Histoire
Le soleil était haut dans le ciel épuré. Il n'avait pas plu depuis plusieurs jours, au point que le sol était devenu brûlant et la terre craquelée. Mais Sindar était très loin de ce genre de préoccupation, bien trop concentré par la discussion qu'il menait avec aisance pour penser à quoi que ce soit d'autre. Il lui avait fallu des semaines pour avoir ce rendez vous avec le politicien, au final il avait seulement eu droit de l'accompagner pendant sa promenade. Mais l'art secret du discours politique n'avait plus de secret pour celui qui représentait toute la richesse des Elenwë, si bien que le politiciens était maintenant pendu à ses lèvres.
Pourtant, un petit cri s'éleva, presque rauque, interrompant net son discours. Pendant une seconde la rue entière resta interdite, figé dans son mouvement. Puis la vie repris son cours comme si rien ne l'avait jamais dérangée. Sauf pour Sindar, lui avait les yeux rivés sur la ruelle sombre d'où émanait encore les cris, comme happé par ce petit couloir, coincé entre deux maisons, où les ombres se laissaient devinées ce qu'il se passait.
- Et bien mon ami, vous avez perdu l'usage de vos jambes ? Gloussa le politiciens.
- Pas tout à fait, mais je crains de devoir écourter notre promenade, un curieux rendez vous me retient.
Sindar se laissa entraîner dans la ruelle sans lutter, abandonnant son devoir de représentant pour la première fois de sa vie. Quelque pas plus loin l'attendait le scène lugubre qu'il avait anticipé. Il sortit de sa poche un mouchoir avec lequel il recouvrit le visage du cadavre. Après tout, il y avait bien un bordel non loin de là, ce genre d'histoires n'avaient rien de surprenant mais étaient au contraire le sujet de quelques ragots et quelques blagues dans les dîners. Pourtant, c'était la première fois que Sindar en était témoin. Il prit le bébé couvert de sang et encore pleurant dans ses bras, le serrant fort contre sa poitrine, enroulé dans le tissu délicat de sa tunique qu'il avait enlevé. Il était peut convenable de rester le haut du corps à l'air en pleine rue, mais à cette instant la santé du bébé lui sembla infiniment plus importante.
Il s'était marié très jeune par amour, mais aucun enfant n'était jamais né de cette union, au point qu'il avait perdu espoir d'avoir un jour un fils.
- Et bien, tu es enfin calmé on dirait. La déesse nous fait un drôle de cadeau à tous les deux. Qu'est ce que tu dirais de pousser l'ironie jusqu'à faire de toi un des bourgeois les plus riches du pays ?

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Namo serra élevé par Sindar Elenwë et son épouse exactement comme s'il était de leur sang, peut être même avec plus d'amour car il était un cadeau du ciel, il était présenté comme leur fils biologique, même si lui connaissait la vérité depuis toujours. Le fait que ses parents aient les cheveux foncées et lui d'un blond clair et que personne n'avait vu sa mère enceinte furent l'objet de nombreuses rumeurs, mais les Elenwë s'en moquaient. Très vite il fut formé à l'art de manipuler les gens par la parole, de façon à faire valoir les intérêts de la famille mais aussi les siens. Il apprit aussi à s'occuper de la boutique d'herboristerie que tenait sa mère, en fils unique qu'il était. Vivre à la capitale lui permis aussi de devenir quelqu'un de sociable et ouvert d'esprit, un tantinet arrogant et mercantile mais de manière générale d'une agréable compagnie.

Quand il eu 6 ans, un Fupin lui mordit l'oreille, sa mère insista pour désinfecter la plaie tout de suite, même si le garçon voulait retourner jouer. Elle lui expliqua alors que dans sa vie future, son visage serait un atout majeur, et qu'il devait restait beau et soigné. Une horrible cicatrice risquait de lui porter préjudice un jour, de la même manière que des cheveux gras ou une odeur de transpiration. C'est elle qui, au fil du temps, lui apprit à prendre soin de son apparence en toute situation.

Ce même jour, son père arriva en tambourinant la porte comme s'il était poursuivit par un assassin. Son frère avait eu une fille, ce qui faisait d'elle sa cousine. Bien qu'il ne la rencontra que trois ans plus tard, il fit tout pour rester proche d'elle, n'ayant presque aucun autre enfant à qui parler. La différence d'age était importante et poser des problèmes au début, mais sa cousine faisait preuve d'une grande maturité qui, allié à l'immaturité de Namo, pallié à la différence.
De part sa naissance, Lyniel avait soulagé Namo de toutes ses obligations de mariage mais aussi d'héritage. Ni son père ni lui n'avait la moindre ambitions pour devenir chef de famille mais si, comme son père, son oncle avait fait un mariage stérile, alors il aurait été le seul capable d'assurer la continuité du nom de la famille et donc de ce fortune. C'est une des raisons qui font que Namo voue une reconnaissance éternelle à sa cousine, en plus du fait qu'elle lui a appris dans la plus grande discrétion à faire pousser les plantes puis à les transformer en médicament, poudre, parfum et autres produits vendu en boutique.

A 16 ans, son père lui proposa malgré tout de prendre femme, ce qu'il refusa, prétextant ne pas avoir le temps pour la connaître ni même pour s'en occuper. A cette époque, il avait déjà un emploi du temps de ministre, plein du lever du soleil à la nuit profonde. Parfois il sortait le soir et ne rentré qu'un peut avant son premier rendez vous, enchaînant ainsi plusieurs nuits sans sommeil.

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Les rires gras s'élevaient comme un horrible chant nocturne. Exceptionnellement, Namo s'y mêlait aussi, trop ivre pour avoir la moindre retenue. Il racontait une histoire tout à fait banale, mais trébucha sur un trottoir à la chute, rattrapant une blague qui serait tombée à l'eau par sa maladresse. Les trois filles qui l'accompagnaient l'empêchèrent de tomber et la conversation repris son cours, cassant le doux silence de la nuit. Un citadin finit par se plaindre du bruit, entraînant un jeu bien connu où chacun mettait un doigt sur sa bouche pour faire taire les autres, faisant encore plus de bruit qu'avant. Finalement, une des filles, rousse à forte poitrine et au décolleté plongeant se mit à dire :
- De quoi se mêle ce gueux, il devrait être honoré qu'on marche si près de sa maison.
- On devrait les taxer pour leur semble existence, après tout ils respire le même air que nous alors que nous leur sommes en tout point supérieur.
Namo s'éloigna, tout d'un coup secoué par un sursaut de mépris.
- Qu'entends-je sortir de vos douces lèvres ? Sachez mes dames que vous auriez à apprendre de ses gens bien plus qu'eux de vous, et que leurs poumons sont bien plus propres que les vôtres, nettoyé régulièrement par l'effort dont ils font preuve tous les jours. Je pense que c'est au contraire votre haleine fétide qui pollue leur air. Sur ce,bonsoir.
Malgré la vie qu'il menait, le jeune bourgeois n'avait jamais oublié d'où il venait et qui l'avait enfanté, ni même le temps qu'il aimait passé les mains dans la terre humide et la satisfaction qu'il avait d'en voir le résultat, alors même que ceux qu'ils côtoyaient trouvé ça vulgaire. Il quitta ses conquêtes du soir sans écouter leurs excuses et disparue dans la nuit en titubant, finissant la soirée la tête dans l'eau d'une fontaine. Au matin, une main forte et assurée le sortie de sa baignoire, l'affichant sans ménagement aux rayons brûlant du soleil. Namo se cacha les yeux. C'était son père, venu le chercher après l'avoir vu de la fenêtre de sa chambre.
- On dirait que tu te ramollies fils, hier encore tu aurais retrouvé le chemin de ta chambre au lieu de t'arrêter dans le jardin, si près du but. Il serait peut être temps pour toi de prendre ta retraite, avant d'être retrouvé dans la rue. Mais nous en parleront plus tard, il y a un message que je veux que tu entendes.
Namo reprit un peu consistance, accompagnant son père jusqu'à la porte de la propriété. Un messager attendait en effet, il portait les armoiries de la famille. Le chef de famille venait de mourir.

Dix minutes plus tard, ils étaient en route pour Gerni. Namo s'allongea pour essayer de se reposer un peu mais son esprit était plein de souvenirs qu'il n'avait pas la force de refoulé. Il adorait son oncle, d'aussi loin qu'il pouvait se souvenir. Sa mort l'attristait réellement, mais plus encore il pressentait la peine de sa cousine ; sombre, profonde et inconsolable. Quand ils avaient appris sa maladie mortelle, les deux cousins avaient eu cette discussion étrange au bord d'un lac, il s'en souvenait avec une étonnante clartée.
- Même si je n'ai pas envie de penser à ce sombre futur, je tiens à dire que je suis près à prendre mes responsabilités d'homme qui, au delà de mon nom, m'empêche simplement de laisser une enfant subvenir seule à ses besoins. S'il le faut, je n'hésiterais pas une seconde à prendre ta main et à te protéger et te soutenir face à tout ce que la vie pourra te faire, et ce jusqu'à ta mort.
Lyniel s'était alors figée, bouche bée. Son regard trahissait sa stupéfaction.
- Ton affection me touche, en sein de cette famille tu es plus qu'un cousin à mes yeux. Mais j'ai la ferme intention de reprendre les rênes de l'entreprise que mon père a créé seule. Dans cette épreuve, j'aurais besoin de toi à San Poseïnos. Namo, je ne veux de toi que la fidélité à l'égard des Elenwë et rien d'autre car je ne peux avoir confiance en quelqu'un d'autre que toi pour maintenir nos liens avec les politiciens. Ne t'inquiète pas pour moi, je saurais me montrer forte, je ne suis plus une enfant.
Namo avait regardé ce petit corps frêle qui était celui d'un enfant, parler comme un adulte. Il n'était ni déçu ni frustré qu'elle ai refusé, au contraire il se sentait presque rassuré. Mais il n'était pas certain qu'elle puisse vraiment tout gérer seul, il se fit la promesse de la soutenir malgré tout, exactement comme il lui avait annoncé, mais à la distance qu'un cousin doit prendre.