Histoire
- Une pinte de Bière et la soupe du jour cher Monsieur, voilà et bon appétit !
- Merci ma petite, toujours aussi serviable à ce que je vois.
Un sourire encore allumé sur le visage, Daerys continuait son cheminement à travers les tables remplies de personnes affamées (ou assoiffées) et tel un bienfaiteur elle apportait à la force de ses petits bras, les victuailles tant attendues. Avec une dextérité due à une longue expérience les soupes, liquides et autres plats apparurent comme par magie devant les clients. Le tout constamment accompagné d'un mot poli souhaitant le meilleur des repas possible. C'était pour cette ambiance chaleureuse et amicale que les petits cultivateurs de Guernie aimaient à souper à l'Auberge Lewis.
Ce soir-là la populace s'était réunie pour fêter l'arrivée imminente du solstice d'été, même si les festivités ne commençaient seulement que le lendemain.
Le service dura jusque 22 heures lorsque le dernier client pris le colimaçon de pierre qui menait à la sortie. Daerys jeta son tablier sur une des tables encore humidifiées par le passage de l'éponge, grimaça un bâillement derrière sa petite main blanche et souhaita la bonne nuit à ses parents. Elle passa plusieurs goulots tapissés de miroirs et de carpettes usées pour enfin arriver à la porte de sa chambre. Cette dernière avait subi de grands changements dans la décoration depuis qu'elle n'appartenait plus à sa grande sœur. Les proportions n'étaient pas impressionnantes et Daerys avait accentué le côté douillet de la chambrette en ornant les murs de tentures aux imprimés fleuris. Un lit d'une place était placé dans un des arrondis, une petite armoire était placée à ses côtés, Un miroir du plus simple apparat accroché au-dessus d'une table haute où trônait un nécessaire à maquillage ainsi que du soin pour les cheveux. Le tout dans un ordre impeccable sauf peut-être un impressionnant bureau en bois jonché de parchemins, de livres aux pages cornés, ouverts, à moitiés ouverts. C'est devant ce fourbi qu'elle s’essaya et attrapa le premier bouquin de la pile griffonné et annoté de partout.
Lorsque Daerys annonçait à ses parents qu'elle partait dormir, elle ne mentait pas totalement, sauf qu'elle remontait les couvertures de son lit que quatre heures plus tard. Ce temps-là elle le passait à traduire vainement un journal de bord qui avait appartenu à un vieux forbans de Vanylle. Son frère lui avait offert après avoir intercepté un bateau pirate (ce n'était pas très professionnel, mais Espirek ne pouvait rien refuser à sa sœur chérie). Comme le Vanyllien n'était pas une langue officielle il n'y avait pas de livre traitant sur son apprentissage. Comme Daerys ne parlait pas un mot de Korrulien elle devait se rabattre sur la compréhension des mots de bases Mastroscienne. Les études coûtaient très chères et apprendre les langues étrangères étaient un luxe qui ne lui était pas réservé. Alors, elle s'improvisait des cours qui ne l'amenait guère loin.
Après un long triturage de cerveau, Daerys frotta sa main endolorie par l'effort.

Elle décida de prendre l'air afin de s'aérer l'esprit. Doucement elle décrocha sa capeline du cintre où elle était perchée et s'en vêtit. Puis sans bruit elle retraversa les goulots, l'auberge désormais vide et silencieuse, tâtonnant pour ne pas se prendre une table ou une chaise en plein tibia. Attrapant au passage une lampe à l'eralium avant de remonter le colimaçon. Le vent fouetta son visage lorsqu’elle émargea en-dehors. Daerys rabattu sa capuche pour mieux se protéger des rafales de pleine campagne. La lune éclairait largement les lieux environnants, en s'enfonçant dans la les rues elle émergea sur la grande place où était suspendu des mille et des milliers de lampions dorés. Une estrade était placée pour accueillir les futurs danseurs masqués de la fête. Mais Daerys ne prit pas le temps de contempler le lieu désert et continua sa marche nocturne de l'autre côté de la ville, au rebord des champs cultivés. Les céréales n'étaient pas encore fauchés, les longues tiges flottaient doucement au grès des courants. Longeant ses immenses terrains, Daerys regardait le paysage écoutant le crissement des cailloux sur ses pas. le vent s'était apaisé désormais. Finalement elle revint à son point de départ. Elle n'avait fait que contourner le bourg.
Dans sa chambre elle rangea sa capeline, troqua ses vêtements du jour pour une robe de chambre légère. Puis s’ensevelit dans les couvertures, morte de fatigue.