Histoire
Lorelei ne saurait pas vous dire quel âge elle a aujourd’hui, mais elle pourrait vous raconter bien d’autres choses (vraies, pour une fois) à son sujet.

Elle n’a jamais pu savoir qui était son père. Et, sa mère n’était qu’une pauvre catin, jeune et belle, mais dont la vie s’acheva un peu trop tôt. Lorelei était encore bien trop petite, le jour où elle devint orpheline, pour pouvoir avoir l’idée de s’en aller vivre seule dans les rues. Celui qui avait été le patron de sa mère décida de la garder près de lui. Il savait pertinemment que l’enfant lui serait redevable de cette bonne action et que, n’étant pas trop laide, il saurait en tirer d’assez bons prix une fois qu’elle serait un peu plus âgée. Lorelei ignorait bien entendu ses intentions et une fois le chagrin passé, elle se trouva bien heureuse d’avoir encore un logis, même sans famille. L’enfant grandit, gardée et presque protégée par son ‘’sauveur’’. Comme celui-ci tenait également une taverne (où il faisait prospérer ses affaires) il lui demanda un jour de venir l’y aider. Elle était toujours un peu trop jeune pour être décemment proposée à un client, mais elle pouvait très bien aider pour le service.

Sa vie connue un grand changement, un soir, alors qu’elle était de service. Elle avait peut-être douze ou treize ans, et les risques pour elle de « changer de métier » ou d’avoir un « double emploi » s’étaient accrus. Alors que la taverne était bondée, un homme plutôt âgé, par rapport à elle, était assis, seul à sa table, au fond de la salle. Comme Lorelei venait lui apporter son repas, il l’apostropha :

« Dis-moi, petite, comment t’appelles-tu ?
-Lorelei, monsieur »

Alors qu’elle pensait que la conversation aller s’achever là, l’homme sorti un étrange sac de cuir de son manteau et le posa sur la table. Le patron qui l’observait, intervint à cet instant :

«-Celle-là vous pouvez pas. Faudra attendre encore un peu, mais c’t’une jolie demoiselle, hein ?
- Je ne le nierais pas, mais je ne suis pas là pour ça, coupa le curieux client. Il faut payer pour parler à vos serveuses, même les plus jeunes ?
- Oh ça… Non, celle-là, tant que j’l’a perd pas d’vue… »

Lorelei fut quelque peu perturbée par l’échange entre les deux hommes. Elle ne se doutait toujours pas de ce que la vie lui réservait pour le peu d’années qu’elle pourrait espérer vivre encore.

« -Lorelei, assieds-toi, donc. Je m’appelle Godwyn. Est-ce que tu as déjà joué aux cartes ? reprit l’étranger comme s’ils venaient d’interrompre une longue conversation entre amis. »

La jeune fille obéit tout répondant qu’elle ne savait pas jouer. Alors l’inconnu lui expliqua les règles d’un jeu et lui proposa d’essayer. Elle passa ainsi la soirée en compagnie de cet homme à discuter et à jouer. Mais l’enfant était assez naïve, et tout au long de leur discussion elle fini par en apprendre suffisamment à Godwyn pour qu’il comprenne sa situation.

«- Tu sais ce que tu risques d’ici quelques mois ou quelques années, si tu restes ici ? demanda-t-il, alors qu’ils commençaient un nouveau jeu.
- Je ne risque rien, voyons, je suis en sécurité ici. Même maman me le disait, répondit la jeune fille avec assurance.
- Il ne peut pas te dire la vérité, Lorelei, mais il ne cessera de tirer profit de ton existence. Il te vendra à ses clients le soir… Ta propre vie ne t’appartient pas, rétorqua-t-il sombrement.»

La jeune blondinette fut prise d’un affreux doute. Le fait d’avoir passé déjà quelques heures à jouer avec Godwyn lui donnait l’impression qu’elle pouvait lui faire confiance, mais ce qu’il venait de lui dire la mettait dans une situation inconfortable. Elle ne sut quoi répondre. Lorsque la partie fut terminée l’homme lui proposa de lui apprendre une dernière chose.

«-Allons, tire trois cartes, au hasard. Voilà comme ceci. Ces cartes renferment une partie ton destin, si tu me les montres je pourrais te dire ce que Vama te réserve. Il se tût un instant, regarda les cartes qu’elle avait choisies. Je vois dans ces cartes que Vama veut que tu sois libre, Lorelei. Tu accompliras de grande chose.
-T’es bien sûr que c’est vrai ? Tu me ferais pas marcher, des fois ?
-Vama ne peux pas mentir, n’est-ce pas ? »

La jeune fille s’inclina devant cette réalité et les paroles de Godwyn se gravèrent dans sa mémoire. L’homme paya très largement son repas, et avant de partir il offrit à Lorelei la sacoche dans lesquels se trouvait son jeu de carte.

Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits Lorelei ne sut quoi penser de ce qu’elle avait appris de Godwyn. Il s’écoula peut-être même plus d’une année avant que le changement s’opère vraiment. Dans un premier temps, elle se fit une fierté de faire des tours de cartes à tout le monde. Dans la taverne elle devint une véritable attraction. Le Tavernier compris rapidement qu’il y avait là aussi matière à profiter de la situation. Lorelei inventait sans cesse de nouveaux tours, défiait les clients aux cartes, et gagnait assez souvent. C’est également à cette époque qu’elle commit son premier larcin : dérobant par mégarde quelques pièces dans les poches d’un client. Dans un second temps, elle continuait à réfléchir et toute la naïveté de son enfance quant aux intentions du Tavernier fini bel et bien par mourir. Il était évident qu’elle n’était qu’un objet pour son enrichissement. Mais jusqu’où pouvait aller cette utilisation ? Lorelei ne souhaitait pas le savoir.
Elle décida de fuir. Ce fut la conséquence presque inévitable de ce dîner si particulier qu’elle avait vécu quelques mois plus tôt.

Lorelei partit un matin, ou plutôt alors qu’une nuit mourrait, emportant ses seuls biens : la sacoche de Godwyn et son contenu. Elle dût ruser un peu pour déjouer l’attention du Tavernier et profita du départ matinal des premiers clients pour s’évader. Ainsi s’acheva la vie de la petite Lorelei serveuse et illusionniste amatrice. Et ainsi commença celle d’une petite voleuse quelque peu escroc. Lorelei dut s’adapter pour survivre et si ce ne fût pas tout les jours facile, après quelques années on peut dire qu’elle a fini par y prendre goût. Elle décida aussi de quitter Vuule et dès qu’elle eut économisé (ou plus exactement voler) assez d’argent pour cela, elle parti pour Errande. Elle n’a cessé depuis d’arpenter le territoire de Matroos. Vous pourriez la croiser n’importe où, rencontrer quelqu’un qui l’a peut-être déjà vu, mais le plus dur sera de l’approcher sans vous faire vider les poches (à moins d’être milicien). Bref Lorelei est partout et nulle part.