Qu'Il guide mes pas selon sa volonté [Terminé]

Il fut un temps, Pleyrion. L’ancien Pleyrion.

Je ne peux m’enorgueillir d’avoir énormément de souvenirs de mon enfance. En effet, pour moi, les flammes que je vis à mon dixième anniversaire, alors que Pleyrion l’ancienne brûlait, furent comme un déclic.

Un déclic autant religieux que mental. J’y perdis mon enfance, mais j’y ai gagné tellement plus.

Outre une passion pour les flammes, même un lien, j’y ai aussi gagné une profonde dévotion envers le Gardien. Dans mon ignorance, je n’avais compris qu’il s’agissait simplement de l’action d’hommes, impies qui plus est. Dans mon esprit, il ne s’agissait que d’une chose : le Gardien, dans sa forme la plus pure. Notre village avait pêché, les villageois dont j’entendais les cris alors que les flammes léchaient leurs enveloppes charnelles jusqu’à les nettoyer de tout vice l’avaient mérité.

Oui, oui, ce n’était que la juste punition pour une vie faible, pour une vie d’impur. Les flammes me passionnèrent, tant et si bien que même si j’avais perdu mes parents, je ne cherchais guère après eux. Bien loin du village brûlant, je voyais les fuyards faire ce qu’ils avaient à faire : détaler face au Grand Œuvre du Gardien.

Les flammes, le brouhaha, la fumée me piquant les yeux, tout cela aurait dû me faire détourner le visage, pourtant, Oh seul toi, Gardien, sait à quel point cela a transformé ma vie.

Jusqu’à ce que mon père me retrouve, me soulève et décampe avec moi, je ne pouvais que difficilement détourner le regard des tourbillons de fumée émanant de ma précédente habitation, et de celles de toutes les autres familles, mortes ou vives à présent qui y avaient résidés.

Aaaah, mais quel doux souvenir.

Toujours maintenant, alors que j’arrivais au bout de mon apprentissage, alors que j’allais enfin obtenir mon premier piercing, celui d’Emissaire, j’y repensais. A nouveau, mes yeux étaient plongés dans les flammes. Mes flammes, je frottais consciencieusement l’ithylium entre mes deux mains, créant ainsi des flammes un peu au-dessus de mes mains, c’était un plaisir.

Ces années, dans les montagnes, en compagnie d’autres émissaires, s’étaient déroulés des fois dans la brutalité, des fois dans la contemplation, c’était particulier. J’en voyais le bout, j’allais pouvoir quitter les montagnes et retourner probablement à Pleyrion, là où tout a commencé. C’était il y a plus de dix ans à présent. A présent, qu’allais-je faire ? Prêcher, honorer, ce que je faisais en soi déjà au quotidien depuis des années dans les Montagnes.

Mais j’allais à présent le faire aussi pour les autres, pour mes parents probablement. Et pour toute personne qui m’écouterait.

Les autres ? Ils périraient.

Cette mentalité s’était renforcée, comme mon corps. Je n’avais certes pas l’allure de certains de mes compères, je n’étais point massif, ni spécialement musclé, mais j’étais sec et hargneux. La rigueur de la montagne, le froid et les divers efforts m’avaient rendu bien plus tenace que ce que je n’étais auparavant.

Après tout, pour être l’un des nombreux messagers du Gardien, c’était une nécessité. Il fallait que je sois fort, mentalement et physiquement pour lutter contre les impies.

Cette formation, je l’avais suivi à la lettre, parfois plus lentement que les autres, mais j’en sortirais, bientôt …

Quelques mois s’écoulèrent avant que je ne quitte effectivement les autres émissaires et la Pythie, je retournais à Pleyrion, remplir ma mission.

Quel ne fut pas mon effroi en rentrant chez moi, en retournant saluer mes parents, lorsque je compris ce qu’ils étaient devenus. Certes, ils se faisaient encore discret, mais c’était indiscutable, ils étaient impies. Ils ne comprenaient pas ma mission, ils ne pouvaient concevoir que je sois resté autant d’années auprès de mes instructeurs juste pour vénérer un Dieu.

Un Dieu ? Pas LE Dieu ? Était-ce possible ?

Vingt-deux ans, à peine ressorti d’un pur endoctrinement, sombrant dans un fanatisme dément envers le Gardien, je ne pouvais que faire la seule chose qui s’imposait à moi à l’époque. Je les ai dénoncés.

Ils étaient mes parents, ils étaient ma seule famille, ou du moins prétendument ma famille. Dorénavant, seul resterait les autres Emissaires. Ils furent tenus au courant de la chose, la traque dura plusieurs années, pratiquement cinq, mais on finit par les débusquer et sur mon ordre, non pas formel mais presque, en tant qu’émissaire du Gardien, ils furent massacrés, au nom de leur non-piété.

Au fond de moi, je fus tout de même troublé, tant et si bien qu’il me fallut plus d’un an, qu’il me fallut aussi plusieurs années pour finaliser mon antre, près de Pleyrion, plusieurs années de solitude, que très peu perturbé par d’autres adorateurs.

Mais à présent, ma trentième année, mon deuil qui ne pouvait en être réellement un fut fait, mon antre était finalisée. Les peintures étaient de ma conception, tout ce qui s’y trouvait était de ma conception, tout était mon œuvre et tout traduisait d’un fanatisme dément.

J’étais à présent prêt à faire mon retour à Pleyrion …