Histoire
Ce fut par une douce matinée que la jeune Lalaguie poussait son premier cri pour annoncer sa venue dans le monde. A sa naissance, elle avait déjà une petite touffe de cheveux sombres et de beaux yeux clairs qu’elle garda en grandissant. Bien née dans une famille de bourgeois, la fillette emplissait de joie le cœur de ses parents comme ceux de son entourage. Enfant sage, elle faisait ses nuits très tôt et pleurait bien peu au point que son père trouvait que son épouse la couvait un peu trop. Madame Clairlune se moquait bien des pensées de son époux, elle avait une fille pour la tirer de son ennuie et s’était largement suffisant. En effet, les occupations des jeunes bourgeoises étaient centrées sur la vie de salon, les arts et l’éducation des enfants. Du coup, quand Lalaguie vint au monde, ce fut une véritable bénédiction pour sa mère qui aurait enfin autre chose à faire que lire entre quatre murs et siroter du thé en bavardant avec des femmes de son rang. Hélas, ce bonheur ne dura seulement trois années. Les trois années suivantes, Madame Clairlune les passa dans son lit à s’amaigrir suite à sa seconde grosse qui donna un enfant mort né. Jamais elle ne pu accepter la mort de son deuxième enfant et c’est ce qui lui fit perdre la vie. Morte de chagrin. Inconsolable. Monsieur Clairlune tomba à son tour dans un tourbillon d’angoisses. Peu doué avec les enfants et peu communicatif, il avait bien du mal à conserver une véritable relation avec sa fille. 

Malgré la tristesse de son père, Lalaguie essaya très jeune de rendre le sourire à son père. Elle était une enfant sage, cultivée et bien que son père soit peu bavard, elle réussit à lui redonner un peu de bonheur en partageant avec lui ses lectures et en se découvrant une passion commune avec lui qui fut la magie. Non pas la magie à l’état pur, mais la magie au sens illusionniste. De simples petits tours de passe-passe pour amuser les amis de son père qui venaient dîner avec eux de temps en temps, ou bien encore ces petits tours taquins pour embêter les personnes qui entretenaient la demeure familiale. Son père l’encourageait dans cette voie qu’il trouvait saine et détaillante pour une enfant de son âge. Pour ses neuf ans, il l’amenait pour la premier fois voir un cirque afin de lui montrer comment faisait les professionnelles. C’est ainsi qu’elle su que son père, peu bavard, était un bon ami du gérant de cette troupe et que s’il n’avait pas connu sa mère, il les aurait rejoint en temps qu’illusionniste malgré l’interdiction de ses parents. C’était comme un rêve. Découvrir que son propre père cachait un tel secret ! La petite fille avait des étoiles plein les yeux et tout en s’accrochant au manteau de son père, elle lui demanda aussitôt si elle pouvait elle aussi devenir une illusionniste. Monsieur Clairlune et BigPapa se mirent alors à rire à l’unisson. L’homme bien en chair posa alors un genou à terre pour être à la même taille que l’enfant et lui dit que si elle était aussi talentueuse que son père l’avait été, alors oui il pouvait la prendre sous son aile. Lalaguie sautait de joie et son père pu enfin sentir une immense chaleur de satisfaction s’écouler en lui. Malgré la mort de sa mère, sa fille était heureuse. Après avoir salué la troupe, les Clairlune rentrèrent chez eux pour une bonne nuit de repos, bien que cette nuit la Lalaguie eut beaucoup de mal à s’endormir. 

Par la suite, l’économie chuta et la vie tranquille des Clairlune devint grise et nostalgique. La jeune fille, maintenant âgée de douze ans n’avait pas oublié la troupe d’artiste qui passait de ville en ville et elle avait continué à aller les voir même dans les temps difficiles lorsqu’ils étaient de passage à Vuulte. Son père s’était bien gardé de lui dire qu’il cherchait une nouvelle épouse. Il pensait qu’en trouvant une nouvelle femme, celle-ci pourrait remettre un peu d’ordre à leur vie, apporterait une dote conséquente et par-dessus le marché, serait un exemple féminin pour guider sa fille au rang dont elle était issue, la bourgeoisie. Pour ses douze ans, la jeune fille ne pu aller voir la troupe qu’elle aimait tant, car Madame Ladentelle, une jeune femme d’une vingtaine d’année, veuve, allait lui être présentée. Au début, Lalaguie l’accueillit comme elle aurait accueillit n’importe qui d’autre, avec grâce et délicatesse. Elle ne dit mot lorsque cette femme lui apprit qu’elle allait être sa mère adoptive. Son père fuyant son regard, il ne souhaitait pas lui apprendre si brusquement. Ladentelle était une femme ambitieuse, franche et dominante. Monsieur Clairlune avait bien du mal à ne pas céder a ses caprices et suite à leur mariage, la vie ne fut pas simple pour le père et la fille. Lui se sentait de plus en plus exilé de sa famille, puisqu’il devait partir à droite et à gauche pour ramasser l’argent que sa nouvelle femme dépensait de trop. Lalaguie quant à elle se sentait comme un jouet entre les mains de cette femme qui jalouse de l’enfant lui faisait comprendre que son père ne l’aimait plus suffisamment puisqu’il était venu la chercher elle. 

Ces années furent très difficiles pour la jeune fille qui se cherchait. La passion commune qu’elle avait avec son père fut brusquement coupée par cette belle-mère qui trouvait les tours de magie puérils et grotesques. C’était à ses yeux une occupation qui n’avait pas sa place dans les occupations d’une jeune fille bourgeoise. Bien que la nouvelle famille semble aller bien, le climat à l’intérieur était prêt à exploser. Monsieur Clairlune finit part s’habituer à sa nouvelle femme et trouva grâce à elle comment arriver à gérer les dépenses de sa femme. Pour cela il lui suffisait d’arrêter de faire plaisir à sa fille et de lui donner le strict minimum. Ainsi donc Lalaguie avait le droit à une nouvelle robe par an, pour son anniversaire et bénéficiait encore par chance d’une éducation. Quelques années plus tard, son père décédait suite à des coups de poignards qu’il avait reçus alors qu’il rentrait chez lui. On ne trouva jamais qui était l’auteur de ce crime odieux, ni même pourquoi il avait êtes victime de celui-ci. Dans la vie de Lalaguie ce fut l’anarchie total. Elle se sentait seule, orpheline et prisonnière d’une affreuse femme qui venait d’hériter de tous les biens que possédaient feu son père. Docile et naïve, elle vécue plusieurs années sous la dictature de sa marâtre avant de recroiser un jour les membres de la troupe qui passait en ville. Elle était triste à voir et semblait aussi blessée et fragile qu’un oiseau qu’on aurait trop longtemps maltraité en cage. BigPapa eut bien du mal à la reconnaitre. C’est grâce à ses yeux bleus qu’il pu la reconnaitre et aller prendre de ses nouvelles. Pour ça il n’eut pas à faire beaucoup de pas, elle zonait déjà près du lieu où ils s’étaient installés. 

Malgré le dégout de sa marâtre pour ses tours, Lalaguie avait continué à s’entrainer en secret et lorsque le gérant lui demanda de lui montrer un de ses tours, c’est avec un sourire candide et modeste qu’elle s’exécuta. Après avoir inspirée une grande partie d’air au travers d’une pipe, elle fit naître de ses lèvres des petits cercles de fumée, qui devinrent des sphères brumeuses pour enfin finir par être des bulles qui s’envolèrent haut dans les cieux. Jamais elle n’expliqua comment elle avait fait et ceci fut tellement surprenant qu’elle avait donc réussit son examen d’entrée dans la troupe. Lorsque l’homme, plutôt âgé, lui annonça la nouvelle elle pensa au début qu’il se moquait d’elle et rougissait de honte. Puis lorsqu’elle eut comprit qu’il était véritablement sérieux. Elle lui demanda de l’attendre à la sortie de la ville lorsqu’ils partiraient pour qu’elle puisse les rejoindre en douce avec le strict minimum qu’elle possédait encore. Les quelques jours à attendre furent terriblement longs pour cette jeune fille qui venait de reprendre goût à la vie. Mais lorsque la nuit son amie fut venue, c’est avec un simple petit baluchon qu’elle s’éclipsa de son ancienne demeure pour rejoindre sa nouvelle famille aux portes de la ville. Lalaguie n’avait aucun regret de quitter Madame Ladentelle et même Vuulte, car elle allait pouvoir réaliser le rêve de son père et en même temps le sien. Quant à Vuulte, elle savait que de temps en temps elle reviendrait ici pour faire son show et que Madame Ladentelle serait bien trop occupée à se pavaner pour se soucier des petits gens et des artistes de voyages. 

Ainsi donc elle vécue une première année avec la troupe. Aujourd’hui, elle ne fait pas encore ses spectacles seule et lorsqu’elle se retrouve face au public, véritablement seule, c’est pour les faire patienter avec quelques tours amusants.