Histoire
Tu regardes la pureté du ciel qui te surplombe, laissant tes yeux dorés errer, le soleil lèche tendrement la volupté soyeuse de ta peau ambrée. Telle une cascade, les boucles noires de ta chevelure déferlent sur tes minces épaules. Tu repenses avec fébrilité à tout ce qui t'a mené jusque là, jusqu'à cette journée si particulière où tu as obtenu ton grade de lieutenant. Si jeune mais si talentueuse, avait-on murmuré sur ton passage. Tu aurais voulu leur crier que non, la jeunesse avait depuis longtemps déserté ton âme esseulée, et que ton cœur te semblait déjà bien lourd. Ton esprit se perdit alors dans de cruelles chimères, monstres nébuleux te rappelant avec tristesse ton passé idyllique.

Tu es née lors d'une chaude nuit d'été, la lune éclairait délicatement le doux visage de ta mère. Artistes, tes parents déambulaient de villes en villes sur leurs fahrs, et c'est dans une grotte perdue dans le désert que tu vis le jour. Tes yeux en amande s'ouvrirent sur la pâleur d'une lune nouvelle et rencontrèrent l'ovale harmonieux d'un jeune garçon de trois ans, au regard espiègle. Ton frère, Isos. Ton protecteur, ton meilleur ami, ton professeur. Ton enfance fut heureuse, innocente, trépidante, rythmée par les déplacements artistiques de tes parents. Rêveuse et athlétique, tu ne rêvais que d'aventures, imaginant sans cesse le jour de ton départ, les contrées lointaines, les rivages inconnus. Ton frère et toi étiez inséparables, tels des siamois vous ne vous sépariez jamais. Vous vous entraîniez ensemble au combat, aux armes, à la course sur vos rapides fahrs, et tu compris rapidement, innocente jeune fille que tu étais, que ton destin ne te porterait pas vers le monde de l'art mais vers celui de soldats. Tu ne t’en entraînas que plus. Mais Isos vit sous un mauvais jour ton aspiration et en grand frère attentionné, il emprunta le même sentier que sa tendre sœur pour veiller à jamais sur elle, et c'est ensemble qu'ils s'enrôlèrent dans les Veilleurs Pourpres.

Leur formation accomplie, c'est avec tendresse qu'Isos se rendit compte de la jeune femme qui tu étais devenue. Passionnée par ton métier, tu étais une guerrière dans l'âme, ne vivant que pour défendre ta patrie. C'est tout naturellement que tu te spécialisas en tant que pilote, fougueuse que tu étais, car la vitesse et la liberté enivraient avec délectation tes sens d'éternelle aventurière. Vint le jour où une mission délicate vous fûtes confier, à ton frère et toi. Une infiltration chez l'ennemi, au cœur même des forbans pour libérer aux périls de vos vies deux innocentes jeunes filles capturées. Tu te souviens avec émotion la joie qui était monter en toi. Un défi, un combat, une aventure. Un monde inconnu qui t'ouvrait les bras. Trépidante, tu étais partie le cœur léger mais l'esprit déterminé, ton frère te suivant l'air inquiet. L'affaire ne fut pas chose aisée, mais votre formation avait fait de vous de véritables guerriers à qui l'art du combat et de la manipulation n'avait plus aucun secret à vos identiques prunelles dorées.

Mais tout ne se passa pas comme prévu. Bien que les forbans vous prissent pour de nouvelles recrues en quête de trésors et qu'ils vous ouvrissent les portes de leur cité, la suite de votre mission prit des allures de cauchemar éveillé. Démasquée, tu réussis de justesse à sauver les délicates enfants mais ton frère fut happé par la foule énervé des forbans. Tu vis la vie quittée les yeux d'Isos, son dernier souffle s'échapper de ses lèvres, un soubresaut le secouant. Tu courras alors, malgré le danger, vers lui, jouant des coudes et de tes armes, griffant, mordant, attaquant qui se mettait sur ton passage. Une larme coule lentement le long de ta joue alors que les images défilent dans ton esprit torturé. Tu avais ramené son corps sans vie jusqu'au QG, ta mission accomplie, les otages sains et saufs. Mais les larmes ne cessaient de couler sur ton visage habituellement rieur, le sang s'écoulait de tes nombreuses blessures mais tu n'en avais que faire. Isos était mort. Et te prononcer ces affreuses paroles ne faisaient que redoubler tes sanglots incontrôlables.

C'est ainsi que tu es montée en grade, adulée par tes responsables devant la prouesse de tes actions, mais le sourire qui éclaire ton doux visage n'est qu'une façade. Un masque de théâtre, car ton cœur saigne et la blessure n'est pas prête de se refermer. Tu es une âme en peine maintenant. Muée par une rage naissante, tu ne combats que plus férocement. Tes états de service sont tels que tes chefs ne cessent de te féliciter. Tu es l'étoile montante d'une génération de Veilleurs.