Histoire
Pour l’instant, la vie de Jagens se découpe en quatre parties : d’abord, une petite enfance heureuse ; puis, le malaise, alors que son père changeait ; ensuite, une très grande déprime due au meurtre de sa mère par son père et à la désertion de celui-ci ; enfin, la reconstruction, un nouveau départ.

Jagens est né il y a dix-sept ans, d’une mère éclaireuse de la Faction et d’un père forgeron. Il a eu la chance de vivre une petite enfance paisible et insouciante jusqu’à huit ans, mangeant, jouant, dormant, se faisant quelques copains. Il quittait peu son village : il avait six ans la première fois, et comme les suivantes, ce fut pour accompagner sa mère à la chasse.
Sa mère était une femme grande, brune et fine. Elle était aussi généreuse, volontaire et observatrice, mais elle était un peu naïve et s’emportait facilement. Quant à son père il était plus petit, châtain et costaud. Et il avait un caractère spontané et malicieux. C’était donc un couple complémentaire. Peut-être trop, même. Et ils se parlaient très peu.

Tout allait donc bien jusqu’au huitième anniversaire de Jagens, à partir duquel son père changea. En effet, celui-ci tomba quelques temps dans un stress intense, car il n’avait plus beaucoup de commandes, et par conséquent, commençant à boire et à devenir violent. Cela dura quelques mois, alors que le malheur du père avait peu à peu gagné la famille et quelques proches. Mais cela s’arrêta. Du moins, c’est ce que pensait son entourage. En vérité, il avait un accord avec des brigands. Il leur forgeait des armures de qualité en échange d’assez belles sommes. Sa femme fut surprise que l’activité reprenne si bien d’un seul coup, mais son mari retrouvant le sourire, elle n’alla pas plus loin. Jagens, étant encore trop jeune et de toute façon peu intéressé par le monde des affaires, ne faisait pas attention à l’argent, mais la surprise de sa mère lui faisait deviner que quelque chose ne tournait pas rond. Cela dura presqu’un an, au cours duquel les brigands commencèrent à l’endoctriner. Au début peu enclin à aller plus loin que l’accord passé avec eux, cela lui rentra peu à peu dans la tête.
C’est effectivement là que le couple commença à se déchirer. La mère de Jagens était toujours troublée par une activité si régulière, si fructueuse. Cependant, elle fermait les yeux, et son travail sur des affaires en cours lui offrait moins de temps pour y faire véritablement attention. Mais le père devait maintenant remplir des quotas, sous peine de non paiement dans un premier temps, puis de mort dans un second. Le refus des autres commandes commençait, et se fit de plus en plus important au cours des mois. Sa femme, aussi plus libre, le trouvait plus suspect, beaucoup plus suspect. Et puis l’influence des bandits portait ses « fruits » : le père se mit à penser comme ses employeurs, puis les mois passant, affichait de plus en plus sa nouvelle idéologie.