Histoire


" Nous allons te marier." La phrase résonna avec lourdeur dans le grand salon lumineux. Ismérie, tranquillement assis dans un grand fauteuil de velours, contemplait d'un regard froid le visage impassible de sa fille, debout non loin de lui. Kassiopea n'était guère aussi flegmatique et entortillait nerveusement quelques mèches brunes de sa chevelure autour de ses doigts tremblants, elle ne cessait de glisser les yeux sur sa tendre enfant dont elle craignait la réaction.

" Vraiment? " murmura Galatée de sa voix douce aux intonations sucrées. L'ombre d'un sourire en coin flottait sur ses lèvres rouges, et elle semblait peu convaincue par cette déclaration. Son père fronça les sourcils, les traits durs et l'air mécontent.

" Oui vraiment. Cela fait maintenant trois ans que nous cherchons à te marier, trois ans que tu t'arranges pour saccager le moindre de nos projets te concernant, et pourtant trois ans que les propositions de mariage affluent pour toi." Il se releva et alla se planter devant sa fille qui, insolente, ne daigna pas même baisser le regard et gardait planter ses prunelles bleues claires dans les vertes de son père. Du bout des doigts, il prit le menton de la jeune femme. " On vante ta beauté, ma fille. Et nous ne sommes pas n'importe quelle famille. Tu es un très bon parti et l'on se bat pour toi. Alors j'aimerais que tu cesses ce comportement arrogant et que tu écoutes enfin mes ordres. Parmi tout tes prétendants, j'ai déjà choisis le meilleur. J'ai promis ta main à ses parents, le mariage ne saurait tarder."

Galatée, figée, observait son père d'une mine dure et froide. Les secondes s'écoulèrent lentement dans le plus grand des silences. " Et qui est l'heureux élu ? " finit-elle par demander avec une douceur que l'expression de son visage contredisait. " Le jeune Caleb, de la famille Massen." Des bourgeois, bien évidemment, Ismérie détestait les marchands et mieux valait ne pas trop parler d'eux. " Jeune ?" répéta Galatée, à la limite de l'offense. " Il approche seulement la trentaine." - " Quelle joie." Et le bruit sourd d'une gifle retentit. Galatée, la tête courbée et une main sur la joue, ne dit plus rien. Kassiopea regardait la scène avec effroi, elle tâchait elle aussi de ne rien ajouter pour ne pas déshonorer son mari, mais elle n'avait pu retenir un hoquet de frayeur face à ce geste. Ismérie, l'air de rien, continua : " Il est l'héritier sa famille. Un jeune homme obéissant qui attendait que ses parents lui trouvent une digne épouse. Toi. Nos familles, réunis par ce mariage, pourront faire des merveilles. Et écraser cette vermine qui nous entoure. Va te préparer, nous allons les rencontrer."

Galatée tourna les talons pour s'éloigner de sa démarche gracieuse et féline. Allure de prédatrice en chasse, on aurait pu croire qu'elle allait sauter à la gorge du premier qui la contrarierait.


" Alors ma chère soeur, comment trouves tu ton époux? " Pour toute réponse, Galatée gratifia son jumeau d'un regard noir. Edward rit. " Je m'en doutais bien." Il s'approcha avec douceur de la jeune femme pour la prendre tendrement dans ses bras. " Ne t'inquiète pas. Le mariage ne signera pas ton arrêt de mort." - " Facile à dire pour toi, père ne t'a pas encore obligé à prendre épouse." - " Car il n'en veut qu'une pour moi et que les discussions sont en cours. Je vais bientôt devoir me faire à l'idée."

" Arrêtez donc de pleurnicher." soupira Tristan. " Père a parlé, nous devons suivre ses volontés. Tu devrais déjà être mariée depuis longtemps, d'autant plus, Galatée."

Froide comme la glace envers son frère qu'elle n'appréciait guère, elle se contenta de répliquer : " Son premier choix n'était pas assez bien pour moi. Regarde, aujourd'hui il est amplement satisfait de son choix."

" Alors contente toi d’obéir à présent. Père a bien des choses à faire. Nous sommes toujours en concurrence avec ces chiens de marchands."

" Je sais bien, mon frère. Père se vente assez de son vaisseau. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je vais m'occuper de Kandra." Et sans attendre la moindre approbation, elle s'éloigna de ses frères pour s'enfermer dans ses quartiers. Couché en boule dans un coin, une bête au pelage sable s'étira pour se relever et aller poser sa tête sur les genoux de sa maîtresse. La jeune femme, pensive, caressait le museau de son animal. Elle n'avait jamais réellement su qu'est-ce que cette chose était. Carnivore et chasseur redoutable, Kandra arrivait à la taille de la jeune femme, sur ses pattes. C'était une bête que la jeune femme avait depuis sa tendre enfance, elle l'avait recueillis et élever au prix de bataille sanglante, de morsures à tout va et de griffures. Mais au bout du compte, c'était sa seule véritable amie, fidèle et loyale, toujours là.