rêve commença à se faire un nom, même chez l’ennemi. Avec elle, les déserteurs étaient en sécurité.
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 12:49

Chapitre 7 : La Tisseuse de Rêves Murmurants



L’ambition de Zötmadar et Elijah la laissa sans voix. Réellement, ce qu’elle avait sous les yeux la laissait pétrifiée de stupeur. Elle le savait : elle avait fait le bon choix. Les Erfeydiens n’avaient plus rien à lui apporter, alors que les déserteurs, les Murmures tout particulièrement si. Et elle était certaine d’avoir beaucoup à leur apporter. Même si, dans la majorité des personnes qu’elle cotoyait régulièrement, tous auraient dit qu’elle en faisait déjà largement assez. Peut-être trop. Mais malheureux aurait été celui qui aurait osé le lui dire. Ses remarques bien senties décourageaient généralement quiconque de lui tenir tête, et son caractère était réputé corrosif et particulièrement… piquant. Plus le temps passait, et plus elle ressemblait à Bjersson. S’ils l’avaient connu, les Murmures auraient trouvé cette ressemblance troublante, voire même effrayante.

Cependant, et malgré la bonne tournure que prenaient les évènements, un vent de panique se leva sur le groupe déserteur quand quasi simultanément, Elijah et Zötmadar disparurent, sans laisser de traces. Les recherches furent persistantes, difficiles, tenaces, mais pas moyen de remettre la main sur eux. Et pendant ce temps, les plans de Zötmadar patinaient. Ils n’avaient plus de chef. Elle avait beau avoir interdit au premier chef des murmures de lui donner plus de responsabilités qu’elle n’en avait déjà… Elle faisait partie des tous premiers membres, et avait largement les qualités requises pour porter sur ses épaules la vie de personnes qu’elle aimait toutes profondément, et pour lesquelles elle aurait consenti tous les sacrifices. Absolument tous. Lui arracher son accord fut un sacré combat, mais Möjra accepta de prendre la succession de Zötmadar, et de continuer son oeuvre. Elle ne le devait pas qu’à lui, qui leur avait offert un abri temporaire au coeur des montagnes,  et la promesse certaine d’un futur foyer, loin de la persécution, qui lui serait permanent. Cette idée la remplissait d’un espoir puissant, qu’elle n’avait pas ressenti depuis la naissance de son frère, et les rêves qu’elle s’était faite à son sujet. Ils devaient recueillir un maximum d’abandonnés. Ne pas les laisser sans famille, et leur éviter de tomber sur d’autres déserteurs qui eux seraient mal intentionnés. Et surtout, le pouvoir acquis récemment ne devait surtout rien changer à ce qu’elle était. Comme ils l’appelaient tous, Petite Mère, elle devait rester. Pour tous ceux qui s’étaient sacrifiés pour les Murmures, et en vertu de tout ce qu’elle avait appris depuis qu’elle était en âge de comprendre des mots et des gestes. Elle comprenait enfin réellement ce que Vol lui expliquait sous le couvert des arbres. Pourquoi lui, éleveur de bêtes, en était arrivé à braver tous les dangers pour une poignée d’hommes privés de tous leurs droits. Il était prêt à manier les armes et à mourir pour eux. Möjra était pareille. Il était parfaitement hors de question qu’une bande de cinglés, qu’ils viennent de l’île ou d’ailleurs, mettent en danger la liberté de sa famille, les Murmures. La vie devait être respectée peu importe qui l’on était. Et ça, un certain dieu aurait probablement besoin qu’on le lui rappelle à coup de pied aux fesses, croupe, ou peu importe ce qui lui servait d’arrière train.


PS : Mes plus plates excuses, chères administratrices What a Face
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 13:31

Oh super une nouvelle prés...
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Baon. Bah je sais ce que je vais faire de ma soirée Razz
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 13:32

D'ailleurs, Valerian te transmet son bon souvenir ! o/
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 15:22

Et je lui renvoie avec grand plaisir o/

Parce que là. Whoa. Whoa, whoa, whoa. Y'a rien d'autre qui me vient à l'esprit. J'adore ta façon d'écrire l'histoire de tes personnages plutôt que de la décrire sobrement. C'est long, mais c'est bon.

Et punaise, qu'elle est chouette Möjra. C'est dingue, elle est carrément charismatique alors que les Murmures, jusqu'à lors, m'en souciais à peu près autant que la paire de chaussette que j'ai mise ce matin en me levant.

Son histoire est simple après petite réflexion (et c'est pas un défaut, je précise), mais vu que tu passes du temps à expliquer son état d'esprit et la façon dont elle est arrivée à la tête des Murmures, j'y trouve une originalité que j'aurais pas soupçonné au début (franchement, le chapitre 2, une tuerie).

Je m'arrête là, mais y'a pas à dire, chapeau melon. Propre et frais. Vraiment hâte de savoir avec qui et ce que tu vas faire en RP avec parce que moi, je suis conquis !

:wou:
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 16 Mar 2015 - 15:30

Merci beaucoup Thothor, ça me fait vraiment plaisir, déjà que tu aies pris le temps de la lire, et ensuite que tu l'aies aimé !

J'avais pas envie d'un perso avec une histoire de malade qui se retrouve plus à la tête d'un groupe parce qu'il a des faits d'armes de dingue, je me suis dit que la meilleure façon pour le coup, c'était de gagner le respect par des qualités humaines, pas militaires. Et visiblement ça a marché \o/
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Mer 18 Mar 2015 - 5:27

Sûrement la meilleure de tes fiches que j'ai pu lire. La longueur de l'histoire peut faire peur, mais la narration est tellement bien foutue, le style tellement agréable que c'est juste aussi plaisant que de lire un bon bouquin. Pour ceux qui ont toujours peur, je peux confirmer que c'est mille fois plus digeste que la fiche de Valerian (qui reste quand même sacrément cool). Mais surtout, le personnage est ultra charismatique, toujours fidèle à lui même du début à la fin. Möjra est vraiment attachante, je vais galérer à pas laisser mon admiration trop déteindre sur le comportement de Fjölan. xD

(Si certains ont lu la Caverne de Glace Noire de J.V Jones, vous allez absolument kiffer What a Face )
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Jeu 19 Mar 2015 - 8:07

MDR Thorstein, j'ai eu la même réflexion xD

Et bien sueprbe fiche ! J'avais adoré Valerian et celle ci est superbe aussi. Même si c'est long, ça se lit très bien et rien que ça c'est agréable.
J'aime beaucoup ce perso, peut-être mon préféré dans le lot au final. J'ai hâte de faire un RP avec Peottre mouhahaha Soeurette ♥

Et puis faut qu'on voit avec Jens, Chil et Jord pour nos futurs rp hihi !

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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Dim 22 Mar 2015 - 7:29

FINI !

Bon sérieux Jaasau va falloir arrêter ses fiches trop longues quand même x) xD

Sinon, globalement c'est tout bon, jolie histoire et psychologie bien développée. J'aime bien ce personnage ^^

Il y a quelques trucs à revoir : concernant le dernier chapitre déjà, Elijah et Zot ne savaient pas qu'ils étaient frères. Elijah croit son frère mort et Zot a perdu la mémoire. Du coup personne le sait.
Pour le lien. Là c'est plus compliqué. J'aurai préféré que tu m'en parles avant quand même parce que tu as été très ambitieux avec cette idée. Techniquement c'est pas impossible mais ce qui me dérange c'est que la connaissance nécessaire soit maitrisée par des erfeydiens. Du coup, je vais pas te faire tout changer et je l'accepte mais ça serait quand même plus cohérent si elle avait réussi à maitriser cette technique plus tard. Si j'ai bonne mémoire, la première fois qu'elle a créé un mirage elle a 18 ans et pour moi c'est une technique de maitre ça, c'est très poussé. Elle a du s'y essayer pendant des années avant de parvenir à avoir un mirage mouvant.
Enfin, côté dialogue, au début ça marche bien mais pour les scènes de colère avec son père et tout (chapitre 3 je crois) j'ai eu l'impression d'avoir des pirates. C'est pas un gros problème mais fait attention à ça en RP. Essai de rendre le truc plus propre au monde erfeydien (au niveau des insultes etc) Smile

Voili voilou !
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Dim 22 Mar 2015 - 9:23

Pour Elijah et Zot je supprimerai les mentions "frères" ça sera vite fait, j'ai pas lu toutes les fiches ni tous les RP donc je pouvais pas trop savoir.

Pour ce qui est de son lien, même s'ils sont nazes question science ils sont les mieux placés pour observer des phénomènes d'optique entre l'eau et la lumière vu le climat de l'ile, mais je passerai le mirage de mouvant à statique, c'est nettement moins poussé.

Et pour les insultes là je sais pas comment corriger. 'Fin les insultes sont universelles, j'ai beau avoir littéralement rédigé la composition de la langue Erfeydienne, je la parle pas encore, je fais que donner une traduction française de jurons qui eux sont Erfeydiens XD d'où mon manque de compréhension ^^

Édit : pour les fiches longues tu peux courir pour que j'arrête, c'est de votre faute je te signale. 8D
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Dim 22 Mar 2015 - 11:09

Pouêt pouêt Loth !

Pour ce qui est des corrections, j'ai viré la mention à la fraternité de Zot et Elijah, et j'ai remplacé le passage où à ses 18 ans effectivement elle crée son premier rêve mouvant, l'apprentissage venant ensuite bien après de toute façon (effectivement, elle continue encore à s'entraîner pour les rendre plus réalistes, j'aurais du être plus précis).

Pour les insultes etc, je ferai attention à ce que j'écris en RP, même si je pige pas trop, de toute façon à 40 balais passés, elle est moins... crue qu'à ses vingt ans, même si elle râle beaucoup.

S'il y a d'autres trucs à faire dis-le moi !
Loth de la Vision
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Lun 23 Mar 2015 - 7:37

Ben pour les insultes, j'ai juste vraiment eu le sentiment de lire un pirate là. Tout le long, il y a de beaux discours et sermons et quand ils s'engueulent ben ça tranche dur, ça m'a fait tiquer. Après je te demande pas de corriger dans ta fiche mais wé en RP essai d'y penser, de rendre les erfeydiens vikings et non pirates (plus facile à dire qu'à faire /SBAFF/).

Merci pour les autres petites corrections, du coup je peux valider notre Ptite Mère ^^
Bon RP !
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Mar 24 Mar 2015 - 11:12

Au fait, j'ai oublié mais il faudrait que tu mettes bien l'année dans la date de naissance stp Wink
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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   - Mar 24 Mar 2015 - 14:04

Hop, c'est fait Jounette o/

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Posté dans Re: Möjra la Tisse-Rêve   -

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