Pyotr Datsiouk

« Être né Datsiouk est un honneur. Tout membre de cette famille doit respecter un nombre de règles afin de préserver l’intégrité et le respect de celle-ci. Tu ne feras jamais honte au nom que tu portes. Tu n’as ni le droit à l’échec, ni le droit de laisser quiconque te surpasser. En tout temps rappelle toi que ta vie est entièrement dédiée à ta famille et à ta patrie. »

- Maintenant cesse de te comporter en fillette.

Pyotr avait à peine neuf ans. Il tentait de contrôler ses sanglots, mais la marque sur son épaule le faisait souffrir. Elle était fraîche et le simple contact de l’air était douloureux. Il lui semblait qu’il ressentait encore le fer sur sa peau et il jeta un regard embué vers la tige de métal. Au bout, il voyait l’ancien emblème de sa maison (un D stylisé) qui serait à jamais graver dans sa chair. L’enfant serra les poings et s’obligea à prendre de grandes respirations afin de se calmer. Un Datsiouk ne pleure pas. Il voulait se montrer brave et fort comme son père. Il ne lui ferait pas honte. L’homme regarda dédaigneusement son fils un instant puis le laissa seul dans la pièce. À peine la porte refermée, le gamin se laissa glisser au sol à nouveau secouer de sanglots.

Ce fut la dernière fois qu’il pleura. En sortant de cette salle, Pyotr n’était plus un petit garçon chialeur. Il était le fils de Vigor Datsiouk pilote d’élite et futur colonel de la milice matroscienne. Son père serait fier de lui…

Et il ne le fut pas. Dès ses dix ans, l’enfant fut recruté par la milice pour débuter sa formation. Il suivait les traces du colonel avec brio. Son intelligence, ses réflexes, son instinct, sa discipline lui valurent la reconnaissance de ses condisciples. Durant cinq ans, le camp des recrues situé en bordure du désert fut sa maison. Il eut l’impression qu’il allait mourir une dizaine de fois, mais jamais on n’entendit se plaindre. Il était quasi irréprochable. À chacune de ses visites, le paternel daignait prendre de son temps et s’intéresser à son fils. Enfin, il faisait semblant d’être un bon père afin de montrer que même dans ce rayon, il était parfait. Toutefois seul à seul, il levait le nez à chaque bon mot qu’on lui faisait et rappelant que Pyotr n’avait rien de particulièrement exceptionnel sauf le fait d’être un Datsiouk.

La vie joua un mauvais tour à Vigor Datsiouk lorsqu’il le priva de ses plans. Son fils ne gradua jamais. Il ne devint jamais pilote d’élite, ni même simple pilote. Tout ça à cause d’un simple fruit : un avotius. Plusieurs au camp furent touchés par la Fièvre Bleue dont le fils du colonel.  Lèvres bleues, étourdissement, faiblesse, fièvre intense et perte de conscience ne furent que des moindres maux devant la colère de l’homme en apprenant la nouvelle. La faiblesse respiratoire développée par Pyotr à la suite de la maladie l’empêcherait de devenir pilote. La tradition familiale s’arrêterait avec son fils faiblard et chialeur.

On renvoya le garçon à Vuultu au près de sa famille. À peine arrivé en ville, le jeune homme rencontra son père afin de parler d’avenir. Jamais Pyotr ne s’était senti aussi peu désirer. Il prit siège devant lui et resta silencieux le temps que l’homme prenne la parole, mais ce dernier ne sembla pas vouloir parler.

- Papa… je suis désolé.
- Pyotr, fais moi le plaisir de ne rien dire. Je ne sais plus ce que je vais faire de toi. Nous sommes des pilotes d’élite. Rien d’autre, mais toi – il se leva pour se diriger vers la fenêtre – toi, tu ruines des générations de traditions. Il faut cependant que je trouve un autre domaine dans la milice où on t’acceptera dans ta condition.
- Je pourrais être  mécanicien. Je connais bien les speeders et leur fonctionnement.
- Ne soit pas ridicule. Tu es plus intelligent que ça. La Fièvre Bleue t’a-t-elle rendu bête? Non… Vu ton entraînement, la navigation serait toute désignée si ce n’était que tu seras sous l’ordre d’un de ses peureux capitaines. Je ne leur ferai pas le plaisir d’avoir sous leur commandement une personne de notre maison.
- Pourquoi pas ingénieur?

Jamais Pyotr n’avait vu son père rire autant. Ce fut un non catégorique lorsque ce dernier cessa de s’esclaffer et il chassa son fils du revers de la main. La demande du colonel de transférer son fils dans le corps des tireurs d’élite fut cependant refuser parce que «son état physique l’empêche d’effectué un effort prolongé le privant donc d’effectuer certaines missions ». Une décision des hautes instances ne tarda pas a arrivée et malgré les protestions du chef de famille, cette dernière était finale. À partir de maintenant, l’adolescent serait biologiste sous la direction du vieux Ghoerrer.

Dans le milieu de la recherche, le biologiste était un expert de la flore matroscienne. Toutefois, il s’était fait une réputation de rustre dans la milice. Aussi têtu qu’un draoma, il en faisait trop souvent à sa tête, mettant en danger les soldats qui l’accompagnait lors de ses expéditions. Il s’était prit d’affection pour le jeune Datsiouk et lui enseigna tout ce qu’il savait, pas seulement sur la biologie matroscienne. L’adolescent avait pour lui un immense respect au grand damne de son père. Lors d’une des ses jours de permission, ils se rencontrèrent à la maison. La haine que portait l’ancien pilote pour Ghoerrer était non équivoque. Il ne mâchait pas ses mots allant jusqu’à dire qu’il a une tête de papouff. En somme, rien pour plaire à Pyotr.

- Un peu de respect s’il te plait. Il reste mon supérieur.
- Tu n’es pas obligé de le défendre. Tu ne lui as pas juré allégeance. Savoir que tu es son assistant est déjà pénible. On le dit fou et ivrogne.
- Il ne l’est pas, dit le garçon entre ses dents avant de se lever et de se diriger vers la porte. Je dois retourner au laboratoire. Tu sauras que c’est un géni. Sur ce… Bonne fin de journée.  
- Rassis toi fils. Nous n’avons pas terminé – voyant que ce dernier ne lui obéissait pas il haussa le ton – Pyotr! Tu te rassois immédiatement. Soldat! C’est un ordre.

C’était la première fois qu’il ne l'écoutait pas. Ce ne fut pas la dernière. Depuis les trois dernières années, Ghoerrer et Pyotr passèrent la majorité de leur temps dans la forêt entourant Midel-Heim afin d’étudier les plantes médicinales et hallucinogènes qu’on y retrouvait. Jamais le jeune homme ne s’était senti aussi libre. Ce compte de fée perdura jusqu’à la mort de Ghoerrer. Quoiqu’il dise, l’âge l’avait rattrapé et il mourut à l’inverse de ce qu’avait été sa vie; calmement. Ainsi, il laissa la charge au jeune homme de continuer les recherches qu’il avait menées sa vie durant. Ce que Pyotr s’acharnait à faire depuis la disparition de son mentor.