Histoire« Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours... »
… 17, 18, 19. J'arrive.
Le gamin se retourna et fila à toute vitesse à travers le palais. Le sourire aux lèvres, il entrait dans toutes les pièces sur son chemin sans égard pour l'intimité de leurs occupants. Sur son chemin, les cris des servants se faisaient entendre à chaque virage, à chaque porte ouverte, à chaque escalier, … manquant de renverser une femme les bras chargés de robe ou d'emboutir un cuisinier portant une marmite de soupe chaude. Mais qu'importe. Il avait une mission de la plus haute importance, et rien ni personne ne pourrait l'arrêter. D'ailleurs, vingt minutes étaient déjà passées depuis la fin de son compte à rebours. Vingt minutes et toujours aucune piste. Il avait vérifié la plupart des chambres, les cuisines et jeté un œil dans la majorité des salles de jeux et de repas. Quelque peu dans le doute, il continua de chercher sans plus de conviction. Il ne comprenait pas ce qu'il avait loupé. Une petite tape dans le dos l'interrompit dans ses réflexions.
Alors Kadvael, on arrive pas à me trouver ? Je crois bien que j'ai gagné. C'est quoi le score maintenant ?
Brune, les yeux malicieux, elle sortit de nulle part. Mesurant quelques centimètres de moins que le jeune homme, elle avait le même âge que lui : sept ans et demi. Elle faisait parti d'une famille importante de Matroos et ses parents séjournaient à Sant Poseinos pour un mois. Le temps de régler des affaires d'adulte avec les conseillers et le père de Kadvael. Ils avaient sympathisé rapidement comme le font les enfants d'un même âge sans se soucier du rang social ou d'un quelqu'un autre critère d'adulte. Surtout que le garçon était souvent seul ici. Cor était présent, c'est vrai. Mais en tant que successeur du gouverneur, son emploi du temps était rempli de charges et responsabilités pour tout apprendre de sa futur position.
J'suis sur que t'as triché. C'est impossible que tu gagne autant sans tricher.
Je vais te le dire combien il y a moi : 10 à 4. Une défaite totale pour le grand Kadvael.
La gamine prit la fuite à ces mots. Le blondinet lui emboîta le pas immédiatement en proférant des menaces plus fantaisistes les unes que les autres.
Cette grande récréation ne dura pas même un mois. Les parents de la jeune fille s'étaient rendus coupable de plusieurs fautes graves envers le gouverneur. Aujourd'hui, Kadvael ne se souvint plus quel fût leur châtiment ou leur tords et même du nom de cette jeune fille. Mais en tant qu'enfant, il en tira une chose : il découvrit la solitude inhérente à son rang. Les relations entre lui et les autres ne sont pas régies par ses envies ou ses affinités mais bien par celui qui a le pouvoir. Il n'est qu'un représentant du gouverneur. Tharidus puis Cor décideront de la voie que prendrait sa vie.
« Que serait un noble sans un parfum de scandale ? »
Kadvael, concentrez vous, je vous prie.
Arraché à ses douces rêveries, le garçon sursauta, plus concerné par ce qu'il pouvait voir à travers la fenêtre que par ce cours de géographie interminable. Nous étions au beau milieu de l'été et il n'y avait aucun nuage au milieu d'un ciel uniformément bleu.
Kadvael, tenez vous, un peu de concentration. Nous en avons bientôt terminé alors un peu de volonté.
Ce précepteur n'était pas du tout à son goût. Trop vieux. Trop barbu. Trop de mauvaise haleine. Trop … précepteur. Les cours d'histoire, de géographie et d'économie étaient apparu dans son emploi du temps sans qu'il n'en comprenne vraiment la raison. Son père l'avait exigé et tout le monde devait l'accepter. A ces yeux, ce n'était que la dernière lubie d'un vieillard se rappelant enfin qu'il avait un deuxième fils.
Alors j'attends votre réponse.
En plus, apprendre le nom des cours d'eau de toute l'île ou les limites exactes des frontières entre Korrul et Matroos n'était pas vraiment un plaisir. Non pas que cela lui soit difficile mais plutôt que ces cours remuaient le couteau dans la plaie. A quoi bon apprendre si rien de tout cela ne lui sera vraiment utile. Il pourra fanfaronner dans les soirées mondaines, paré de toutes ces nouvelles connaissances mais l'effet est plutôt limité.
Kadvael ?
Il progressait vite et il le savait. Et dans toutes les matières. Son talent était gâché par des lois d'un autre âge. Il était plus en capacité de diriger le pays que son frère. Cor n'était au mieux qu'un militaire en habit princier. Il aurait fait un bon conseiller de la milice mais pas plus. Trop direct pas assez fin pour survivre dans ce labyrinthe qu'est la vie politique. Alors que lui …
KADVAEL !!!!!
Oui, oui, c'est bon. N'allez pas me faire une crise cardiaque. Nos tours de garde sont ici, ici, ici, … et ici. Sur cette côte, il n'y en que quatre. Sans compter celle de la prison de la brume.
…. oui. C'est exact. Mais alors expliquez moi pourquoi vous obstinez vous à paraître aussi négligeant alors que vous connaissez votre leçon ? Cela vous amuse peut être ?
C'est bien une réplique de vieux, ça. J'en ai marre pour aujourd'hui, je sors. Fait trop beau dehors pour que je reste en votre compagnie ici.
Kadvael ! Attendez ! Revenez ! La leçon n'est pas encore terminé. Votre père entendra parler de ça.
« Tu cherches un faux réconfort en exigeant de moi que je me définisse par des mots. »
Tharidus est mort. Le gouverneur, son père, est décédé et Kadvael n'y voit que sa position qui prends de l'importance. N'allez pas croire qu'il est insensible à cet événement. Il appréciait son père et il était toujours de bonne humeur avec lui. Mais un homme de son envergure n'a que peu de temps à offrir à sa famille. Quelques repas par semaines, une journée de détente par mois, voilà ce qu'ils pouvaient espérer partager. Au contraire de son frère aîné qui passait ses journées à suivre leur père. Il était même une sorte de gouverneur en intérim à la fin de la vie de Tharidus. Déchargeant peu à peu, les responsabilités sur les épaules de son fils. Pour que le temps venu, il soit capable d'assumer la charge à laquelle sa naissance le destinait.
Être né second. Avoir été éduqué pour être dans l'ombre du gouverneur. Voilà le résumé de la vie de Kadvael, il ne devrait jamais à avoir assumer le rôle de dirigeant. Et pour lui, cet état des choses le torturait de plus en plus chaque jour. Il avait apprit qu'il ne manquerait de rien mais qu'en échange, il devrait être au service de la volonté de son frère. La plupart des gens s'en accommoderaient volontiers mais Kadvael n'est pas un homme raisonnable. Dans un premier temps, il s'est rebellé contre tout cela en devenant un emmerdeur de première. Toujours un mot désagréable, dédaigneux de tout, un adolescent normal en somme. Puis il commença à raffiner sa manière de faire. Plus subtil, plus cassant, plus dangereux. Les farces potaches et les grognements dédaigneux firent place à un sadisme enveloppé de sourires et de manières éloquentes. Il s'améliorait sans cesse. Manipulant dans l'ombre de son frère tout son entourage. Il se découvrit des talents de stratège et d'apprentissage insoupçonnés. Puis ce qui lui était apparu comme une manière de se dresser contre sa situation devint normal à ses yeux, il y prit plaisir. Son père était mort et son frère accédait au pouvoir. A ce moment là, une idée fît son chemin. Il était né second mais à y voir de plus près ses capacités étaient bien meilleur que celles de Cor pour assumer la place de gouverneur.
« On ne chemine jamais qu'entraîné par la force de son naturel. »
Kadvael parle rarement de sa mère ou de sa sœur. Elles n'ont que rarement joué un rôle dans sa vie. Mais pas moins important. Elia, deux ans de plus que lui, n'a jamais eu de vrai contact fraternel avec Kadvael ou même Cor. Toujours fourré dans les pattes de sa mère, elle n'en est sorti que pour se mettre dans celles de son mari, un marchand de Middel-Heim. Un échange de marchandise en somme. Le garçon pense qu'il se serait bien amusé ensemble et qu'il se ressemblait pas mal. Mais cela n'est jamais arrivé, sans vraiment savoir pourquoi. Quand à sa mère, Lysa, leur relation était quelque peu particulière. Elia était sa petite chérie et Cor devait être soutenu dans son importante destinée. Au milieu d'eux, Kadvael ne manquait pas d'affection mais ne voyait que le temps qu'elle passait avec eux. Cette jalousie grossit au fil des années et il en apparu une sorte de distance entre la mère et le fils. Sur son lit de mort, Kadvael devait avoir 12 ans, Lysa lui donna un de ses clous d'oreille. Il n'avait pas grande valeur marchande et n'était pas particulièrement magnifique. Mais elle ne fit qu'un cadeau à ce moment là. Ce ne fût pas à Cor, ni à Elia, ni à son mari mais à Kadvael. De par ce simple geste, Kadvael éleva sa mère au rang d'idole. Personne ne pouvait dire du mal d'elle en sa présence. Cependant il déforma son dernier geste, dans son esprit d'enfant, pour en conclure qu'il était celui que sa mère avait choisi.
« La nature nous a créés avec la faculté de tout désirer et l'impuissance de tout obtenir. »
Cor est mort. Un règne fort apprécié du peuple grâce à la bienveillance de leur défunt gouverneur. Malade, tous le savait condamné depuis un temps déjà. Mais l'annonce de son décès n'en fût pas moins douloureuse pour les Mastrosciens. Même pour son frère. Il était ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour Kadvael. Certains prétendent qu'on l'y vit verser quelques larmes aux funérailles. L'information n'a jamais été validé. Cependant ce que l'on peut confirmer avec certitude est ce qui se passa au moment de l'annonce de la mort de son frère.
Toutes mes condoléances pour votre perte. Votre frère Cor vient de mourir. Vous êtes à présent notre Gouverneur.
Ses lèvres s'étirèrent un bref instant, en un fugace sourire. Pour ceux qui aperçurent ce geste, ils n'en comprirent pas le sens profond. Pour certain, c'était la nature diabolique du jeune homme qui apparaissait au grand jour. Pour d'autres, c'était le choc de la nouvelle. D'autres hypothèses furent lancées mais aucun n'approchait la réalité. Au fond de lui, Kadvael fût soulagé. Comme si, enfin, l'ordre naturel des choses s'était remis en place. La frustration, l'envie, la colère, l'incompréhension, … envolé. Gouverneur. Enfin. Ce n'était pas une simple ambition pour lui, mais une réalité qui se devait d'être. Tout simplement.
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