Nøak Lindén [Terminé]

La neige commençait à fondre sous l'effet des premiers rayons du soleil. La douce évaporation matinale donnait à la forêt un aspect fantomatique des plus singuliers. Terré derrière un buisson, Noak jeune garçon de 13 ans, guettait le gibier qui ferrait le repas du midi. Serré contre lui, son père Sven et son grand frère Lukkas, 16 ans, attendait patiemment que le gamin fasse ses preuves. En effet, la tradition familiale des Lindén voulait que le père initie l'enfant de 13 ans, garçon ou fille, aux maniement des armes, à la traque du gibier, à la survie en terrain hostile, … durant un mois entier. Vivant en autonomie dans les rudes conditions de l'île des Erfeydes. Le passé de Factionnaire de Sven en faisait un très bon instructeur mais aussi très exigeant. Mais cette fois ci, tout ne se passa pas comme pour ses deux autres enfants.

Pour mieux comprendre la situation, le contexte est essentiel. Sven, ancien guerrier, de par ses blessures et son âge grandissant, a dû stopper son activité pour aider sa femme à gérer leur taverne. Cependant, un combattant reste un combattant. Et cet état des choses se voit clairement dans les espoirs pour qu'il met dans sa descendance. Lukkas, 16ans, et Mia, 15 ans, firent la fierté de leur père. Pour eux, l'initiation furent comme une évidence. Leurs capacités et leur envie de satisfaire au modèle familial n'avait que pour conséquence de mettre leur petit frère hors de ce moule. Car, pour le jeune dernier, tout n'était pas conforme au point de vue paternel. Depuis la naissance de Noak, il considérait sa carrure comme une insulte à sa propre virilité. Ce grand maigrichon faisait du genre pièce rapporté dans cette famille de petit costaud. Mais c'est son attitude d'intello et de petit monsieur je-sais-tout qui l’insupportait le plus. Les ''pourquoi ?'' et les ''comment ça se fait ?'' résonnaient à longueur de journée dans la maison. Il ne jouait jamais vraiment comme les autres enfants et préférait plutôt démonter tout ce qui lui passait sous la main. A cet âge là, on aurait pu dire qu'il de destinait à une carrière de scientifique ou d'ingénieur. Mais les événements ne donnèrent pas raison à l'évidence.

Un mois d'initiation. La première semaine fût réservé au maniement des armes : hache, marteau, épée, dague, arc, lance … tout un arsenal à appréhender pour mieux choisir par la suite ce qui lui correspondrait le mieux. Devant tant de nouveauté, le gamin se trouvait ravi. Mais sa joie ne fît pas long feu. Consciencieux, son père l’entraîna longuement et durement du lever au coucher du soleil. La fatigue du garçon se fît sentir rapidement dans son corps de gringalet. Forcément, prenant ça comme une insulte, son père intensifia ses cours. Noak se coucha sans manger fréquemment durant cette période, plus attiré par le sommeil que par l'appel du ventre. Deuxième semaine, chasse. Malgré les douleurs musculaires, Noak se sentit revivre avec ce changement d'activité. Il y prit même un certain plaisir. Il devait se servir de sa tête plus que de sa force et cela lui convenait parfaitement. Apprenant très vite, il montra rapidement des résultats. Son père fût soulagé que son fils démontrait quelques capacités dans une activité ''d'homme''. La troisième semaine fût dédié aux techniques de survie, à un peu d'histoire de l'île et au lien avec l'ithyllium. Mais l'utilisation de son lien ne donna absolument aucun résultat. Quatrième semaine, l'heure des bilans. Il devait montrer le résultat de son apprentissage. Sven n'attendait pas que Noak le surprenne au vu des trois semaines précédentes. Mais le jeune homme assimilait vite les connaissances. Il les analysait, les digérait et les faisait sienne à une vitesse extraordinaire. Au maniement des armes, il montra une certaine dextérité au lancer de haches ou de couteaux. Une arme dans chaque main, le faible poids ce celles-ci étant adapté à son gabarit, lui permettait une rapidité de mouvement et une précision maximal. Cela n’impressionna guère son père. Des armes d'enfant à ses yeux ou tout juste bonne à couper sa viande. Cependant, quand Noak lui montra ses acquis à propos de la chasse, il découvrit quelque chose à laquelle il ne s'attendait pas vraiment. Élancé, fin, le jeune homme ne faisait pas peur à voir mais sa vivacité au moment d'attraper sa proie et surtout son endurance phénoménale remit en question le point de vue de son père à son propos. Et armé de ses couteaux ou de ses haches, il commençait à ressembler à un loup affamé aux traces de sa proie. Ne sachant plus comment voir son fils, l'initiation prit fin sans aucune remarque de Sven. Noak, quand à lui, avait prit goût à ces activités et un déclic se fît en lui.

Sous son masque de confiance, Sven était anxieux. L'initiation de son fils s'était déroulé, il y a un an seulement, et le voilà déjà dans le labyrinthe de Mo Duinne. Il savait pertinemment que la moyenne était de quatre jours et demi mais il y a un an de cela, il ne l'imaginait même pas faire cent mètres dans cet enfer. Un an où tout avait changé. Noak n'avait pas vraiment changé lui, il avait surtout trouvé un champ d'application à tout son savoir. Le comportement de tel animal, la comestibilité d'une racine, les théories en stratégie militaire, l'étude du corps humain pour le corps à corps, … tout pouvait servir quand votre vie est en danger. Et le danger, il l'a accueilli à bras ouvert. N'étant pas bien costaud, chaque blessure, chaque attaque qu'il reçoit et pour lui un grand pas vers la mort. Alors quand la possibilité d'entrer dans le labyrinthe de Mo Duinne s'est présenté à lui, il a sauté sur l'occasion. Dangereux à souhait avec un brin de mystère. L'épreuve parfaite.

Noak courrait comme un diable, serrant deux petites haches dans ses mains et ne s'arrêtant que pour manger, où se reposer. Tout en se déplaçant, il mettait à terre tout ce qu'il trouvait sur son chemin avec la précision d'un chirurgien. Mais au bout de 50 heures, il tomba nez à nez avec un animal dont il n'avait jamais entendu parler. Une silhouette énorme, les muscles saillants, la respiration clame, elle dégageait une telle envie de tuer que Noak n'hésita pas une seule seconde à fuir. C'est simplement dû à la chance ou peut être à son inconscience qu'il resta en vie. Bien moins rapide que son poursuivant, il prît la première opportunité qui se présenta à lui pour se cacher : une sorte d'effondrement étroit dans le sol. Une sorte de tunnel ou de toboggan naturel. Pas bien épais, il y plongea sans problème, laissant la créature bloqué derrière lui. Noak quitta un problème pour un autre : une chute de cinq mètres pour finir le mollet gauche empalé sur une vielle flèche plantée là. Il ne remarqua pas immédiatement sa blessure à cause de la douleur causé par le choc au sol. Dès que ses yeux se posèrent sur ce bout de bois anormalement situé, il le retira par réflexe sans réfléchir au sang qui sortirait de sa blessure. Son geste venait de le placer dans une mauvaise situation. Sa mobilité était son meilleur atout pour sortir d'ici et il était compromis. Comment faire ? Il n'avait plus de quoi refermer sa blessure, son sac s'était arraché au moment où il est entré dans ce trou. Une brûlure lancinant se faisait ressentir tout le long de sa jambe. Brûlure. Le mot fit tilt dans sa tête. Son lien. Il avait appris à le développer depuis peu. Il prit un sachet placé dans une poche interne de son manteau. Le déchira et se tartina les mains avec l'huile d'ithyllium qui en sortit. (Un sourire apparut sur ses lèvres. Son idée de petite dose fonctionnait à merveille). Une minute passa et des vapeurs commençait à sortir de ses mains. En fait, leur température était à plus d'une centaine de degré. Il mordit son manteau à pleine dents et il posa un doigt sur chacune de ses blessures. L'odeur de viande grillé était infect. La cautérisation fût douloureuse mais rapide et efficace. Restant sur place, il se roula alors en boule pour se reposer. Petit repos d'une heure, il fila droit vers la suite de son périple.

Trois jours et demi. 83 heures pour être exact. Noak en était sorti vivant au plus grand bonheur de sa famille. On parle de gens mort durant cette traversée. Les infections, les animaux sauvages, les accidents ou tout simplement perdu, les raisons sont nombreuses. Et quand quelqu'un en sort, il arrive souvent qu'il en soit tellement marqué que le reste de sa vie ne soit plus qu'un calvaire. Quand à la part qui en ressort gagnante, elle devient plus forte, plus confiante et plus expérimentée. Ils ont vu la mort et ont gagné. Quand Noak en est sorti, il arborait un large sourire. Il était pleinement vivement. Et surtout impatient de pouvoir recommencer.