Histoire

Aslak ne vous parlera jamais de son enfance. Nul ne saurait dire si c'est pas pudisme, par fainéantise, ou si tout simplement il ne se souvient de rien. Force est de constater que son mutisme quasi-permanent soulève bien des questions, y compris au sein des Gargans. Le narrateur externe que je suis tentera donc de vous expliquer au mieux qui est Aslak, malgré les nombreux mystères qui parsèment son existence.

A priori né dans le désert, il fut recueillit par un vieil homme peu après sa naissance, lequel lui donna le nom d'Aslak. L'origine du garçon était un mystère même pour ce doyen qui avait vu passer bien des saisons, bien que sa peau tannée laissait penser qu'il était le rejeton d'une tribu nomade du désert. L'homme quant à lui était un ancien forban du nom de Danik, retiré de la civilisation Korrulienne et cherchant à trouver un nouveau sens à sa vie. Isolé dans une vieille maison au fin fond du Désert des Murmures, l'apparition de ce garçon était comme un signe pour lui. Un signe des dieux qui lui disaient de s'occuper de lui.

L'endroit qu'il avait choisit pour vivre, et plus tard élever Aslak n'était pas forcément le plus judicieux : le Désert des Murmures, en plus d'être un endroit difficilement vivable, était réputé pour être le domaine des Veilleurs Pourpres, ennemis jurés des Forbans dont il avait fait parti il fut un temps. Danik était d'ailleurs toujours recherché par ceux-ci, malgré son âge avancé. En guise de prévention contre une éventuelle attaque, il décida d’entraîner Aslak dès qu'il fut en âge de tenir une arme et de lui transmettre toutes ses connaissances, de lui enseigner la langue Korrulienne et les traditions de leur peuple. Ainsi que l'art de combattre à mains nues ou à l'arme blanche.

En dix ans, Aslak ne côtoya que deux personnes : Danik son mentor, et le marchand d'un village proche qui venait les ravitailler en provisions. Il retint deux choses : Un, pour survivre en territoire hostile (désert des murmures) on ne peut compter que sur ses capacités physiques, que la violence et la rage décuple. Deux, toujours se méfier, y compris des gens les plus proches. Car le marchand, promis à une récompense bien grasse, avait indiqué à quelques Veilleurs Pourpres de passage dans le village qu'un forban recherché vivait reclus dans une cabane à quelques kilomètres de là.

Danik anticipa cette trahison par miracle, et il prit la fuite avec Aslak, laissant tout derrière lui. Ils furent traqués jour et nuit, courant jusqu'à ne plus pouvoir respirer, et trouvèrent finalement refuge à l'intérieur d'une grotte discrète non loin d'une zone militarisée. Ils durent survivre, se focaliser sur la survie et ne penser à rien d'autre. Ne pas dormir trop longtemps, ne pas faire de bruit, se serrer lorsque le froid de la nuit venait transpercer leur chair. Pour manger, ils durent fouiller les roches et se contenter d'insectes, ou de résidus que les tempêtes de sable laissaient dans les cavités.

Plusieurs semaines passèrent. Aslak s'était confectionné une lame de pierre tranchante, comme un glaive. Danik était faible, il n'arrivait même plus à ouvrir les yeux. Tous deux ne parlaient plus, ils restaient muets, pour dépenser le moins d'énergie possible. Sans un mot, Aslak décida qu'il était temps de partir et leva Danik, le soutenant avec une force qu'il puisait non pas dans le désespoir, mais dans la rage... La rage de vivre. Malheureusement, à peine sortis de leur cachette, ils furent repérés par des gardes de la frontière de Korrul. Les Veilleurs Pourpres, aux aguets dans cette région, reconnurent Danik et le prirent pour cible.

Le bras gauche d'Aslak, qui soutenait Danik, ne le quitta pas. Jamais. Même quand l'avant fut tranché par l'un des Veilleurs, restant collé au corps sans vie de Danik.

La douleur après coup fut intense. La pire qu'il n'ait jamais connu à ce jour. La mort elle-même aurait été préférable. Pourtant dans un instinct qu'on pouvait aisément qualifier d'inhumain, il courut, courut, courut. Comme il avait été habitué à le faire sous la pression des traqueurs. Avec le glaive qu'il s'était forgé, il coupa les restes de peaux mortes de son avant-bras gauche tout en continuant à courir. La rage de vivre du jeune Aslak devint une rage de tuer. Tuer ces Veilleurs Pourpres qui livraient une justice insensée, s'apparentant plus à un génocide des forbans qu'autre chose. Même quand ceux-ci n'étaient plus en activité.

Aslak parvint à trouver un refuge d'exilés, sous terre, loin des murmures du désert, alors que les recherches à la surface s'intensifiaient. La douleur présente dans son corps était telle que pendant une semaine, il resta immobile sur le sol, serrant les dents, fermant les yeux et implorant les dieux de lui laisser la vie sauve. Beaucoup des habitants du refuge le croyaient mort. Il se releva finalement pour demander à boire, avant de se diriger vers la sortie du souterrain sous les yeux ébahis des exilés, amputé d'un bras.

Plus tard, il retrouva le corps de Danik dans les plaines de sable, ainsi que sa lame de fer. Il repartit dans sa grotte, l'améliora, l'aiguisa, et on ne sait par quel miracle elle devint partie intégrante de lui. C'était sa nouvelle main, une main de fer meurtrière. Rattachée à une sorte d'armure Korrulienne récupérée sur un cadavre dans le désert. Il enterra celui qui avait été son maître, son mentor, son père adoptif, dans le sable chaud et récita quelques prières. Puis il partit.

Ce fut la première et dernière fois qu'Aslak éprouva de la tristesse. Il se jura de ne plus jamais s'attacher à aucune personne ici bas. De ne parler que quand c'était nécessaire. De se livrer justice soi-même. Il partit rejoindre la famille de son mentor, dans sa région d'origine. Col Muertiga. Loin du Désert des Murmures et de ses soit-disant justiciers. Ses pas le menèrent jusqu'à la cité des forbans. Il était décidé à rejoindre le clan le plus puissant et les suivre jusqu'au bout dans la lutte contre les forces de l'ordre de Korrul.