Enaïa Lysean Vara'Da [Terminée]

“Je me souviens encore, du regard dégoûté que tu as posé sur moi, lorsque tu t'es rendu compte que la seule famille qu'il te restait, était une fille. Ta fille.”

Je suis née le jour le plus chaud de l'année de ma naissance. Certains disent que cela a influencé sur mon caractère de feu, et que je le tenais de mon père. Je ne sais toujours pas si je devais m'en estimer heureuse ou pas. Quoi qu'il en soit, j'étais le deuxième enfant de Daeran et Venilia, et j'avais eu le malheur de naître fille. Alors, comme il était coutume de le faire traditionnellement chez les Vara'Da, je fus mise de côté et élevée uniquement par ma mère. Mon frère, de 5 ans mon aîné, était déjà formaté pour devenir un soldat Veilleur, et commençait à subir les entraînements de mon père. Il était sa fierté, son fils premier en qui il voyait un avenir fameux au sein de la garde de Ruyn. Moi, je n'étais qu'une enfant, qui servirait plus tard à engendrer d'autres soldats, comme il était normal de le faire lorsque nous naissions femmes dans la famille.

Ma mère m'éduqua avec toute la patience et l'amour dont elle savait faire preuve. Elle m'apprit à lire, à écrire, et je devins une petite fille autonome et débrouillarde très rapidement. Les rues de Penjoie étaient mon terrain de jeu dans lesquelles je m'évadais de l'ambiance misogyne de la maison. Quand nous étions tous réunis, mon père ne me parlait pas ou peu, et resté concentré sur l'éducation militaire de mon frère. Ce dernier semblait avoir trouvé sa voie, et je l'admirais pour le courage dont il faisait preuve. Si bien que les manières de petites filles que l'on essayait de m'inculquer ne m'intéressaient plus. Moi aussi je voulais avoir une arme, moi aussi je voulais combattre pour la justice et faire régner la paix dans le monde. Alors les rues de Penjoie, de terrains de jeu, se transformèrent en champs de batailles improvisés. Ma mère s'aperçut très rapidement que mon rêve ne résidait en rien à avoir des enfants et fonder une famille. Elle parla à mon père de mon envie d'être entraînée au même titre que mon frère. Il refusa.

Les années passèrent, sans que mon père ne s'intéresse plus à moi. Mon frère était entré chez les Veilleurs Pourpres depuis maintenant deux ans, et venait de fêter ses 17 ans. Il faisait toujours autant la fierté de mon père qui ne cessait de clamer ses louanges. Moi, j'étais toujours aussi transparente et inutile, mon géniteur ne cessant de me refuser ma demande d'être un soldat. Je savais pourtant me battre, et manier les armes. Je m'entraînais chaque jour dans la cour de la maison, et je m'étais même découvert un certain talent pour les armes de lancer. Couteaux, poignards et flèches. Ma mère me couvrait et continuait à dire à mon père que je progressais en matière d'éducation féminine. Je ne la remercierais jamais assez pour m'avoir aidé à atteindre mon rêve. Pourtant, la stabilité de notre famille finit par s'ébranler. Mon frère aîné, le soldat si courageux et vaillant fut tué lors d'une mission dans le désert. Ce fut un choc terrible pour ma mère qui venait d'apprendre qu'elle attendait un autre enfant. Mon père tomba de haut et du faire un trait sur son rêve de fils prodigue. Moi, je ne pu que pleurer mon modèle. Je pensais que cela permettrait à mon père de me prendre sous aile, mais ce ne fut pas le cas. Loin de là. Je sentais que sa haine d'avoir perdu son fils cheminait doucement pour s'abattre sur moi, et même s'il ne le montrait pas, son attitude distante le montrait pour lui. Il espérait encore que Ruyn lui donnerait la chance de pouvoir élever un fils en tant que soldat et d'en faire un champion. Il consulta même une voyante qui lui affirma que l'enfant que portait ma mère était bien un fils. Mon cauchemar n'était pas encore fini.

Quelques mois après la mort de mon frère, je dû assister, du haut de mes 12 ans, à la maladie de ma mère. Faible, la grossesse devenait de plus en plus difficile. Et mon père de plus en plus fou. Et lorsqu'elle succomba à la fatigue, emportant avec elle le dernier espoir de mon père, je crus qu'il me tuerait pour ça. Il venait de perdre l'amour de sa vie, et un autre fils. Je me souviens encore, du regard dégoûté qu'il posa sur moi, lorsqu'il se rendit compte que la seule famille qu'il lui restait, était une fille. Sa fille. Sa tristesse se transforma en colère, puis haine et il la reporta sur moi. Il ne cessa de me répéter qu'il me regrettait, que j'étais le portrait craché de ma mère. Et je sentais bien que, pour lui rappeler sans cesse le regard qu'elle avait, il me détestait. Alors que je pensais que ma vie n'aurait plus aucun sens, mon père finit par me prendre sous son aile. Il accéda enfin à ma faveur d'être entraînée pour devenir un Veilleur. Je ne compris pas de suite que son but était de me détruire et enfin me faire taire sur cette foutue envie d'être soldat. Mais je m'en aperçus bien assez vite lorsque je rentrais chaque soir, exténuée et au bord de l'inconscience, seule après un entraînement. Combien de fois m'étais-je évanouie lors d'une séance ? Combien de fois avais-je vomi le peu que je mangeais durant un entraînement ? Combien de fois mon père avait pris un malin plaisir à me porter des coups dans le but de m'entraîner ? Et combien de fois avais-je pleuré ma mère, lui demandant depuis là-haut, d'apaiser la colère de mon père...

Je tins malgré tout, le coup et ressorti vainqueur de plusieurs années d'entraînement intensif. A l'âge de 17 ans, je fus admise au sein des rangs des Veilleurs Pourpres, et jamais je ne m'étais sentie aussi fière. Mes compétences furent très vite reconnues et je n'eus aucun mal à faire ma place. Je ne devais plus supporter mon père que je ne voyais que très peu depuis que je vivais au QG. Ce fut une libération à tout point de vue. Ma fierté ne fit que grimper lorsque je fus promue officier. Mon autorité fut rapidement respectée, et ce malgré le fait que je sois une femme. Autorité qui ne s’arrêta pas en si bon chemin, puisque depuis 2 ans maintenant, je suis le Bras Droit du Général, devenant par la même occasion, la supérieure de mon père et la femme la plus gradée. Ma détermination à devenir un soldat de Ruyn et à me battre pour Korrul avait enfin payé.