Le rideau s'écarte pour laisser passer Isaiah. Ses vingt ans sont révolus depuis longtemps et son émancipation est encore plus lointaine, mais la mort de sa mère l'afflige plus que de raison. Dans la pièce principale, qui jouxte la seule chambre de l'habitation, les hommes du culte se préparent à amener le corps au cimetière des damnés. Les bougies, plus nombreuses pour l'occasion, dispensent une odeur grasse et sucrée et plongent la pièce dans un clair obscur inhabituel.
Une main se pose sur son épaule, la poigne est ferme et franche. Isaiah se tourne vers un visage connu mais dont le nom se perd dans d'inexplicables méandres.

Il s'éveilla sans sursaut et resta les paupières closes. Autour de lui, les grillons des sables se turent à l'approche du prédateur et seul le vent feulait à ses oreilles. Il l'attendait. Il perçu son odeur avant toute chose. Une odeur qui, malgré les nombreuses nuances, était caractéristique de sa proie: L'humidité, l'excrément et le parfum humain. Toutes ces odeurs s'amalgamaient dans ces tunnels pour donner un bouquet incomparable au milieu du désert. Alors qu'il concentrait toute son acuité à percevoir les bruits de pas dans le sable, il dut réfréner un tressaillement lorsqu'un doigt glissa le long de son bras. Il n'en sentit pas d'autre mais perçu, par habitude, le léger manque que provoqua la disparition de son bracelet. Son cerveau tournait à plein régime et planifiait les étapes avant même qu'elles n'arrivent. Il perçu à temps sa tension et l'artificialité de sa respiration. Il se calma et se força à penser à autre chose.

Ses paupières s'ouvrirent sur deux pupilles dilatées qui scrutèrent lentement les alentours. L'homme, que l'on appelle en ville « Garuda » se leva prestement et enfouit ses mains juste là où il était couché. Un large sac de toiles épaisses sortit du trou dans le sable. Garuda l'épousseta à peine avant de le jeter sur son dos et de suivre la piste fraiche. Il arpenta les dunes glacées sous la voute céleste qui commençait à rosir jusqu'à un mamelon d'où saillissait un rocher aux formes étrangement phalliques. L'homme posa son sac, se mit à genou et déblaya l'entrée d'un tunnel, une chatière descendante. Ravi, il se mit à se dévêtir jusqu'à garder un slip de la même toile que le sac et une ceinture de cuir et mit le reste dans un petit sac qu'il enfouit devant l'entrée. Il regarda les premières étoiles s'effacer devant l'aube alors qu'il s'enduisait le corps de graisse d'Omni-Hoc. Il fit une dernière fois l'inventaire de son sac : gourde, lampe à elirium, pitons de bois, couteau, vivre, boussole et montre. Dans ce genre d'expédition, le plus grand prédateur était la perdition et Garuda ne savait jamais pour combien de temps il partait. Il sortit un pieu métallique manufacturé duquel dépassait une petite boucle. Lorsqu'il le planta, un cliquetis se fit entendre, preuve que le pieu s'était bien ancré dans le sable et qu'il ne bougerait pas tant qu'on ne déclencherait pas un petit ressort. Il tira sur la boucle et un fil de soie tressé se déroula. Garuda attacha la boucle à sa ceinture, regarda le soleil se lever pour de bon et s'engouffra dans les ténèbres.

To be continued