- Demeure des Parhelions, fin du mois de Velmos -
Le jeune maitre s'était levé aux aurores, comme à son habitude, et la plupart des domestiques n'avaient pas encore rejoins leur poste. Après s'être brièvement débarbouillé il avait rejoins les cuisines où la vieille Namilla avait préparé une légère collation pour lui et son père. Le chef de famille en dépit de son âge avancé était toujours le premier debout et il avait déjà presque terminé de manger. Le fils prit place en silence, Namilla lui servit une assiette et il commença à engloutir la bouilli avec une grimace. "Je ne comprends toujours pas pourquoi on vit toujours comme des rustres alors qu'on sera bientôt une famille majeur de Sant-poseinos." Le père releva un instant le nez de son assiette mais ne décrocha pas un mot. Il avait mené ses descendants d'une main de fer durant les trois dernières décennies, c'est lui qui avait fondé l'exploitation en s'écartant des autres Parhelions de Sant-Poseinos. Albrecht Parhelion avait décidé de renoncer à la richesse de ses ancêtres en épousant Alice dalahargue, première fille des Delahargues, une riche famille bourgeoise de Sant Poseinos, et en créant ainsi une entreprise indépendante. Depuis son industrie s'était développée d'une façon exponentielle, sans jamais avoir recours aux navires de pèche de ses semblables. La pèche intensive en bassin d'élevage donnant un rendement phénoménale pour un cout dérisoire. Une technique que ses connaissances lui avaient permis perfectionner plus que quiconque à Matroos. "Tes poissons vont bien?" interrogea le fils sur un ton légèrement railleur. Ces derniers mois Albrecht travaillait avec le soutient d'une fine équipe de biologistes dans des laboratoires situés sous la demeure. Ils y étudiaient les croisement entre espèces et approchaient du but avec une race résistante dont la vitesse de croissance devait mettre au tapis toute la concurrence. En bon travailleur acharné il y passait la quasi totalité de son temps et on ne le voyait plus que brièvement au moment des repas. "Suffit Errol, Garde tes moqueries pour les galas et les réceptions mondaines et montre un peu plus de respect pour celui à qui tu dois ta vie de... petit marchand fortuné !" Il avait prononcé ces derniers mots avec tellement de mépris que son visage s'était empourpré. Il se leva précipitamment et grogna pour signifier à la vieille Namilla qu'elle devait débarrasser son assiette. "Enfin quelques mots !" S'exclama Errol avec un large sourire. "Je crois que je n'avais plus entendu le son de ta voix depuis près d'un mois !" Albrecht eut un soupir qui ressemblait presque à un hoquet. Se tournant vers l'âtre il se munit d'un tisonnier et fit mine d'attiser le feu, fuyant le regard espiègle de son fils. "Tu sais on commence à être inquiets, tu es de moins en moins présent et tu sembles si... fatigué." Le père s'emmura à nouveau dans un mutisme dont lui seul avait le secret, ses yeux plissés plongés dans les flammes. "Mère... Alice n'aurait pas aimé te voir dans cet état."
"Ne me parles pas d'Alice!" Le vieux avait réagit instantanément, piqué au vif. Le nom de sa femme avait surgit à ses oreilles comme un prédateur embusqué bondissant sur la proie, il fallait le repousser. Ses yeux n'avaient pas quitté leur contemplation. Sa voix grondante avait fait sursauté Namilla qui manqua de renverser la vaisselle qu'elle était en train de ranger. Son corps semblait, lui, avoir conserver un calme absolu, presque éteint. Funéraire. Errol se leva et le rejoint auprès du feu. La proximité lui permit de parler à voix plus douce, presque imperceptible. La vieille Namilla, comprenant qu'il se tramait un échange probablement des plus intéressants, abandonna la vaisselle et s'occupa de nettoyer la table, trouvant là un prétexte pour se rapprocher. "La famille ne va pas se gérer toute seule père, je me démène déjà bien assez à revendre ton poisson bas de gamme et tu sais à quel point c'est difficile sans vivenef. Si tu continues d'optimiser tes spécimens on aura assez de poisson pour nourrir tout matroos et tout ça va nous rester sur les bras parce que je n'arriverais pas à le vendre." Le père sembla acquiescer d'un nouveau grognement. Quand il avait créé la famille, sa femme Alice, qui était à la fois une excellente diplomate et une personne d'une incroyable inventivité, avait trouvé d'innombrables moyens de revendre la production du Parhelion dénichant la demande adaptée à son offre. Son statut d'ancienne bourgeoise ne l'avait pas empêché de faire de son époux un Marchand puissant bien que méprisé. Errol avait hérité des qualités de sa mère et aujourd'hui si le poisson Parhelion se trouvait dans presque toutes les auberges et restaurants modestes de Sant-Poseinos, il estimait que c'était en grande partie de son fait. A présent ce qu'il lui manquait pour étendre l'empire familial c'était une Vivenef. Namilla avait finalement réussi à ne perdre aucune miette de la conversation. Depuis son arrivée, quelques semaines plus tôt, chez les parhelion; elle avait fait preuve d'un intérêt tout particulier à l'attention du jeune maitre, quitte à sortir parfois du simple cadre de ses fonctions. Elle s'était montré d'une attention irréprochable, s'assurant d'être toujours à l'écoute du jeune maitre. Errol avait fini par manifester une certaine forme de méfiance vis à vis de la servante, puis il avait remarqué un comportement similaire chez de nombreux autres membres du personnel et il commençait à penser qu'il s'agissait simplement là des conséquences de son charisme. Albrecht grogna à nouveau. Il n'avait apparemment jamais été doué pour les relations humaines et les années passées enfermé avec ses éprouvettes n'avaient rien arrangé. Aussi étrange cela puisse paraitre, il ne cherchait pas tant à faire le commerce de sa création qu'à développer sa science et mettre au point l'espèce parfaite. Si sa femme, et maintenant son fils, ne se démenaient pas pour étendre son influence, il serait sans doute encore cantonné à un commerce de proximité, sans commune mesure avec l'activité attendue d'un marchand.
La journée qui avait commencé se parait d'un soleil réjouissant, en dépit des discordes matinales. Errol avait décidé de profiter de cette douceur réconfortante pour se promener dans les jardins. Le domaine déjà limité en surface voyait la plus grande partie de son espace réserver aux bassins d'élevage. Juste derrière la demeure, des cuves abritées servaient à la reproduction des spécimens, la production de ces cuves étaient ensuite transférée dans des bassins plus larges puis dans des étangs artificiels où on se chargeait de les pêcher. L'installation était reliée au lac par un réseau de canalisations. Seule la coure frontale servait véritablement de jardin. Un espace de verdure tout juste entretenu dont Albrecht ne se souciait guère. C'est Audrey, la sœur d'Errol qui avait entrepris d'aménagé cet espace en jardins. Simple mais élégants ils se paraient de la même sobriété que l'ensemble du domaine et même de la vie des Parhelions. Yvain, un commis aux jardins d'apparence des plus quelconques venait de se mettre au labeur alors que le jeune maitre lisait le courrier sous une tonnelle adossée à l'aile sud. Equipé seulement d'une serpe, le commis élaguait nonchalamment un arbuste à quelques mètres seulement. Toujours penché sur le buisson, il porta son regard sur le courrier. De là où il se trouvait il lui était difficile d'identifier la nature des lettres mais il reconnu à la couleur de l'enveloppe la missive d'une famille bourgeoise de Sant-Poseinos. Errol Déjeuna en compagnie de sa sœur. Audrey la cadette avait trois ans de moins que son frère, en âge de se marier depuis plusieurs années elle n'avait encore pas trouvé d'époux à sa convenance, et à celle d'Errol. Les marchand désireux de se lier avec les Parhelions se comptaient sur les doigts d'une main. Errol refusait de la laisser se marier à un bourgeois. Albrecht, qui avait lui même épousé une bourgeoise, avait néanmoins décidé de faire confiance à son fils ainé sur le sujet, prétextant qu'il refusait de s'intéresser à ce genre de problème. Audrey ne se plaignait pas, trouver un époux n'était pas sa priorité. Elle passait son temps à étudier, se plaisant à épauler son père dans ses recherches. Audrey était très bavarde. Elle ressentait probablement le besoin impérieux de combler le silence par ses paroles ou peut-être qu'après avoir passé la mâtiné avec son taciturne de père, la simple idée d'un repas muet lui paraissait insupportable. Errol répondait brièvement, se contenant parfois d'acquiescer ou de rire à ses plaisanteries. Aucun mot n'avait échappé à la vieille Namilla. Elle observait les deux Parhelions prenant leur déjeuner depuis un recoins de la pièce où elle faisait mine de recoudre une nappe. Audrey était probablement la personne la plus proche d'Errol et de ce fait celle qui le connaissait mieux. Leur lien fraternel s'était trouvé immensément renforcé à la mort de leur mère cinq ans plus tôt. Alice Delahargue avait été la mère parfaite. Elle avait comblé l'absentéisme maladif de leurs père avec la douceur la plus attentionnée et un sens de l'éducation altruiste et éclairé. Plutôt que de les forcer à suivre une voix qu'ils auraient pu ne pas aimer, elle avait réussi à leur faire aimer cette voix et ils l'avaient embrassé avec passion. Ainsi Errol, héritier de la famille, était devenu un commercial et un gérant aguerri et consciencieux et Audrey une biologiste passionnée et talentueuse. La maladie qui l'avait frappé avait été une tragédie pour chacun d'eux, elle avait définitivement plongé Albrecht dans le silence et ses deux enfants n'eurent d'autre choix que de trouver réconfort l'un dans l'autre. Une autre personne se trouvait proche de l'héritier, il s'agissait du capitaine de son vaisseau qu'il côtoyait lors de ses fréquents voyages autour de Sant Poseinos. A force de naviguer ensemble, les deux hommes avaient fini par s'entendre bien au delà de ce que préconiseraient d'autre marchand plus à cheval sur la distinction des classes. Le pilote était probablement la seule personne qu'Errol considérait véritablement comme un ami mais au contraire de la cadette celui-ci n'était pas un élément clé. Si il posait problème il serait aisé de l'éliminer sans attirer de soupçons. Eliminer la sœur était hors de question et elle représentait un obstacle périlleux. Errol passa le reste de la journée à contrôler des stoques de marchandise, supervisant les commandes reçues et s'assurant que tout parvienne au bon moment au bon endroit. Il avait son intendant et son contremaitre pour l'aider dans sa tache. A eux trois ils constituaient une équipe organisée et efficace. L'intendant était le plus anciens membre du personnel des Parhelions, jadis au service du père d'Albrecht, il avait décidé d'accompagner le fils dans sa folle aventure. Le contremaitre en revanche n'était qu'un employé des plus banal, sans loyauté particulière ni une grande ancienneté. Il travaillait bien, c'était tout. Moda avait emménagé clandestinement dans la demeure des Parhélion depuis maintenant deux semaines. Il avait investi une mansarde abandonnée depuis visiblement plusieurs années que lui avait montré la vieille Namilla. Lorsqu'il avait repéré les Parhelions, plusieurs mois par le passé, le sang mêlé avait immédiatement vu dans ce morceau de famille marchande un potentiel inestimable. Avant même de leur envoyer le premier espion il avait projeté dans son esprit machiavélique une multitude de plans élaborés et avait déroulé pour chacun d'eux la liste des conséquences et aboutissements possibles et exploitables. Parmi ceux-ci il en avait retenu un, dans un premier temps, qui lui plaisait particulièrement. Après une rapide recherche il avait décidé d'exploiter l'ombre que le père d'Albrecht laissaient planer sur la branche rebelle de la famille, et suggérant son rôle d'émissaire de la famille mère, avait soudoyé le contremaitre affin d'introduire petit à petit ses sbires parmi le personnel. Le plus réussi d'entre eux, et de loin, était la vieille Namilla. Personne n'aurait jamais pu suspecter qu'un authentique pirate se cachait sous le costume de la domestique, et pas n'importe lequel, son fidèle bras droit, Gus. Gus le maudissait chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passait pour lui avoir imposé un tel travestissement, mais il avait joué son rôle à la perfection jusque là et les efforts étaient sur le point de payer. "Mère... Alice n'aurait pas aimé te voir dans cet état... " "Nan nan plus doux la voix, marque d'avantage l'intonation sur état" "Mère... Alice n'aurait pas aimé te voir dans cet état." "Ouais c'mieux." Gus remis l'enregistrement en route, la voix de l'héritier Parhelion retentit à travers les hauts parleurs, une phrase puis deux. Moda repris, imitant le ton du marchand. "La famille ne va pas se gérer toute seule père, je me démène déjà bien assez à revendre ton poisson bas de gamme et tu sais à quel point c'est difficile sans vivenef." "Fait attention, il chuchotait à ce moment là, attends je me rapproche, il se tenait juste à coté de son père, ça a pas été facile à enregistrer ce morceau." "Je crois que bientôt le papounet et son fifils vont cesser de se voir, jouer à ça c'est juste une perte de temps." "Et oublie pas la soeur." "Oh ne m'en parle pas de celle là, mais ne t'inquiète pas je trouverais surement un marchand à qui la marier... Ce sera toujours mieux que la bazarder dans grand vent.""Tu n'y penses pas, pauvre petite ! Allez concentre toi, t'as fais beaucoup de progrès cette semaine." "Il reste combien de disque?" "sept" "Sept ?! Ce mec parle trop !" L'exercice durait depuis l'arrivée de Moda. Son séjour éclair à Midel-heim l'avait conforté dans son plan et il avait décidé de passer à l'action. Il avait un espion dans chaque parcelle de la demeure du marchand, des dispositifs d'enregistrement dans tous les lieux clés. Il étudiait la vie d'Errol sous tous ses aspect, déterminé à ne pas laisser le moindre élément au hasard. Au delà des exercices visant à reproduire sa voix ( et desquels Moda, de part son expérience de faussaire, arrivait à se tirer à bon compte ) il avait regroupé et emmagasiné des informations sur son passé, ses amis, ces centres d'intérêt, il avait même réussi à dénicher des secrets qu'Errol pensait connus de lui seul. Ces informations, compilées dans des registres à l'épaisseur monstrueuse, jonchaient la chambre du sang mêlé, s'amassant en monticules inégaux Il y avait là tout ce qu'il était possible de savoir sur les Parhelion, des enfants d'Albrecht à ses ancêtres les plus éloignés, et sur toutes les familles de Marchands qui exploitaient le lac de Vama. Plus loin une pile de plus d'un mètre de haut recensait tous les clients actuels, envisagés, en négociation et potentiel des Parhelions, avec une brève description de leur commerce. Un autre tas contenait ni plus ni moins que la vie d'Albrecht Parhelion, depuis sa naissance à ses quelques plans d'avenir en passant par un traité sur la méthode d'élevage intensif qu'il met au point et un récapitulatif fourni en détail sur sa vie matrimoniale Les répétitions prendraient bientôt fin et il serait temps de jouer la pièce. |
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