Histoire
Né sans encombre un soir orageux, Neil a grandi avec sa mère à Vuulte, entre des rouages bien huilés, des caisses à outils et des pièces détachées en tout genre. Ses parents possédaient une habitation dans l’un de ses grands immeubles de pierre et de bois, surplombant le sol de plusieurs dizaines de mètres. Leurs revenus se complétaient suffisamment pour qu’on puisse les considérer comme aisés, mais c’était bien là le dernier de leur souci. Ces dingues de mécanique vivaient avant tout pour leur passion. Quand Neil est né, son père revint quelques semaines du QG de la milice, puis une fois par an, s’assurer que tout allait bien. L’année de ses un an, il lui donna une clef à molette en guise de hochet, ne sachant pas comment le faire taire alors que son fils braillait sa faim et que sa femme s’était absentée. Les membres de la famille prétendent depuis que c’est à cause de ça que le rejeton s’est avéré être un petit génie en la matière, sans compter l’influence de ses géniteurs. Il grandit tranquillement, jouant dans le hangar de sa mère quand elle entretenait les divers modules de la ville qu’on lui confiait, s’amusant avec des gamins de son âge à celui qui ferait le plus rapidement le trajet entre le sol et le plus haut des ponts de la ville. Neil gagnait souvent. Les hauteurs avaient pour lui quelque chose d’attirant et il n’arrêtait pas de se demander pourquoi il ne pourrait pas aller plus haut encore.

Il quitta son cocon l’année de ses sept ans, faisant un brusque pas en avant dans une réalité qui lui échappait jusqu’alors. Il aidait sa mère à réparer le module d’un riche propriétaire de la ville, une bagatelle, ils en avaient vu défiler des tonnes de ces engins. Assemblant dans son coin les composants nécessaires à la réparation avant de donner les ensembles à sa mère pour qu’elle les fixe sur l’appareil, ils formaient une petite équipe aux rouages bien huilés. Elle était fière de son fils et certaine qu’il assurerait la relève de son hangar de réparation avec brio. Et il l’aurait fait, si le module ne s’était pas enrayé lors du contrôle et n’avait pas explosé. Sa mère est probablement morte sur le coup. Le hangar prit feu, Neil sortit aussitôt et couru dans les hauteurs des ponts les plus proches, pour se mettre à l’abri des possibles gaz ou autres explosions que le feu pourrait provoquer au contact du sol imprégné d’ithylium. Rester pour sauver sa mère était impossible et il ne voulait pas mourir. L’incendie fut heureusement maitrisé avant qu’il ne s’étende et c’est sa tante qui récupéra le petit garçon, sous le choc et oscillant entre la douleur d’avoir perdu sa mère et le dégoût de soi, pour avoir sauvé sa propre vie sans rien tenter. Il prit conscience que ce avec quoi il jouait depuis sa naissance pouvait se révéler fatal en cas d’erreur, que même les professionnels n’étaient pas à l’abri. C’est un Neil obstinément muet et refusant de s’approcher de toute chose mécanique que récupéra son père, alors qu’il venait le chercher pour l’emmener avec lui au QG de la milice.

Le gamin ne resta pas bien longtemps éloigné de la technologie. Vivant désormais avec cet inconnu qu’était son père, il passait ses journées dans les hangars, à observer les pilotes, les mécaniciens, les entretiens réguliers faits sur les speeders. Peu à peu, il en vint à en avoir des démangeaisons dans les doigts de ne pas pouvoir aller bricoler ces engins magnifiques et se prit même à rêver d’avoir un jour son propre speeder. Il sortit de son mutisme, se fit de nouveau curieux et devint la bête noire des mécaniciens, toujours à les épier, leur poser des tonnes de questions ou reprendre ouvertement leurs manipulations. Son père n’en pouvant plus de les entendre se plaindre de son fils, il emmena Neil dans son secteur, lui interdisant de trainer ailleurs qu’ici. C’était frustrant. Le père du garçon ne s’occupait que des motos ou véhicules de transports communs dans l’armée. Neil, il voulait voir des speeders. Approcher les petites merveilles qu’étaient les RA90. Créer le sien.

Une année passa. Le sale môme ne voulant pas rester ailleurs que près de l’atelier, ne voulant pas retourner en ville et ignorant royalement les quelques profs engagés par son père qui eurent le courage de passer plus d’une semaine avec lui avant de jeter l’éponge, le paternel en vint à la conclusion la plus évidente. Son garçon n’avait rien d’autre en tête que de démonter, d’étudier, de reconstruire. Quand il le trouva en train de réparer l’une des Filantes de l’armée par ennui et réussir plus rapidement que lui, il capitula. Il demanda à son supérieur s’il pouvait le prendre comme assistant à temps plein, chose acceptée grâce aux aptitudes de Neil et au fait que son père était un travailleur sérieux. Au moins, ça tenait l’enfant occupé et les vraies journées de travail l’épuisaient enfin suffisamment pour qu’il arrête de courir dans tous les sens et cesse de penser aux speeders.

Enfin, ça, c’est ce qu’il pensait. Neil n’avait que ça en tête. Les speeders, le RA90, les technologies de pointe et l’envie de les améliorer encore. Il rongea son frein pendant deux ans, le gosse. Le temps de pouvoir fureter sans se faire prendre, de mémoriser parfois quelques plans oubliés dans les hangars quand il avait de la chance. Il fabriqua une reproduction miniature d’un ancien modèle qu’il avait pu étudier en découvrant la casse un jour. Fabuleux endroit d’ailleurs qu’il visita souvent par la suite, pour récupérer des pièces diverses et entamer un prototype de speeder. Mais ça ne lui suffisait pas. A ce rythme, il ne pourrait rien faire avant des lustres. Ici, avec de la chance, il pilotait parfois de vieux modèles de modules de course pour tester leurs capacités. Mais il savait que ça n’avait rien à voir avec un véritable vaisseau à la pointe du progrès. Alors dans le courant de sa dizaine, il alla proposer sa candidature pour l’entrainement des pilotes d’élite. Sans l’approbation du paternel, sans autre motif que de piloter un RA90 et de pouvoir l’étudier sous toutes les coutures.

L’entrainement lui parut interminable et il crut bien mourir deux ou trois fois, mais il ne baissa pas les bras. Il endura toutes les contraintes sans vraiment s’étonner de réussir les tests, après tout, il était une sorte de génie, hors de question d'échouer. Il subit tout sans broncher, jusqu’au jour où on les mit aux commandes d’un speeder pour de bon. Neil en aurait presque pleuré de joie mais il était bien trop occupé à découvrir enfin en pratique toutes les possibilités théoriques qu’il ressassait depuis plusieurs années. Neil aux commandes d’un speeder fit des merveilles, car il en connaissait toutes les capacités et les moindres pièces qui le composaient, du fuselage aux matériaux choisi pour le siège.

Le jeune homme sortit de sa promotion parmi les meilleurs pilotes du lot, sinon le meilleur. Par contre, côté discipline, ça laissait encore à désirer et il n’avait pas des capacités physiques phénoménales, néanmoins largement dans les attentes qu’on avait placées en lui avec cet entrainement dantesque. Heureusement pour lui, l’un des superviseurs estimait qu’un brin d’instinct et de volonté propre ne pourrait pas faire de mal à l’élite et pourrait s’avérer utile en cas de force majeure. Neil a toujours eu pas mal de chance.

Le voici donc, le Neil, possédant enfin un speeder dernière génération qu’il peut bichonner et démonter comme il l’entend lorsqu’il est assigné à la base. Il n’en oublie pas pour autant son boulot de milicien, même s'il le trouve fade et sans intérêt comparé au monde de la mécanique ou au pilotage pur. Mais dans le fond, il n’aspire qu’à concevoir un modèle encore plus efficace et redoutable. Il s’intéresse depuis peu au Bois Sorcier et à ses capacités, qu’il jugeait minimes lorsqu’il n’était encore qu’un enfant ignorant et ne jurant que par la technologie. Finalement, mélanger les deux pourrait s’avérer intéressant. Peut-être qu’avec un engin de cet acabit, il serait capable de passer les lames de Grand Vent et d’aller voir ce qui se trouve au-delà.